Pollution atmosphérique : combien de morts évitables ?

L'automobile fait peut-être plus de victimes par ses pots d'échappement que par les accidents qu’elle cause. Un rapport européen du programme APHEIS publié le 6 septembre indique qu’une réduction de l’émission de particules permettrait d’éviter plusieurs dizaines de milliers de décès par an.

le 08/06/2004

Conférence européenne sur l'environnement à Budapest du 23 au 28 juin 2004

Les résultats d’une étude sur l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique menée dans 26 grandes villes européennes dont 9 françaises, dans le cadre du programme APHEIS (Air Pollution and Health European Information System) ont été rendus public le 6 septembre dernier. Ce rapport indique qu’une réduction de la quantité de particules d’un diamètre inférieur à 10 microns (PM10) à la valeur limite prévue pour 2010 (20 microgrammes par mètre cube) permettrait d’éviter à long terme 21828 décès par an dans les 26 villes de l’étude.

Déjà au mois de juin, un rapport de l'AFFSE (agence française de sécurité sanitaire environnementale) présentait l’impact de la pollution atmosphérique urbaine sur la santé humaine. Selon ce rapport, l’émission de particules fines (moins de 2,5 microns de diamètre) pourrait être responsable d’environ 9500 décès en 2002 en France parmi les personnes de plus de 30 ans. Ce chiffre ne concerne que les décès liés aux maladies cardio-pulmonaires et au cancer du poumon.
Cette étude composé de deux documents (évaluation des impacts de la pollution et propositions d'actions pour améliorer la qualité de l'air dans les villes) s'inscrit dans le contexte plus large de la préparation du plan national santé environnement, demandé en 2003 par le gouvernement et dont le but est de définir des actions prioritaires pour les cinq années à venir.

Le plan national santé environnement (rendu public le 21 juin 2004)

Le PNSE (plan national santé environnement) en version intégrale et son résumé sont accessibles sur le site du ministère de la santé.

Ce plan s'articule autour de trois objectifs principaux :

  • Garantir un air et une eau de bonne qualité.
  • Prévenir les pathologies d’origine environnementale et notamment les cancers.
  • Mieux informer le public et protéger les populations sensibles (enfants et femmes enceintes).

Il comprend 45 actions dont 12 sont définies comme prioritaires :

Action 1 : Réduire de 50 % l'incidence de la légionellose à l’horizon 2008.

Action 4 : Réduire les émissions de particules diesel par les sources mobiles (de 30% à l’horizon 2010).

Action 7 : Réduire les émissions aériennes de substances toxiques d’origine industrielle.

Action 10 : Améliorer la qualité de l’eau potable en préservant les captages des pollutions ponctuelles et diffuses (création de périmètres de protection sur 80% des 36 000 points de captage d’eau potable d’ici 2008, contre 37% aujourd’hui).

Action 14 : Mieux connaître les déterminants de la qualité de l’air intérieur et renforcer la réglementation.

Action 15 : Mettre en place un étiquetage des caractéristiques sanitaires et environnementales des matériaux de construction (concernant 50% des matériaux à l’horizon 2010).

Action 20 : Renforcer les capacités d’évaluation des risques sanitaires liés aux substances chimiques.

Action 23 : Réduire les expositions professionnelles aux agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), notamment celles concernant les poussières de bois, le benzène, le plomb et les fibres céramiques réfractaires, en renforçant et en modernisant les moyens de contrôle et les services de santé et sécurité au travail.

Action 25 : Améliorer la prévention du saturnisme infantile, le dépistage et la prise en charge des enfants intoxiqués (diminution de 50% du saturnisme infantile à l’horizon 2008).

Action 26 : Réaliser une étude épidémiologique enfants en lien avec l’étude américaine (National Children Study). Elle concernerait de 10 000 à 20 000 enfants, suivis de la conception à l’âge adulte et débuterait en 2008.

Action 33 : Actions de soutien à la recherche sur des thèmes stratégiques.

Action 44 : Faciliter l’accès à l’information en santé-environnement et favoriser le débat public.

