Inuk : 4000 ans et pas une ride

À partir d'un ADN de cheveu, une équipe internationale est parvenue à reconstituer le phénotype d'Inuk, un homme qui vivait au Groenland il y a 4 000 ans.

Par Viviane Thivent, le 12/02/2010

Inuk, des cheveux, une gueule

Un cheveu d'Inuk

Il a l'air bien quelconque, ce cheveu pris au microscope électronique. Et pourtant, grâce à lui, une équipe internationale est parvenue à reconstituer les caractéristiques morphologiques d'Inuk*, un individu vieux de 4 000 ans et qui aurait appartenu à la culture de Saqqaq, l'une des plus anciennes civilisations groenlandaises.

Pour en arriver là, les chercheurs ont extrait et analysé l'ADN de cheveux retrouvés dans le permafrost du Groenland et l'ont comparé à celui de populations humaines vivantes. Conclusion : le gaillard des glaces avait la peau mate, les yeux marrons, une propension à la calvitie, un groupe sanguin A+ et les oreilles gorgées de cérumen… sec. Excusez du peu.

* M. Rasmussen et al., Nature, 11 février 2010

Une pluie de premières

Vue d'artiste d'Inuk

Jamais description aussi précise d'un aïeul n'avait pu être réalisée. Une première qui en cache plein d'autres car ce résultat découle en fait du premier séquençage de génome d'un homme ancien. Les essais précédents, effectués dès les années 1980 à partir de tissus ou de peaux humains (prélevés par exemple sur des momies égyptiennes) s'étaient tous soldés par un échec. Et ce, en grande partie à cause du problème de contaminations de l'ADN humain par celui de bactéries et champignons qui se nichent dans le corps après la mort.

Il aura fallu attendre 2008 et des résultats obtenus sur des poils de mammouth pour que la solution s'impose aux chercheurs. Et pour cause : si l'on pouvait extraire l'ADN d'un poil de pachyderme, il devait être possible de faire la même chose avec un cheveu humain. Moins de deux ans auront été nécessaires pour confirmer cette hypothèse, séquencer le génome d'Inuk et faire parler ce dernier.

L’ADN le plus ancien étudié à ce jour

Il s'agit de l'ADN d'un Néandertalien datant de 100.000 ans. Après avoir étudié l'ADN mitochondrial de cet ancêtre, les chercheurs sont depuis peu capables d'extraire l'ADN nucléaire de ce type de fossile. Cela change tout puisque cet ADN porte l'information génétique correspondant aux caractéristiques des individus (contrairement à l'ADN mitochondrial étudié auparavant).

En 2007, une équipe a ainsi isolé, dans l'ADN nucléaire extrait d'un fossile néandertalien exhumé en Espagne, un gène associé chez l'homme moderne au langage (1). Autre découverte : certains Néandertaliens possédaient une chevelure rousse et la peau très blanche, comme l'a montré l'analyse d'un gène impliqué dans la pigmentation (2). Enfin, le séquençage des trois milliards de paires de bases du génome de Neandertal est promis par les équipes engagées dans la course.

(1) The Derived FOXP2 Variant of Modern Humans Was Shared with Neandertals, Current Biology, Vol 17, 1908-1912, 6 novembre 2007

(2) A melanocortin 1 receptor allele suggests varying pigmentation among Neanderthals, Science, Vol. 318. no. 5855, pp. 1453 - 1455 30 novembre 2007

Une origine surprenante

Et il en avait des chose à dire, ce génome. Car en comparant l'information génétique d'Inuk à celle de populations humaines vivant aux quatre coins du monde, les chercheurs ont non seulement reconstitué certains traits morphologiques de l'individu mais aussi retracé son histoire généalogique. Les résultats montrent que, d'un point de vue génétique, Inuk était plus proche des actuelles populations de l'est de la Sibérie (Nganasan ou Chukchis) que des Indiens d'Amérique. Ainsi, contrairement à ce qui était admis jusque-là, le groupe pré-eskimau d'Inuk serait venu de Sibérie et non d'Amérique. Cette migration aurait eu lieu il y a environ 5 500 ans. Des Chukchis auraient alors quitté l'est de la Sibérie pour fonder la culture de Saqqaq.

Viviane Thivent le 12/02/2010