Haïti, victime d'un séisme de décrochement

Le 12 janvier, Haïti a été ravagée par un tremblement de terre de magnitude 7. Les pertes humaines dépassent les 100 000 morts. Un drame qui s'explique par la nature du séisme ainsi que par l'extrême vulnérabilité de l'habitat.

Par Viviane Thivent, le 26/01/2010

Un séisme destructeur

Des dégâts considérables à Port-au-Prince, la capitale

« C'est un séisme qui a eu lieu dans la pire des situations du point de vue de la vulnérabilité, explique Eric Calais, professeur de géophysique à l'université de Purdue, aux Etats-Unis. La faille qui a rompu passe quasiment au travers de la capitale haïtienne, une ville qui a grandi énormément ces dernières décennies... et de manière peu organisée. » Résultat : des pertes humaines qui pourraient se chiffrer en dizaines de milliers.

Mais la mauvaise qualité des constructions n'est pas seule en cause puisque des palaces, des bâtiments officiels, ont aussi été balayés par la secousse comme de vulgaires châteaux de carte. À l'origine du désastre, il semble donc qu'il y ait avant tout une mauvaise conjonction de facteurs, à commencer par la position de l'épicentre du séisme : à peine 15 kilomètres au sud-ouest de Port-au-Prince.

Ensuite, la faible profondeur du point de rupture sismique (ou foyer) explique le pouvoir dévastateur de ce tremblement de terre : dix kilomètres seulement sous la surface de l'île. « Un fait caractéristique des grands séismes de décrochement », explique Nicolas Chamot-Rooke, responsable de l'équipe Dynamique de la Terre de l'École normale supérieure.

Un coulissement entre plaques

Le séisme a eu lieu à 15 km de la capitale

La surface du globe est en effet constituée d'une mosaïque de plaques tectoniques qui passent l'une sous l'autre (subduction), s'écartent ou coulissent (décrochement). Dans chacune de ces zones, les forces mises en jeu sont très différentes ce qui influencent la nature des séismes en eux-mêmes.

Au-dessus des zones de subduction par exemple, le point de rupture sismique a tendance à se trouver très en profondeur (20-30km), ce qui amortit les secousses ressenties en surface. En revanche, dans une zone de coulissement comme en Haïti, ce même foyer est généralement situé plus en surface, à seulement 7-10 kilomètres de profondeur.

À magnitude équivalente, ce dernier type de séisme, dit de décrochement, sera donc plus destructeur qu'un séisme de subduction... surtout s'il a lieu à proximité d'une zone peuplée. « Cela paraît évident, conclut Christophe Vigny du département Terre Atmosphère Océan de l'École Normale Supérieure, un séisme superficiel, dont l'épicentre est proche d'une zone habitée, détruit et tue plus qu'un séisme plus gros, plus profond et plus éloigné. »

Pour autant, ce séisme était-il anormalement puissant ? « Non, il s'inscrit dans la "normalité" de la région », insiste Christophe Vigny. Un point de vue partagé par tous les spécialistes. « Sur les trois cents dernière années, il y aurait eu une dizaine de séismes de magnitude 7 dans la région », continue Eric Calais.

Le dernier a ainsi eu lieu en 1946 de l'autre côté de l'île, en République Dominicaine. Pour Haïti, le précédent grand tremblement de terre remontait à 1842. La magnitude de cet événement avait néanmoins été bien plus importante et l'énergie libérée, 30 fois supérieure à celle relâchée en début de semaine.

D'après les calculs très préliminaires d'Eric Calais, ce 12 janvier, l'extrême sud de l'île a avancé vers l'est de 1 à 1,5 mètre et ce, sur une longueur de faille de 100 kilomètres environ. Il faudra sans doute plus de temps pour avoir une estimation réaliste des pertes humaines qui s'élèveraient déjà à 112 200 morts.

L'impact du tremblement de terre sur les populations

Viviane Thivent le 26/01/2010