Ivan, Jeanne, Charley... de plus en plus de cyclones ?

Cet été 2004 aura été marqué par l'exceptionnelle activité cyclonique qui a frappé les Caraïbes et la côte sud-est des Etats-Unis. En moins de deux mois, six cyclones ont en effet atteint les terres de cette région de l'Atlantique ouest, laissant sur leur passage des milliers de victimes et d'importants dégâts matériel. A l'heure du bilan, on peut s'interroger sur le lien éventuel entre la multiplication de ces fléaux climatiques et le réchauffement planétaire.

Par Juliette Delmas, le 08/10/2004

Dix cyclones et tempêtes en moins de deux mois

Le cyclone Ivan vu par le satellite américain Terra

La saison des cyclones, qui commence habituellement au mois de juin et s’achève au début du mois de novembre dans l’Atlantique ouest, a débuté, cette année, très tardivement avec le cyclone Alex (de catégorie 3 sur l’échelle de Saffir-Simpson) apparu le 31 juillet au large des côtes de Caroline du sud (Etats-Unis).

Par la suite cinq cyclones se sont succédés durant les mois d’août et de septembre : Charley (catégorie 4), Danielle (catégorie 2), Frances (catégorie 4), Ivan (catégorie 5) et Jeanne (tempête tropicale lors de son passage sur Haïti, devenue un cyclone de catégorie 3 au large de la Floride).

Nombre de cyclone dans l'Atlantique de 1966 à 1999

En moins de deux mois, dix cyclones et tempêtes tropicales (vitesse des vents comprise entre 62 km/h et 118 km/h) ont dévasté cette région de l’Atlantique. En moyenne, sur les trente dernières années, le nombre de cyclones et de tempêtes tropicales qui s’abattent sur la mer des Antilles et le golfe du Mexique est d’environ dix par an. Mais ce chiffre est très variable d’une année sur l’autre. En 2003, le US national hurricane center, a recensé seize cyclones et tempêtes tropicales, en 1995 l’activité cyclonique a été la plus intense des vingt dernières années avec un record de 19 cyclones et tempêtes tropicales, tandis qu’en 1983 on n’en dénombrait que quatre.

L’échelle de Saffir-Simpson

De la même manière que l’échelle de Richter permet de classer les séismes selon leur intensité, l’échelle de Saffir-Simpson permet de classer les cyclones en fonction de la puissance des vents. Cette échelle est graduée de 1 à 5. Les cyclones de catégorie 1 ne causent que des dégâts modérés (quelques inondations, panneaux arrachés…), la vitesse des vents est comprise entre 119 Km/h et 153 Km/h. Les cyclones de catégorie 5 ont des conséquences catastrophiques humainement et matériellement ; les habitations, les routes et la végétation sont détruites par les inondations et par le vent qui dépasse 250 Km/h.

Des cyclones plus puissants

Jan Polcher, chercheur au laboratoire de météorologie dynamique (CNRS)

L’activité cyclonique dans les Caraïbes est-elle plus intense que dans le passé ?

« Pour le moment on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment
une augmentation du nombre de cyclones dans la région des Caraïbes. »

Jan Polcher, chercheur au laboratoire de météorologie dynamique (CNRS)

Avec le réchauffement de la planète, doit-on s’attendre à une multiplication des cyclones ?

D’après Jan Polcher, chercheur au laboratoire de météorologie dynamique du CNRS, il ne devrait pas y avoir plus de cyclone dans les années à venir, par contre, l’environnement devenant plus chaud et plus humide, les cyclones seront probablement de plus en plus intenses.

Point de repère : Cyclone, ouragan, typhon, tornade…Quelles différences ?

Les termes “typhon“, “ouragan“, “hurricane“, “cyclone“, désignent tous le même type de phénomène météorologique : une forte dépression tropicale qui se forme en mer. On parle généralement de typhon dans la région du Pacifique nord-ouest et d’ouragan dans les Antilles. La différence est simplement géographique. En revanche les cyclones et les tornades sont deux phénomènes bien distincts. Dans les deux cas il s’agit de systèmes tourbillonnaires, mais les tornades ne s’étendent que sur quelques centaines de mètres contre plusieurs centaines de kilomètres pour les cyclones. Les conditions de formation ne sont également pas les mêmes. Les tornades se forment dans un contexte de fort cisaillement vertical, c’est-à-dire lorsque la force et la direction du vent varient beaucoup en fonction de l’altitude. A l’inverse, le cisaillement vertical doit être faible pour qu’un cyclone apparaisse.
Enfin les tornades sont des phénomènes continentaux alors que les cyclones ne prennent naissance qu’au-dessus des océans.

