Téléphone portable : dangereux pour la santé ?

Des chercheurs de Clermont-Ferrand ont montré que les ondes des téléphones mobiles ont un effet néfaste sur les plants de tomates. D'autres travaux récents, menés sur l'homme cette fois, aboutissent, eux aussi, à des conclusions peu rassurantes. Le point des certitudes, incertitudes et recommandations actuelles, à quelques mois de la publication de la grande étude internationale Interphone.

Par Florence Heimburger, le 18/03/2008

Les tomates stressent sous l’effet des ondes

Plants de tomates

Certes, l'expérience a été menée sur des tomates. Mais ses conclusions négatives relancent les interrogations sur les risques encourus par l'homme. Réalisée par des chercheurs de l'université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, elle montre qu'après seulement dix minutes d'exposition aux ondes électromagnétiques d'un mobile (900 MHz, 5 V/m), les tomates expriment les mêmes gènes que lorsqu'elles sont stressées ou blessées*.

« La plante réagit comme si elle était en danger », souligne Gérard Ledoigt, responsable de l'Equipe de recherche sur les tumeurs et l'autosurveillance cellulaire (Ertac). Cela signifie-t-il pour autant que ces ondes sont néfastes ?

La méthode expliquée par Gérard Ledoigt, responsable de l'Equipe de recherche sur les tumeurs et l'autosurveillance cellulaire (Ertac).

« Je ne suis pas convaincu, à l'heure actuelle, que ces manifestations biologiques remettent en cause la survie de la cellule ou du plant de tomate », nuance Denis Zmirou, directeur de l'équipe de recherche INSERM « Evaluation et prévention des risques professionnels et environnementaux » et membre du Conseil scientifique de la Fondation Santé et Radiofréquences. À présent, les scientifiques auvergnats s'apprêtent « à vérifier l'effet du mobile sur des cellules humaines de peau en culture, pour voir si elles résistent mieux que celles des végétaux », explique Gérard Ledoigt.

* Plant, Cell & Environment, 07 juillet 2007

Chez l’homme : des risques de cancers et d’infertilité ?

Ces conclusions négatives s'ajoutent à une série de publications, parues ces six derniers mois, qui épinglent les portables. Chez l'homme, ils pourraient avoir des effets néfastes sur la santé : cancers du cerveau, des glandes salivaires, du nerf auditif…

Les radiofréquences

En avril, une analyse de dix-huit études conduite par des chercheurs suédois, et publiée en ligne par la revue Occupational and Environmental Medecine (OEM), conclut qu'au-delà de dix ans d'utilisation d'un cellulaire, le risque de développer une tumeur cérébrale maligne, le gliome, du côté de l'oreille exposée, serait multiplié par deux. Elle montre également que dans ces mêmes conditions, le risque de tumeur du nerf auditif (neurinome de l'acoustique) est deux fois et demie plus élevé.

Début décembre, d'autres travaux, réalisés par des chercheurs israéliens et publiés dans American Journal of Epidemiology, jette un nouveau pavé dans la mare. Les auteurs relèvent « un lien de cause à effet entre l'utilisation des portables et le développement de tumeurs des glandes parotides » (glandes salivaires situées sous l'oreille). Les personnes qui utilisent leur portable pendant plus de 22 heures par mois présenteraient un risque accru de 50 %.

Le mobile pourrait aussi avoir un impact sur la qualité du sperme : une étude publiée en ligne en mai 2007 dans la revue Fertility and Sterility montre en effet que son utilisation provoque une diminution du nombre de spermatozoïdes, de leur motilité, de leur viabilité et de la morphologie normale.

Le Dr René de Seze, responsable de l'unité de toxicologie expérimentale à l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques) souligne lui aussi que « nous ne disposons pas d'un ensemble de travaux robustes qui montrent que les téléphones portables entraînent une prolifération tumorale ».

Encore certaines lacunes

Autant de conclusions qui vont à contre-courant du discours rassurant du ministère de la Santé* et même de l'OMS (Organisation mondiale de la santé) : « Les données actuelles ne confirment en aucun cas l'existence d'effets sanitaires, résultat d'une exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité. Toutefois, notre connaissance des effets biologiques de ces champs comporte encore certaines lacunes et la recherche doit se poursuivre pour les combler. »

Les effets des portables sur la santé selon Denis Zmirou, directeur de l'équipe de recherche INSERM ''Evaluation et prévention des risques professionnels et environnementaux''.

