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LA PROcRéATION ASSISTéE
La médicalisation de la procréa-
tion, que ce soit pour limiter les
naissances ou au contraire pour
les favoriser, a été un des événe-
ments majeurs de l’histoire médi-
cale de la fin du
xx
e
siècle. La maî-
trise des processus cellulaires
permettant la fécondation et le
développement embryonnaire précoce a
fourni de nombreux « outils » pour répondre,
aujourd’hui, aux demandes de plus en plus
affirmées d’hommes et de femmes souhaitant
procréer malgré tout quand la procréation
naturelle se révèle impossible.
Les questions médicales, éthiques et socia-
les associées à ce qu’il est désormais conve-
nu d’appeler l’assistance médicale à la
procréation (AMP) sont très diverses. D’où
les difficultés rencontrées quand on les
aborde de façon trop globale ou simplifi-
catrice. Les questions ne sont pas les mêmes
quand le recours à l’AMP est motivé par
une infertilité et s’inscrit dans le cadre
social traditionnel de la famille ou quand
il le transgresse. Comme le montre très
bien cet ouvrage, questions et débats
varient selon le traitement médical utilisé,
les intervenants contribuant biologique-
ment ou non à la conception de l’enfant et
le type de filiation qui en résulte.
Toutes les formes d’AMP se caractérisent
par une dissociation entre l’acte procréa-
teur et l’acte sexuel. Cet engendrement
« désexualisé » est un des arguments avan-
cé par l’Église catholique pour s’opposer
à toute AMP. Quand les ovules, les sper-
matozoïdes ou les embryons sont congelés
et conservés pour une utilisation ultérieure,
une nouvelle dissociation apparaît, qui est
temporelle, puisque des années peuvent
s’écouler, par exemple entre le moment où
un embryon a été conçu et celui où il pour-
suivra son existence quand il sera implan-
té dans l’utérus. La dissociation du temps
peut se manifester aussi quand la congé-
lation des cellules sexuelles permet de
transgresser les limites de l’âge de la pro-
création naturelle. Enfin, une autre forme
de dissociation résulte de l’intervention
d’un tiers dans la procréation. Quand le
géniteur et/ou la génitrice ne sont pas les
futurs parents, ce sont les différentes com-
posantes de la filiation qui se trouvent
dissociées. Le lien génétique intergénéra-
tionnel est alors indépendant des liens
affectifs, sociaux et juridiques unissant
les parents et les enfants. Quelle place
accorder à ces différents types de liens ?
Doit-on les identifier tous clairement ou
faut-il en ignorer certains au profit
d’autres ? Les réponses de sont pas uni-
voques. Comprendre la nature et les consé-
quences de ces différentes dissociations
est un enjeu important pour les personnes
ayant recours aux techniques d’AMP. Les
ignorer peut être perturbant et source de
difficultés qui peuvent se manifester des
années plus tard, notamment chez les
enfants.
D’autres questions surgissent quand l’AMP
n’a pas pour but de dépasser une stérilité,
mais d’empêcher la naissance d’un enfant
porteur d’une pathologie ou d’un handicap
insupportables. Grâce à l’AMP, le diagnos-
tic peut être réalisé sur un embryon de
trois jours avant son transfert dans l’utérus.
Les embryons porteurs de la pathologie
PIERRE jOUAnnEt
Professeur émérite à l’université Paris-Descartes,
président de la Fédération française des Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) de 1997 à 2003
Procréation assistée :
les nouvelles façons d’avoir des enfants
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Les questionsmédicales, éthiques
et sociales associées à l'AMP sont très
diverses. D’où les difficultés
rencontrées quand on les aborde de
façon trop globale
ou simplificatrice.
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PRÉFACE
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