Pollution atmosphérique : 30 ans de visibilité

Une équipe américaine est parvenue à reconstituer l'évolution de la visibilité atmosphérique autour du globe depuis 1973. Elle montre ainsi que si la pollution due aux aérosols a diminué au-dessus de l'Europe, elle s'est très nettement aggravée au-dessus de l'Asie.

Par Viviane Thivent, le 26/03/2009

Des poussières et de l'air

Vue sur Pékin... avant la pluie

Le ciel est de moins en moins bleu... ciel. Depuis 1973 et à l'échelle planétaire, l'atmosphère terrestre n'a en effet cessé de s'opacifier, de perdre de sa transparence... La faute aux aérosols, ces particules – carbonées ou sulfatées – produites lors de la combustion du charbon ou du pétrole. Telle est la conclusion d'une équipe américaine qui, pour la première fois, est parvenue à retracer l'évolution des concentrations en aérosols de l'atmosphère terrestre sur les trente dernières années (K. Wang et al., Science, 323, 2009).

Vue sur Pékin... après la pluie

« Les mesures de visibilité atmosphérique ne sont effectuées que depuis les années 1990, explique Didier Tanré, chercheur au laboratoire d'optique atmosphérique de l'université de Lille. Pour obtenir des données sur trente ans, cette équipe a dû ruser... » C'est-à-dire recycler des mesures faites à tout autre escient par quelque 3 250 stations météorologiques réparties un peu partout à la surface du globe. Pour prévoir le temps, ces stations effectuent en effet des mesures de visibilité horizontale, et ce, depuis des décennies. En corrigeant ces données par des mesures d'absorption atmosphérique verticale, les chercheurs sont parvenus à étalonner ces mesures et à constituer un pool de données utilisables pour retracer l'histoire des pollutions locales.

De la mesure du bleu du ciel

Depuis les années 1990, des mesures systématiques de la visibilité du ciel sont effectuées entre autres grâce au programme Aeronet. En faisant transiter un rayon lumineux entre une station terrestre et un satellite, les chercheurs mesurent son absorption par l'atmosphère et donc sa concentration en aérosols.

L'air du temps

L'évolution des teneurs en aérosols au cours des trente dernières années

Ceci leur a permis d'observer l'évolution des concentrations atmosphériques des aérosols entre 1973 et 2007. Résultat : d'un point de vue global, le ciel s'est obscurci. Cette tendance est particulièrement prononcée au-dessus de l'Amérique du Sud et de l'Asie du Sud (Inde et Chine). Pour Didier Tanré, « Ce constat est bien évidemment lié au boum économique régional », continue Didier Tanré. Dans ces régions, la pollution atmosphérique n'est pas sans rappeler le smog* qui s'abattait périodiquement sur Londres dans un passé proche. « Qui s'abattait » car depuis les années 1990, l'air de Londres comme celui du reste de l'Europe est en train de se refaire une santé. Cette étude montre en effet qu'à compter des années 1990, la transparence de l'air européen n'a cessé de s'accroître, « le résultat d'une diminution très importante des émissions notamment industrielles, souligne le chercheur de Météofrance Toulouse, Jean-Louis Bringuier.

* Smog est la contraction de smoke (fumée) et de fog (brouillard).

Aérosols et climat

Mais cette étude ne fait que confirmer ce que l'on soupçonnait par ailleurs. « Elle permet néanmoins de dégager des tendances historiques qui pourraient s'avérer intéressantes pour l'établissement des modèles climatiques », affirme Didier Tanré. Avec les limites inhérentes à l'exercice. Car selon qu'ils sont sulfatés ou carbonés, les aérosols peuvent refroidir ou réchauffer l'atmosphère (dans une proportion qui n'est toutefois pas comparable à l'impact des gaz à effet de serre, par exemple). De plus, les aérosols jouent un rôle prépondérant dans la formation des nuages. « De fait, il est tout à fait possible que les aérosols, par leur action parfois antagoniste, aient en partie masqué l'ampleur du réchauffement climatique, conclut Didier Tanré. D'où l'importance de ce type d'étude. »

Viviane Thivent le 26/03/2009