Le Dr René de Seze, responsable de l'unité de toxicologie expérimentale à l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques) souligne lui aussi que « nous ne disposons pas d'un ensemble de travaux robustes qui montrent que les téléphones portables entraînent une prolifération tumorale ».

La publication dans les prochains mois de l'étude internationale Interphone permettra peut-être de trancher le débat. Lancée en 1999, sous l'égide de l'OMS, par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) à Lyon, et menée dans 13 pays**, cette recherche vise à établir les relations qui existent entre l'usage du téléphone mobile et les tumeurs de la tête. Jusqu'à présent les conclusions étaient contradictoires. Mais aujourd'hui, « les résultats sont assez convergents et suggèrent une association entre une utilisation prolongée (au-delà de cinq à dix ans) et intensive (en zones rurales par exemple…) du téléphone portable et certaines tumeurs du cerveau », explique Denis Zmirou.

* Communiqué du 2 janvier 2008 ; ** Allemagne, Australie, Canada, Danemark, Finlande, France, Israël, Italie, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Suède.

 

Quel comportement adopter ?

Les recommandations de Denis Zmirou

Pour l'heure, le ministère de la Santé rappelle qu' « un usage modéré du téléphone mobile [est conseillé], notamment aux enfants ». Car « si des effets sanitaires étaient mis en évidence, les enfants pourraient être plus sensibilisés étant donné que leur organisme est en cours de développement. » En 2006, une étude brésilienne, réalisée par des scientifiques de l'université de Porto Alegre, avait, en effet, révélé que le cerveau des enfants de moins 10 ans absorbe 60 % de rayonnements électromagnétiques de plus que celui d'un adulte.

Mieux vaut donc être vigilant avec son portable et respecter quelques règles de bon usage que le ministère de la Santé mentionne : « utiliser son mobile avec discernement, ne pas téléphoner dans des conditions de mauvaise réception ou lors de déplacements à grande vitesse et enfin, éloigner son téléphone des zones sensibles du corps en utilisant par exemple un kit mains libres ». Les 52 millions d'abonnés* en France vont devoir apprendre à décrocher.

Le wifi est-il sans risques ?

L'avis du Dr René de Seze, responsable de l'unité de toxicologie expérimentale à l'INERIS (Institut national de l'environnement industriel et des risques)

A priori, cette technologie qui permet de se connecter à Internet sans fil ne pose aucun problème. « Le wifi émet une puissance rayonnée dix fois moins importante qu'un téléphone portable », précise l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Les faibles puissances d'émissions « ne permettent pas de conclure à l'existence d'un risque particulier éventuel », poursuit l'agence.

Néanmoins, la généralisation de la technologie sans fil wifi suscite des interrogations. « Plusieurs indicateurs montrent qu'on ne peut pas laisser se banaliser cette technologie sans la réglementer ni réaliser d'études d'impact sanitaire », estime Michèle Rivasi, présidente fondatrice du Centre de recherche et d'information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem). D'une part, le wifi est une fréquence supplémentaire qui s'ajoute de manière permanente à une ambiance électromagnétique. D'autre part, les mobiles et le wifi sont des ondes pulsées et non continues comme les ondes radio ou télé. Elles possèdent donc une puissance de crête plus importante. Par ailleurs, la fréquence wifi (2450 mégahertz) est une fréquence micro-ondes qui a pour effet, comme les fours domestiques, d'agiter les molécules d'eau. Ce qui n'est peut-être pas sans conséquences sur la biologie humaine.

Cela dit, la puissance des bornes wifi (environ 100 mW) est 10 000 fois inférieure à celle d'un four à micro-ondes (environ 1 000 W). En outre, les études scientifiques ne permettent pas, aujourd'hui, de trancher sur la dangerosité du wifi. La prudence reste donc de mise. C'est pourquoi le Criirem recommande six habitudes à prendre afin de limiter son exposition au wifi : préférer un câble réseau pour relier l'ordinateur au modem, toujours se tenir à plus d'un mètre de la borne wifi et ne pas entrer en contact avec elle, ne pas laisser les enfants poser sur leurs jambes ou sur leur ventre un ordinateur connecté en mode wifi, ne pas se positionner entre la borne wifi et les ordinateurs qui s'y connectent, limiter le nombre et la durée des appels avec un téléphone wifi, éviter une exposition permanente en laissant fonctionner son boîtier 24h/24.

* Fin juin 2007, la France comptait précisément 52,54 millions d'abonnés à un opérateur de téléphonie mobile, selon l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes).

Florence Heimburger le 18/03/2008