Diminution des principaux polluants urbains entre 1990 et 2001

Environ 10% des quelque 10 000 décès annuels par cancer du poumon et 7% sur près de 70 000 décès par maladies cardio-pulmonaires seraient attribués à ces particules fines. Il s’agit là des chiffres médians des fourchettes établies par l’AFSSE.

Pourtant, l’AFFSE relève que la qualité de l’air dans les villes a eu tendance à s’améliorer au cours des dix à vingt dernières années. Ainsi, l’émission de particules fines (principales accusées en terme d’effets négatifs sur la santé) aurait été réduite de 5 à 20% entre 1990 et 2001.

Quelques précisions sur les chiffres

En 2002, sur un échantillon de population urbaine de 15 259 590 (soit 57% de la population urbaine française et 42% de la population totale), on enregistre 10 410 décès par cancer du poumon et 67 884 par maladies cardio-pulmonaires.

Parmi ces décès, les calculs de l’AFSSE retiennent entre 347 et 1713 cancers du poumons attribuables aux particules fines (valeur moyenne 1 117) et de 1 711 à 8 195 maladies cardio-pulmonaires attribuables à cette même cause (valeur moyenne 4 876).

Une piste à suivre : filtrer les particules des moteurs diesel

Les particules fines sont émises en grande partie par les véhicules à moteur diesel. Pourtant, selon l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la disparition de ce type de motorisation (qui, outre les véhicules utilitaires lourds et légers, concerne près de 40% des véhicules particuliers français) ne serait pas la meilleure solution. En effet, en ce qui concerne d’autres polluants comme le dioxyde de carbone, les émissions des moteurs diesel peuvent être jusqu’à 20% inférieures à celles des moteurs à essence.

Le filtrage des particules émises par les diesels est donc un enjeu important sur lequel s’est penché l’ADEME. Au terme de plusieurs études, l’agence conclut que les solutions de filtrage proposées sont efficaces sur les poids lourds, les autobus et les véhicules légers. En revanche, elles ne sont pas satisfaisantes sur les bennes à ordures ménagères, en raison d’une température trop basse des gaz d’échappement de celles-ci.

Dans ses conclusions, le rapport de l’AFSSE recommande d’abaisser le seuil réglementaire admissible de particules émises, de telle façon que le recours aux filtres à particules sur moteur diesel devienne obligatoire.

Le principe des filtres à particules

Un simple filtre placé dans le pot d’échappement est capable d’arrêter les particules et de laisser passer les gaz. Le problème est que les particules retenues s’accumulent et qu’au bout d’un certain temps, le filtre se bouche : les gaz ne passent plus. La tendance de l’industrie automobile étant de réduire la fréquence de l’entretien des véhicules, il ne paraît pas réaliste d’imposer des nettoyages fréquents de ces filtres.

Une solution proposée par les constructeurs consiste à brûler ces particules à l’intérieur du filtre. Pour cela, une post-combustion des gaz d’échappement est produite périodiquement. Dans le même temps, un additif est envoyé sur les particules : il permet de réduire leur température de combustion. Elles peuvent alors être détruites par la température générée grâce à la post-combustion. L’entretien du filtre n’est alors nécessaire qu’environ tous les 80 000 km. Cette solution est surtout efficace avec les pots d’échappement catalytiques et les dernières versions de motorisation diesel.

Pour aller plus loin : rouler moins…

La deuxième partie du rapport de l’AFSSE recommande aussi d’autres mesures de nature à améliorer l’air des villes. Elles visent notamment à développer l’usage des transports en commun, de la bicyclette et de la marche à pied. Il est toutefois rappelé que l’efficacité de ces mesures n’est optimale que si elles s’intègrent à un schéma global d’aménagement et d’urbanisme des villes. Une avancée importante dans ce domaine serait la généralisation de plans de déplacement d’entreprise (PDE), qui par différentes mesures coordonnées entre entreprises et collectivités locales incitent les salariés à réduire l’utilisation de leur véhicule personnel. De telles initiatives restent très rares en France, avec uniquement quelques dizaines de PDE contre plus de 2000 aux Pays-Bas.

le 08/06/2004