Volcan : ce nuage de cendres qui balaye toute l'Europe

Une éruption volcanique s'est déclenchée dans le sud de l'Islande le 20 mars dernier. Retour sur un phénomène géologique suivi de près.

Par Romain Lejeune, le 27/05/2010

Nom de code : Eyjafjöll

Le nuage de cendres d'Eyjafjöll, le 17 avril 2010

Depuis le 20 mars, un volcan est entré en éruption dans le sud de l'Islande. Qualifié de modéré par les chercheurs, ce volcan a semé la pagaille dans le trafic aérien. Ces conséquences sont dues à l'impressionnant nuage de cendres formé par l'éruption, dont la composition peut théoriquement endommager les réacteurs des avions.

Mais comment ce nuage de cendres s'est-il formé ? L'éruption, sous forme de coulée de laves, a dégagé une chaleur qui a fait fondre le glacier situé au sommet du volcan. « Calme au départ, l'éruption est devenue explosive, on dit hydrovolcanique, car résultant du contact entre eau et magma », explique le volcanologue français Jacques-Marie Bardintzeff.

Un glacier devenu cendres

Le glacier, d'abord devenu eau, s'est ensuite transformé en vapeur d'eau diffusée en altitude. Mêlée au souffre, au chlore, et au fluor issus de l'éruption, la vapeur d'eau s'est transformée en nuage de tephras, mélange de gaz et de cendres volcaniques. Les particules d'un millimètre à quelques dizaines de microns qui composent ce nuage ont ensuite été entraînées par un vent de nord-ouest, qui l'a conduit vers le vieux continent.

La trajectoire de ce nuage de cendres est donc issue de la conjonction de phénomènes météorologiques (vent de nord-ouest) et volcanologiques. Les perturbations ne sont donc pas uniquement liées à l'intensité du nuage de cendres, qui atteint six kilomètres d'altitude. « Par comparaison, précise Jacques-Marie Bardintzeff, le volcan Pinatubo des Philippines, entré en éruption en 1991, a dégagé un nuage de cendres qui s'élevait jusque 35 kilomètres de hauteur ». Malgré son ampleur, l'éruption du Pinatubo n'avait pas autant perturbé les transports aériens.

L'impact sur le climat

Vue par satellite du volcan en éruption, le 24 mars 2010

A chaque éruption volcanique, le spectre du Pinatubo rejaillit. En ayant relâché 5 kilomètres cube de débris magmatique et 17 millions de tonnes de dioxyde souffre à travers l'atmosphère, cette éruption n'avait pourtant pas réchauffé le climat. Au contraire, elle l'avait même refroidi de 0,4 degré sur l'ensemble du globe. Principaux responsables, l'eau et le sel qui accompagnent la formation des éléments projetés dans l'atmosphère. Ils poussent le sulfate de souffre à former de minuscules particules de sulfates d'acide sulfurique, qui, une fois dans la troposphère, réfléchissent une part des rayons du soleil.

Ils ont ainsi un effet de refroidissement sur cette couche inférieure de l'atmosphère. Pour Eyjafjöll, le volume de matière rejeté ne monte pas plus haut que 6 kilomètres d'altitude. Or, la troposphère se situe entre 8 et 15 kilomètres au-dessus de nos têtes. S'il reste à cette altitude, ce nuage de cendres ne devrait donc pas avoir d'incidence sur le climat.

Un volcan prévisible ?

En Finlande comme ailleurs en Europe, des journées noires pour le trafic aérien.

Les éruptions volcaniques sont souvent précédées de signes avant-coureurs. Grâce à la multiplication des stations d'observation et au perfectionnement des instruments de mesures, les volcanologues peuvent ainsi déceler dans bien des cas le réveil d'un volcan et prévoir son éruption quelques heures, voire quelques jours avant qu'elle n'ait lieu. « En ce qui concerne le volcan Eyjafjöll, qui était en sommeil depuis presque 200 ans, affirme Jacques Marie Bardintzeff, les volcanologues islandais ont enregistré quelques heures avant l'éruption un message sismique significatif de la montée du magma ».

Depuis le 19 avril, le nuage de cendres formé par Eyjafjöll a diminué en intensité. Le 8 mai, un nouveau nuage de cendres a pu cependant être observé. Mais ce sont surtout les pays d'Europe du sud qui ont cette fois été touchés. Sur le sol français, si ce nouveau nuage de cendres a provoqué l'annulation d'une centaine de vols, aucune fermeture d'aéroports n'a été recensée. Le nuage de cendres risque de gêner de manière ponctuelle le trafic aérien, le phénomène menaçant de se répéter pendant plusieurs mois, tant que se poursuivra l'éruption du volcan islandais.


 

Evolution de la situation depuis le 9 mai :

Lundi 24 mai, l'Institut des sciences de la Terre islandais a annoncé qu'une quantité importante de vapeur continuait à s'échapper du cratère, mais que les cendres semblaient avoir disparu.

L'éruption ne présente donc plus de caractère explosif (diffusion d'un panache de gaz et de cendres), mais de nouvelles coulées de lave pourraient avoir lieu. Ainsi, les experts s'accordent à dire que si le volcan a diminué en intensité au cours de ces derniers jours, il est encore trop tôt pour affirmer que l'éruption est  terminée.

Parallèlement, des volcanologues de l'Université Collège de Londres (UCL) estime dans un rapport publié jeudi 26 mai que le volcan Katla, situé à proximité d'Eyjafjöll, pourrait à son tour entrer en éruption. La dernière éruption de Katla date de 1918, et avait duré vingt-quatre jours.

 

Romain Lejeune le 27/05/2010