Themis : des aurores dans la tourmente

Un an et demi après leur lancement, les cinq satellites de la mission THEMIS fournissent une première moisson de mesures concernant la génèse des aurores polaires. Un jeu de données colossal, pour l'heure manipulé non sans une certaine dose de subjectivité.

Par Viviane Thivent, le 24/07/2008

Première moisson de mesures

On imagine, bien naïvement, que pour vérifier ou invalider une théorie, il suffit d'effectuer des mesures appropriées, de les analyser et de trancher. Mais non... Pour preuve, le cas de la mission THEMIS. Ce programme international, dont l'objectif est de mieux comprendre l'origine des aurores polaires (dites boréales au nord et australes au sud), avait donné lieu, en février 2007, au lancement de cinq satellites. Placés sur des orbites plus ou moins éloignées de la Terre, ils ont commencé à observer, depuis décembre 2007 – et cela se poursuivra jusqu'en 2012 –, les mécanismes de formation des « sous-orages magnétiques », l'autre nom données aux aurores.

Entre décembre 2007 et avril 2008, une première série de mesures a été effectuée et des centaines d'aurores observées. Mais, curieusement, de cette myriade de données, seuls quelques événements – deux en fait – ont été retenus et étudiés. Ceux jugés « typiques » par les chercheurs, autrement dit ceux appuyant, le plus parfaitement possible, l'une et l'autre des deux théories proposées pour expliquer la formation des aurores polaires.

Deux théories, cinq possibilités

Les lignes de champ magnétique autour de la Terre face au vent solaire

Il faut dire que depuis plusieurs décennies, deux écoles de pensées, chacune persuadée de la véracité de son dogme théorique, s'affrontent dans ce domaine.

Pour la première, c'est sûr : les aurores boréales prennent naissance très loin de la Terre, dans sa queue magnétique, au gré de processus de « reconnexions magnétiques ». Pour la seconde, nul besoin de tergiverser : le berceau des aurores se trouve à proximité de la Terre et résulte de courts-circuits du champ magnétique terrestre.

« Ces deux théories ont eu, à tour de rôle, le vent en poupe, raconte Olivier Le Contel, astronome au centre d'études des environnements terrestre et planétaire du CNRS à Vélizy. Mais aujourd'hui, nul ne sait vraiment si l'une ou l'autre de ces hypothèses est correcte. Peut-être qu'aucune ne l'est, mais peut-être aussi qu'elles le sont toutes les deux ! Des reconnexions distantes pourraient en effet donner lieu à des courts-circuits à proximité de la Terre… ou des courts-circuits perturber la queue magnétique de la Terre. »

La « bouée » magnétique terrestre

A l'instar d'une dynamo, la Terre est entourée d'un champ magnétique dont les lignes de champ forment une sorte de bouée autour de notre planète. Une bouée qui, en amont, forme une sorte de bouclier face au vent solaire, et qui, en aval, toujours à cause du vent solaire, s'allonge pour donner naissance à une longue queue magnétique.

Le tempo des aurores

Le parcours des satellites (en jaune) autour de la Terre

D'où l'idée de placer des satellites, équipés de magnétomètres, à des distances plus ou moins importantes de la Terre. « Via un tel maillage, si de telles réactions en chaîne ont lieu dans la queue de la magnétosphère terrestre, il devrait être possible de suivre le sens de propagation de la perturbation», explique Olivier Le Contel. Et justement, le 26 février 2008, juste avant la formation d'une aurore polaire, les chercheurs ont observé une importante perturbation – une reconnexion – dans la queue magnétique, à 130 000 kilomètres de la Terre. Moins de deux minutes plus tard, un court-circuit est apparu dans la périphérie terrestre.

Une objectivité toute relative

Conclusion : « Les observations faites par les cinq satellites de THEMIS le 26 février 2008 démontrent que les sous-orages magnétiques sont très probablement initiés par des reconnexions qui ont lieu loin de la terre, dans la queue magnétique », écrivent Vassilis Angelopoulos et son équipe dans le magazine Science (édition du 24 juillet 2008). Une affirmation un brin hâtive et ambiguë, quand on sait que Vassilis Angelopoulos affirme exactement le contraire dans un article à paraître dans  la revue Journal of Geophysical Research et qui concerne, cette fois, une aurore observée par Themis le 29 janvier 2008. « En fait, les événements étudiés dans ces deux articles sont des sortes de cas d'espèce, insiste Olivier Le Contel. Leur étude ne permet aucunement de trancher entre l'une ou l'autre des théories proposées. Il faudra observer et étudier, un nombre statistiquement significatif d'aurores. Mais un tel travail prendra des années… ».

Viviane Thivent le 24/07/2008