Eau potable :comment tenir les objectifs de Johannesburg ?

Plus d’un milliard d’humains n’ont pas un accès satisfaisant à l’eau potable et plus d’un tiers de la planète (soit 2,4 milliards de personnes), n’est pas raccordé à un réseau d’assainissement de l’eau. L’objectif de diviser ces chiffres par deux d’ici 2015 a été répété au Sommet de la Terre, en 2002. Mais sur les moyens pour y parvenir, il n’y a pas de consensus international.

Par Philippe Dorison, le 14/10/2003

« L’eau coûte plus cher aux pauvres qu’aux riches »

Jean Margat, spécialiste des ressources en eau dans le monde (29'')

C’est le point de vue exprimé par Kofi Annan, étayé par des chiffres qui montrent que l’accès à l’eau potable est particulièrement difficile dans les grandes villes des pays en développement. En Afrique, 150 millions de citadins, soit 50 % de la population urbaine, sont privés d’une alimentation en eau salubre suffisante, et 180 millions, d’un assainissement adéquat. En Asie, 700 millions de citadins, ce qui correspond là aussi à la moitié de la population urbaine, n’ont pas accès à l’eau potable, et 800 millions ne sont pas raccordés à un système d’assainissement. Les chiffres sont de 120 millions et de 150 millions respectivement en Amérique latine.

Le texte du message de Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU, le 6 octobre 2003, à l'occasion de la Journée mondiale de l'Habitat

De l'accès à l'eau…

Une des principales questions débattues à Johannesburg concernait la privatisation, totale ou partielle, du secteur économique de l’eau.

Pourcentage d’utilisation d’eau par secteur d’activité et par région du monde

Selon la banque mondiale, le chiffre d'affaires annuel des compagnies privées dans le domaine de l'eau est actuellement de 200 milliards de dollars et pourrait être multiplié par cinq d'ici 2021. Souvent plus performants que le secteur public, les opérateurs privés éveillent pourtant une grande méfiance de la part des usagers, associations et ONG, qui posent la question : comment une démarche guidée par le profit peut-elle être compatible avec la fourniture d'une ressource vitale et faisant partie du patrimoine de l'humanité ?

À ces interrogations, la démarche “PPP“ (partenariat public privé) mise en valeur à Johannesburg tentait d'apporter des réponses, malgré les nombreux conflits entre usagers et fournisseurs qui ont surgi ces dernières années.

Mais pour arriver à fournir de l’eau potable à tous, il faudra aussi se confronter à d’autres arbitrages, notamment celui qui oppose irrigation et eau domestique. En 2000, on estimait qu’à l’échelle du monde, 21 % des prélèvements d’eau alimentaient l’industrie, 69 % l’agriculture et seulement 10 % les foyers. Pour la FAO, ce dilemme entre la faim et la soif ne peut être résolu que par des investissements permettant d’atteindre une meilleure rentabilité agricole, qui permettrait des économies en eau.

…au traitement des eaux usées

Difficile à évaluer séparément, car moins générateur de bénéfices que la vente d'eau potable aux populations, le volet qui concerne l'accès à des réseaux d'assainissement est pourtant crucial : son manque représente la principale cause de maladies liées à l'eau à l'échelle mondiale.

De plus, le rejet dans les fleuves et rivières de grandes quantités d'eaux usées, notamment en aval des agglomérations, représente une menace évidente pour l'environnement.

Reste que les travaux de construction et d'entretien des réseaux sont très coûteux et difficilement accessibles aux économies des pays en développement.

Philippe Dorison le 14/10/2003