Développement durable à la française : passage à l'acte ?

En France, un an après son entrée au gouvernement, le développement durable quitte le cercle d’initiés dans lequel il était resté confiné pour descendre dans la rue. Du 2 au 8 juin 2003.

Par Isabelle Bousquet Maniguet, le 19/05/2003

Le sondage « les Français et le développement durable »

Selon une étude Ipsos réalisée en avril 2003 auprès d’un échantillon de 1014 personnes, plus d’un tiers des Français n’auraient jamais entendu ou lu l’expression « développement durable ».

Dessin de presse diffusé lors du Sommet de Johannesburg

Les personnes les moins informées à ce sujet sont les jeunes : pour 45% des 15-19 ans, le concept même est inconnu.

Parmi ceux qui ont déjà entendu cette expression, 34% pensent que c’est avant tout la protection de l’environnement et des grands équilibres de la planète, 32% l’équité sociale et la lutte contre la pauvreté, 24% une nouvelle forme de croissance économique. Seulement 8% d’entre eux identifient bien le « développement durable » comme un nouveau modèle de développement intégrant des facteurs économiques, sociaux et environnementaux.

Le « développement durable », qu’est-ce que c’est ?

Même si l’expression peut sembler un peu abstraite, elle recouvre une réalité qui commence à s’imposer partout dans le monde. Le développement durable vise « à satisfaire les besoins et les aspirations de la génération actuelle sans compromettre l’avenir de la Terre et des générations futures ». Pour cela, les ressources biologiques doivent être exploitées à un rythme qui n'entraîne pas leur épuisement.

De plus, on admet qu’il n’y a pas de « développement durable » sans lutte contre la pauvreté : pour que le développement d’une société puisse s’inscrire dans la durée, il faut qu’il soit équitable et ne se construise pas aux dépens de certains groupes sociaux. Jusque-là, tout le monde est à peu près d’accord. Mais les choses se compliquent dès que l’on doit passer des déclarations d’intention aux actes…



Enjeu vital pour les habitants de la planète,
le développement durable a bien du mal
à se traduire concrètement sur le terrain.
Reportage en Côte-d'Ivoire dans la station scientifique de LAMTO.

Quelques dates clés du développement durable

26 août-4 septembre 2002 : Sommet mondial pour le développement durable (Johannesburg, Afrique du Sud), la plus grande conférence jamais organisée par l’ONU : plus de 50 000 participants, dont une centaine de chefs d’État ou de gouvernement, des délégués, des ONG et une présence massive des entreprises. Mais l’Agenda 21 – ensemble de 2 500 recommandations pour arriver à instaurer un développement durable sur la planète – mis en œuvre à Rio, dix ans plus tôt, est quasiment resté lettre morte puisque les gouvernements n’ont pas pris de nouveaux engagements datés et chiffrés.

En France :

Novembre 2002 : séminaire gouvernemental sur le développement durable
Janvier 2003 : création du Conseil national du développement durable (CNDD)
13 mai 2003 : adoption de la « stratégie nationale du développement durable » en comité interministériel présidé par le Premier ministre
2-8 juin 2003 : première édition de la Semaine du développement durable

Une semaine de mobilisation nationale

Aujourd’hui, la notion de développement durable est donc floue pour la plupart des Français. Aussi, afin de la rendre plus compréhensible, la secrétaire d’État au développement durable, Tokia Saïfi, – qui elle-même préfère parler de « solidarité entre générations » plutôt que de « développement durable » – initie-t-elle la première Semaine du développement durable du 2 au 8 juin 2003. 

Semaine du développement durable

Comme la secrétaire d’État le soulignait lors d’une conférence de presse, l’objectif de cette Semaine est « d’informer, de sensibiliser et de mobiliser les citoyens » au travers de diverses manifestations (initiées par des collectivités locales, des associations, des établissements publics, des entreprises privées ou publiques), « afin qu’ils puissent intégrer le développement durable dans leur quotidien ». Cette première édition a en effet pour thème « Le quotidien durable du citoyen » : quels gestes, quelles bonnes pratiques, quels comportements adopter pour progresser vers un développement plus durable de notre planète ?

Le 3 juin, le Premier ministre a présenté sa « stratégie nationale de développement durable » sur cinq ans, qui doit « donner un contenu concret à ce concept », selon Roselyne Bachelot, ministre de l'Ecologie. L'Etat entend donner l'exemple en s'engageant à réduire de 20% les consommations d'énergie et d'eau dans les administrations, de 10% les émissions polluantes de leurs transports et à recycler 60% des papiers blancs. Le développement durable fera également son entrée dans les programmes scolaires en 2004. Et un Office central pour poursuivre les auteurs d'atteintes graves à l'environnement sera créé. En revanche, les grandes décisions concernant les transports – responsables de plus du quart des émissions de gaz à effet de serre – sont reportées à l'automne prochain.

La Semaine du développement durable, qui est appelée à se renouveler chaque année, s’inscrit pour sa première édition dans une période riche en enjeux environnementaux : le G8 à Évian, qui consacre une partie de ses travaux au développement durable, la présentation du projet de Charte de l’environnement en Conseil des ministres le 4 juin et la Journée mondiale de l’environnement le 5 juin.

Des défis qui engagent la survie de l’espèce humaine

Derrière ce terme « développement durable » se cachent des défis qui engagent l’espèce humaine dans sa propre survie. Au Nord comme au Sud. De l’accès à l’eau à l’exploitation raisonnée des ressources naturelles (agriculture, pêche, forêts…), de la satisfaction des besoins alimentaires fondamentaux au partage juste et équitable des richesses tirées de la biodiversité…

On voit bien le risque : face à l’immensité de la tâche, se perdre dans la grandiloquence des discours – et des promesses… – en oubliant l’essentiel, c’est-à-dire des objectifs précis, concrets et chiffrés pour préserver la diversité d’un monde vivant menacé par les activités de l’homme.

En France comme ailleurs, après le temps des grands sommets onusiens, l’heure est donc à la mise en place d’actions concrètes. Avec, à l’évidence, un double objectif : faire œuvre de pédagogie citoyenne auprès d’un public qui ne se sent pas toujours concerné et donner l’exemple pour que les autres pays s’engagent eux aussi sur le terrain du développement durable. Pour y parvenir, les mesures adoptées par la France ne devront pas être perçues comme trop timides…

Isabelle Bousquet Maniguet le 19/05/2003