Retour sur les tornades en série aux États-Unis

Depuis le 14 avril, quatre épisodes de tornades ont touché le nord, le centre et le sud-est des États-Unis. Un événement météorologique décrypté par Étienne Kapikian, prévisionniste à Météo France et spécialiste des tornades.

Par Romain Lejeune, le 24/05/2011

Le parcours d'une tornade (28 avril 2011)

Le Texas, la Virginie, l'Arkansas, le Mississippi, le Missouri, la Géorgie, l'Alabama… depuis la mi-avril, le sud-est des États-Unis est touché par plusieurs centaines de tornades. «Il s'agit de la série de tornades la plus importante de l'histoire», explique Étienne Kapikian, prévisionniste à Météo France et spécialiste des tornades. Dans une région habituée aux phénomènes climatiques extrêmes, cette série n'en est pas moins exceptionnelle.

Tout d'abord, par sa précocité : la région est habituellement touchée par les tornades au mois de mai. Ensuite, par son intensité : le 27 avril, 164 tornades ont pu être détectées dans 13 États et 500 tornades ont touché la région en quinze jours. Pour l'heure, plus de 350 morts ont été recensés et les dégâts matériels sont estimés à 5,5 milliards de dollars. Au total, neuf États ont décrété l'état d'urgence. Sur le plan météorologique, ce mois d'avril 2011 pourrait être le plus meurtrier aux États-Unis depuis le passage de l'ouragan Katrina en 2005 et les 267 tornades du mois d'avril 1974.

«Tornado Alley»

Les Grandes Plaines principalement touchées

La région des grandes plaines américaines, surnommée aussi Tornado Alley, possède un relief propice à la formation de violentes tornades. Les masses d'air polaire, canalisées par les montagnes rocheuses, rencontrent l'air tropical venu du golfe du Mexique. «Ainsi, plus de 1000 tornades se développent chaque année aux Etats-Unis, selon Météo France, dont une vingtaine qui atteint les niveaux 4 ou 5 de l'échelle de Fujita».

En France métropolitaine, des tornades de force F0 ou F1 se produisent chaque année. «Du fait de leur petite taille et de leur durée de vie très limitée, elles échappent la plupart du temps aux réseaux d'observation», rappelle l'organisme. L'une des tornades les plus dévastatrices s'est produite à Hautmont dans le nord, le 3 août 2008. Avec des vents de force F2 sur l'échelle de Fujita, elle a entraîné la mort de trois personnes.

Pas de lien avec le réchauffement

L'une des causes de cette série de tornades : le jet stream. Ce courant d'air s'enfonce dans les grandes plaines américaines sans être inquiété par les anticyclones et vient ainsi rencontrer l'air chaud humide qui remonte du golfe du Mexique. «Cela provoque à la fois une aspiration d'air chaud sur un côté du nuage et une descente d'air froid violente de l'autre côté, explique Étienne Kapikian. Et les deux ne se mélangent pas, ils s'enroulent l'un autour de l'autre, ce qui accentue les tourbillons. » D'autre part, les températures de surface de la mer au niveau du golfe du Mexique sont supérieures à la normale, ce qui accroît la chaleur et l'humidité dans les basses couches de l'atmosphère et alimente les perturbations. Cependant, «il ne faut pas voir de lien avec le réchauffement climatique», assure l'ingénieur. Le fait que les mers soient plus chaudes ne suffit pas à lui seul à générer des tornades. «Si le jet stream ne circulait pas dans les grandes plaines, le fait que les mers soient plus chaudes n'aurait pas de conséquence dans la formation des tornades. » 

Avant de conclure : «Aujourd'hui, cet épisode de tornades semble terminé, mais il n'est pas exclu qu'il y ait une nouvelle série dans les semaines à venir.» En effet, dans la nuit du 22 au 23 mai, une cinquantaine de tornades ont touché plusieurs États du centre et du nord des États-Unis. La ville de Joplin, située dans le Missouri, a été la plus gravement touchée. Dans cette ville de 50 000 habitants, dont la partie sud a été dévastée, le dernier bilan humain provisoire fait état de 117 morts. Deux personnes ont également péri dans le Minnesota et le Kansas, deux États voisins plus légèrement touchés.

Estimer l'intensité d'une tornade : l'échelle Fujita

L'échelle Fujita, conçue en 1971 par le chercheur américain Tetsuya Théodore Fujita, permet d'évaluer l'intensité des tornades en fonction des dégâts causés :

  • La force F0 correspond à des vents légers allant de 64 à 116 km/h. Les dégâts sont alors minimes : branches cassées, déformation de panneaux de signalisation…
  • La force F1 correspond à des vents modérés allant de 117 à 180 km/h. Les dégâts observés peuvent être des tuiles arrachées ou des caravanes renversées.
  • La force F2 correspond à des vents forts allant de 181 à 252 km/h. À ce stade, les arbres peuvent être arrachés.
  • La force F3 correspond à des vents allant de 253 à 330 km/h. À cette vitesse, les murs des bâtiments peuvent s'effondrer.
  • La force F4 correspond à des vents allant de 331 à 417 km/h. Les objets pesant jusqu'à 100 kilogrammes s'envolent. Les bâtiments sans fondation ainsi que les véhicules se déplacent.
  • La force F5 correspond à des vents extrêmes allant de 418 à 509 km/h. À cette vitesse, les bâtiments sont déplacés avec leurs fondations, ainsi que les camions ou les trains.

 

Romain Lejeune le 24/05/2011