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PoiNTs de VUe d’exPerTs
I
II III VI
La procréation assistée
aujourd’hui, on constate que le
paysage familial s’est considéra-
blement diversifié et le modèle
traditionnel, avec deux parents
géniteurs des enfants qu’ils élè-
vent, n’est même plus majoritaire :
il compte pour un peu moins de
50 % des familles. entre les
familles d’accueil, les familles monoparen-
tales (où il y a une seule mère en général
plutôt qu’un seul père), les familles homo-
parentales (qui se sont débrouillées elles-
mêmes par adoption ou en allant bénéficier
d’une aMP à l’étranger), les familles recom-
posées (qui sont de plus en plus nom-
breuses), on est face à un paysage familial
où non seulement
il n’y a plus un
seul modèle domi-
nant, mais où il
n’y a également
plus un unique
modèle légitime.
ainsi, plus per-
sonne n’osera dire à une famille recompo-
sée que le beau-père n’a rien à voir avec le
noyau familial. il est clair que ce n’est pas
vrai : souvent, il élève l’enfant de sa
conjointe, même si, d’un point de vue légal,
il n’a pas autorité parentale sur lui. C’est
pourquoi je considère que nous devons
repenser le dispositif mis en place
autour
de l’aMP pour l’intégrer dans ce paysage
familial diversifié. il n’est pas absurde de
penser que plus de deux personnes aient
pu contribuer à la venue d’un enfant. Cela
ne veut pas dire que toutes doivent être
investies du statut
de parents : au-delà
de la diversité des
configurations fami-
liales actuelles, un
consensus semble
établi autour de
l’idée que la parenté
doit être confiée à ceux qui ont la respon-
sabilité d’élever l’enfant. Pour autant, nous
pouvons penser en termes de familles mul-
ticomposées ou de familles élargies, dans
lesquelles on choisit de créer ou non,
d’investir ou non et, le cas échéant, de nom-
mer d’une certaine façon les liens qui
peuvent unir les enfants à des tierces per-
sonnes ayant contribué à leur venue au
monde. Cela, même si ces personnes ne les
élèvent pas au quotidien. le lien familial
est un lien souple. de même que l’on peut
être cousin, grand-parent, marraine, on
peut être donneur, donneuse ou géniteur
sans avoir la responsabilité des enfants au
quotidien, ni un investissement légal
vis-à-vis d’eux.
l
DoMiniqUe MehL
sociologue au cnrs et à l’école des hautes études en sciences sociales (EHEss)
repenser le dispositif de l’AMP pour l’intégrer
dans un paysage familial diversifié
«
Le modèle des deux
parents géniteurs de
leurs enfants qu’ils
élèvent n’est plus le
modèle majoritaire.
»
«
Il n’est pas absurde
de penser que plus de
deux personnes aient
pu contribuer à la
venue d’un enfant.
»
dicap et à la différence. faut-il dès lors
encourager ces familles à accepter le han-
dicap ? Peut-on leur imposer de faire naître
des enfants au nom de l’acceptation de la
différence ? Je regrette le constat de cette
faible tolérance au handicap. Mais je ne
passerais pas pour autant à l’étape sui-
vante : celle d’une loi contraignante qui
obligerait les familles à avoir des enfants
qu’elles ne souhaitent pas. Je préfère pré-
server la liberté des familles.
Je dirais donc que, pour la société fran-
çaise et pour les sociétés en général, l’en-
jeu se situe finalement moins sur la ques-
tion de l’eugénisme individuel que sur la
manière dont on représente le handicap
et dont une société assume son existence
et sa prise en charge.
l
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