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LA PROcRéATION ASSISTéE
que l’on veut éviter ne seront jamais trans-
férés et ne donneront donc jamais naissance
à un enfant, même s’ils disposent par ail-
leurs de toutes les capacités pour se déve-
lopper. N’y a-t-il pas dans cette manière
d’agir une volonté d’éradiquer telle ou telle
pathologie et n’est-ce pas discriminatoire
à l’égard des personnes qui en sont
atteintes ? En outre, quelles sont les limites
de ce « diagnostic » sur l’embryon ? Ne
constitue-t-il pas une porte ouverte vers
l’eugénisme ? À une époque où les outils
disponibles, notamment ceux liés aux pro-
grès de la génétique, sont de plus en plus
puissants, l’aptitude de l’être humain à agir
pour avoir des enfants dont certaines carac-
téristiques ne sont plus le fruit du hasard
pose des questions fondamentales.
Si les interventions médicales dans la pro-
création humaine se sont multipliées depuis
quelques dizaines d’années, elles ne peuvent
cependant résoudre tous les problèmes de
stérilité. C’est pourquoi la recherche conti-
nue. Peut-être, un jour, pourra-t-on fabri-
quer à volonté des spermatozoïdes et des
ovules quand les testicules et les ovaires
en sont dépourvus. Un rêve qui n’est plus
inaccessible étant donné les progrès extra-
ordinaires qui sont réalisés dans la maî-
trise de la différenciation cellulaire à par-
tir de cellules souches embryonnaires ou
de cellules souches d’origine adulte. Il n’est
pas donc impossible qu’il soit un jour pos-
sible d’intervenir de manière plus fine,
plus efficace et plus sûre. Cela en amont,
pendant ou en aval de la conception, pour
procréer en transmettant ses propres gènes
en toute circonstance, à tous les âges de la
vie et quel que soit son état de santé ou sa
situation maritale. Mais ne conviendrait-
il pas alors de s’interroger sur la place si
importante occupée par nos gènes dans ce
que nous sommes et dans nos liens avec
les générations passées et futures ? Jusqu’où
la recherche et la médecine doivent-elles
aller pour satisfaire le désir des personnes
en mal d’enfant ?
Face à toutes ces questions, quelle attitude
adopter ? Individu ou société, qui doit déci-
der ? Dans de nombreux pays, dont la
France, ces choix sont inscrits dans la loi,
ce qui peut paraître justifié quand c’est la
société qui assure la prise en charge éco-
nomique de l’AMP. Dans d’autres pays,
comme les États-Unis, ces questions
relèvent de l’intimité de chacun et il n’y a
donc pas lieu de légiférer. Mais, dans la
plupart des cas, les interrogations les plus
diverses persistent, comme en témoignent
les débats et controverses qui se sont encore
exprimés récemment en France, en 2011 à
l’occasion de la révision de la loi de bio-
éthique et, en 2013, quand l’AMP s’est invi-
tée dans les débats parlementaires consa-
crés à loi sur l’ouverture du mariage aux
couples de même sexe. Force est de consta-
ter qu’il se crée un décalage de plus en plus
grand entre le rythme auquel sont acquises
les connaissances scientifiques et le rythme
avec lequel les sociétés peuvent les intégrer.
Il n’est pas étonnant, dans ces conditions,
que les interventions de la médecine dans
la manière d’avoir ses enfants suscitent
trouble et perplexité. D’où la nécessité de
les accompagner d’une réflexion éthique,
sociale et politique ininterrompue sur la
procréation de demain.
l
«
L’aptitude de l’être humain à agir
pour avoir des enfants dont certaines
caractéristiques ne sont plus le fruit
du hasard pose des questions
fondamentales.
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Il est nécessaire demener
une réflexion éthique, sociale
et politique ininterrompue
sur la procréation de demain.
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