La paternité : une histoire de dinosaure ?

En étudiant trois fossiles de dinosaures, une équipe américaine montre que certains de ces animaux disparus étaient de vrais papas poules. Une découverte qui ouvre le débat autour de l'apparition des comportements parentaux chez leurs descendants, les oiseaux.

Par Viviane Thivent, le 23/12/2008

Vol au-dessus d'un nid de dinosaure

L'oviraptor

Au lendemain de la première guerre mondiale, les paléontologues pensent avoir surpris un petit dinosaure en flagrant délit de vol d'œufs. Leur preuve principale se trouve en Mongolie. Il s'agit de l'individu lui-même, fossilisé en délicate position, au-dessus d'œufs de dinosaure. De fait, en 1924, l'américain Henry Fairfield Osborn,en décrivant ce fossile, déclare le dinosaure coupable et baptise son espèce Oviraptor, littéralement le voleur d'œuf. Une injustice. Car loin de subtiliser quoi que ce soit, cet individu ne faisait que couver sa progéniture ; il se comportait en parent, en "papa poule" même, montre une équipe américaine. D'après leur étude, le dinosaure d'Osborn était en fait un mâle*. Lui comme deux autres dinosaures d'espèces différentes (Troodon, Citipati), eux-aussi retrouvés fossilisés au contact direct d'œufs.

* D. Varricchio et al., Science, 19 décembre 2008

Un os de mâle

Un os de mâle ?

Une démonstration qui s'appuie sur un constat très simple : pour produire des œufs, et surtout leur coquille, une femelle doit extraire une grande quantité de calcium et de phosphore de son organisme. Un bouleversement physiologique qui laisse des traces (par exemple, des cavités de résorption dans les os longs des crocodiles) ou qui nécessite certaines adaptations physiologiques (comme l'os médullaire chez les oiseaux). Ainsi, si les dinosaures retrouvés au contact des œufs sont les mères de la couvée, elles devraient présenter, dans leur ossature, les stigmates de cet investissement corporel. Partant de ce postulat, les chercheurs ont observé la structure interne des os fossilisés et ils n'y ont décelé aucune marque particulière. D'où cette conclusion : les dinosaures étudiés étaient des mâles. Tous, sans exception. A croire qu'à l'époque, chez ces espèces, couver était une affaire de mâles. Une remarque plus plausible qu'il n'y paraît.

Un père, plus qu'une mère

Des soins parentaux pris en charge par le père, est-ce avantageux ?

Chez les oiseaux, champions toute catégorie des soins parentaux, une centaine d'espèces (dont le kiwi ou l'émeu) fonctionne sur un mode paternel. Après la ponte, c'est au mâle qu'incombe la mission de couver ou d'élever les poussins. Se pourrait-il alors que ces dinosaures, de lointains ancêtres des oiseaux, aient développé une stratégie similaire ? Histoire d'en avoir le cœur net, les chercheurs ont estimé la masse corporelle des trois dinosaures ainsi que le volume de leur couvée.

Les résultats de l'étude

Et pour cause : en étudiant la physionomie des espèces modernes, oiseaux ou crocodiles, les biologistes se sont, depuis longtemps, aperçus qu'il existait une relation entre ces paramètres et le comportement d'élevage de la progéniture. Plus le mâle s'investit dans l'effort parental, plus le volume des couvées, pondéré par la masse corporelle de l'adulte, tend à s'accroître. Qu'en est-il, alors, de nos trois dinosaures ? Les résultats montrent que, d'un point de vue statistique en tout cas, ceux-ci se rapprochent des oiseaux dont seul le père couve ou élève sa progéniture.

Qui, du ''papa poule'' ou de la ''maman poule'', a émergé en premier ?

En quoi ce résultat est-il important ?

Au-delà de la petite histoire, ce résultat apporte de l'eau au moulin des débats sur l'origine des différents comportements parentaux chez les oiseaux. En 1999, constatant que, chez les oiseaux les moins évolués – les paléognathes (kiwis, émeux) – seuls les mâles s'investissaient dans les soins parentaux, des écologues ont affirmé que cette façon de procéder devait être la plus primitive de toutes. Une assertion balayée quelques années plus tard par des biologistes : de leur point de vue, le fait que les soins maternels apparaissent aussi bien chez les oiseaux que chez les crocodiles constituaient la preuve que ce comportement parental avait émergé en premier. Ce dernier travail ne penche pas en leur faveur. Il semble plutôt que dorloter sa progéniture était initialement une affaire de mâle.

Viviane Thivent le 23/12/2008