Un environnement chaud et humide: le moteur des cyclones

La température monte...

Les cyclones naissent dans les régions tropicales, au-dessus des océans, lorsque la mer s’est réchauffée durant l’été. Il faut que la température de l’eau soit au minimum de 26°C sur une tranche d’eau de 50 mètres d’épaisseur.

L’évaporation de l’eau permet la formation d’air chaud et humide qui s’élève dans l’atmosphère. Avec la rotation de la terre les masses d’air sont déviées vers la droite dans l’hémisphère Nord et vers la gauche dans l’hémisphère Sud (force de Coriolis), ce qui provoque un mouvement circulaire. Les cyclones sont alimentés par l’océan, dès qu’ils passent sur le continent ou dans une zone où l’eau est moins chaude, la tempête se calme.

La Ville de Gonaïve (Haïti) sous les eaux après le passage de la tempête Jeanne

L’eau chaude des océans de la zone intertropicale est l’un des principaux moteurs des systèmes cycloniques. Avec le réchauffement atmosphérique, les océans devraient être plus chauds et de ce fait plus propice à la formation de cyclones puissants. Mais le réchauffement est aussi responsable de la débâcle de nombreux glaciers terrestres. Quel peut être l’impact de cette eau froide sur l’activité cyclonique ?

D’après Jan Polcher, “le rôle des glaciers continentaux sur les océans et leur structure thermique est tout de même très faible. Tout d’abord parce que la glace ne fond qu’à zéro degré, l’eau obtenu par le dégel des glaciers est donc relativement chaude, de plus le volume d’eau est faible par rapport au volume des océans. L’influence de la débâcle des glaciers sur la température de l’océan est donc négligeable. En revanche ce qui va vraiment contribuer au réchauffement des surfaces océaniques c’est l’effet de serre et le changement climatique.“

Le réchauffement climatique

Le changement climatique est un phénomène reconnu par l’ensemble de la communauté scientifique, qui s’accorde de manière unanime pour dire que notre planète se réchauffe. Depuis les premiers relevés météorologiques, qui remontent à 1861, la température moyenne à la surface de la Terre a augmenté d’environ 0,6°C. Ce chiffre peut paraître dérisoire, mais il est suffisant pour provoquer de nombreux bouleversements climatologiques, tant au niveau de la hausse du niveau marin que de la modification de la dynamique atmosphérique et océanique.

Pour plus d'informations sur le réchauffement, voir le dossier
Climat et effet de serre: enquête sur le réchauffement de la planète

Les modèles climatiques permettent-ils de prévoir l’activité cyclonique future ?

Evènements extrêmes : ce que l'on constate, ce que l'on attend...

A partir de simulations numériques, les climatologues esquissent des modèles d’évolution du climat. Ces modèles ont généralement une résolution de deux cents kilomètres sur deux cents kilomètres. Avec une telle résolution, il n’est pas possible de prendre en compte les spécificités locales (relief, végétation…), et donc de prévoir précisément l’activité cyclonique dans l’Atlantique ouest.

Néanmoins “ les cyclones se développent dans un contexte général qui est décrit de façon réaliste par les modèles, on peut donc regarder comment ce contexte évolue et si la situation générale est propice ou non au développement de cyclones“.

Jan Polcher, chercheur au laboratoire de météorologie dynamique (CNRS)

 


Les modèles climatiques permettent-ils de prévoir l’évolution à venir de l’activité cyclonique ?

Jan Polcher, chercheur au laboratoire de météorologie dynamique (CNRS)


Plus globalement, dans les années à venir, risque-t-il d’y avoir une augmentation et une intensification des événements climatiques extrêmes, tels que les cyclones, ou la canicule qui a touché la France en 2003 ?

Juliette Delmas le 08/10/2004