Deux ans après AZF : quelles leçons ont été tirées ?

Le 21 septembre 2001, l’explosion du hangar 221 de l’usine AZF faisait trente morts et près de neuf mille blessés. Deux ans après le drame, les circonstances de l’explosion ne sont pas encore élucidées. Pour répondre aux inquiétudes des dix millions de riverains d’usines à risques en France, une loi sur la sécurité industrielle a été adoptée par le parlement fin juillet 2003.

le 01/10/2003

Le point sur l’enquête

La démolition définitive des bâtiments restants de l'usine AZF devrait être finie à la fin de l'année

Selon l’enquête judiciaire, l’explosion est due à une erreur humaine de manipulation. Un ouvrier d’une entreprise sous-traitante aurait confondu un sac de 500 kg de produits chlorés (DCCNA) avec des granulés de nitrates et l’aurait déversé dans le hangar 221 sur le stock d’ammonitrates, un quart d’heure avant l’explosion. Le mélange se serait alors transformé en trichlorure d’azote, un gaz instable qui explose à température ambiante. Une hypothèse compatible avec le rapport d’étape rendu par un collège d’experts pour qui « une réaction chimique s’est propagée vers le tas d’ammonitrates », mais en apparente contradiction avec les résultats de la reconstitution effectuée sur les lieux (l’odeur du sac de produits chlorés semblait interdire toute erreur).

Selon TotalFinaElf, « la reconstitution des mouvements des produits intervenus dans les jours et les heures ayant précédé la catastrophe rend infondée l’hypothèse d’un mélange de DCCNA et de nitrates ». Le groupe envisage donc une autre hypothèse par le biais de sa propre commission d’enquête. Ce serait la formation d’un arc électrique entre deux transformateurs situés à l’extérieur de l’usine qui aurait provoqué l’explosion.

Une piste réfutée par la justice au vu des relevés EDF, mais que le CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) qui mène aussi sa propre enquête, souhaite voir réexaminée. Par ailleurs, l’hypothèse d’un attentat terroriste, envisagée dans le contexte post-11 septembre, semble avoir été définitivement écartée.

La loi du 30 juillet 2003

Présenté par Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l’Écologie, un projet de loi sur la sécurité industrielle a été adopté par le parlement. Il comprend plus de 80 articles et s’applique aux sites classés SEVESO II. Cette nouvelle loi sur la prévention des risques introduit la notion de catastrophe technologique constatée par l’autorité administrative, ce qui permettra aux assurés (ayant souscrit une police d’assurance dommage) d’être indemnisés dans les trois mois suivant la déclaration ou la date de remise des dommages. Ainsi, ce sera à l’assurance de démarcher auprès de l’industriel à l’origine de l’accident et non plus aux sinistrés.

Par ailleurs, des comités locaux d’information et de concertation sur les risques seront créés pour le public autour des 670 établissements SEVESO à haut risque.

Liste des établisements classés SEVESO

Au niveau européen

Comment empêcher la délocalisation des sites à risques ? Réponse de Yves Cochet...

Le rejet accidentel de dioxines à Seveso en Italie en 1976, a incité l’Union européenne à se doter d’une politique commune de prévention des risques industriels. Le 24 juin 1982, la directive dite « Seveso » demande aux Etats et aux entreprises d’identifier les risques associés à certaines activités industrielles dangereuses et de prendre les mesures pour y faire face.

Les établissements visés par les directives Seveso...

Les établissements concernés par la directive Seveso I :

  • diverses branches de la chimie
  • la pétrochimie
  • le cycle du combustible nucléaire
  • le raffinage pétrolier
  • les dépôts d’hydrocarbures
  • les dépôts de butane, de propane
  • les dépôts phytosanitaires
  • les dépôts d’engrais
  • les dépôts ou ateliers de fabrication d’explosifs

Les établissements concernés par la directive Seveso II :

  • tous les établissements entrant dans le champ d’application de la directive Seveso I
  • les usines métallurgiques
  • les usines de production de pneus
  • les industries agroalimentaires (sucrerie, distillerie)
  • les verreries et les cristalleries
  • les stockages de gaz industriels
  • les stockages d’ammoniac agricole
  • les usines de microélectroniques
  • des entrepôts divers
  • les carrières
  • les usines du traitement de l’eau
  • les établissements de recherche…

Les établissements hors du champ d’application de la directive Seveso II :

  • les installations militaires
  • les dangers nucléaires
  • le transport de substances et le stockage temporaire par route, rail, air, voies navigables et pipelines
  • les décharges de déchets
  • les industries extractives exploitant des mines et des carrières

Il faut noter que la directive Seveso II ne fait plus référence à une annexe listant des procédés et des activités comme c’était le cas de la directive Seveso I. Le recensement des établissements Seveso se fait dorénavant par rapport à la liste des produits chimiques utilisés fournie par l’exploitant. Cette technique a l’avantage de couvrir l’ensemble des infrastructures desservant l’établissement comme les embranchements ferroviaires, les appontements des bateaux à quais…

Aujourd’hui, il semblerait que les normes imposées par la directive soient trop laxistes, puisque le Parlement européen s’est lancé dans la création d’un « Seveso 3 ». Les eurodéputés ont ainsi décidé, le 11 septembre 2002, d’abaisser les seuils tolérés dans les usines « à risques » pour certaines substances dangereuses. De leur côté, les États semblent peu disposés à appliquer la directive puisque la Commission européenne a déjà dû engager six procédures d’infraction contre des Etats membres pour « non-application ou application incomplète de la directive ».

Mais, effet pervers, à force de vouloir renforcer la législation, on risque de voir les sites dangereux se délocaliser vers des pays où les normes environnementales et sociales sont inférieures à celles en vigueur sur le territoire de l’Union.

le 01/10/2003