Il y a 400 ans : réveil du trou noir de notre galaxie

Le très discret trou noir « supermassif » tapi au centre de la Voie lactée s'est réveillé il y a 400 ans. Des nuages moléculaires situés à quelques années-lumière portent encore la trace d'une éruption géante qui aurait duré trois siècles.

Par Paloma Bertrand, le 10/10/2010

Un trou noir supermassif loge au centre de la galaxie

Le centre de la Voie lactée héberge un trou noir supermassif. Une équipe internationale dirigée par des astrophysiciens du laboratoire Astroparticule et Cosmologie de Paris vient d'enregistrer une nouvelle preuve de son existence : un sursaut d'activité dont les nuages moléculaires alentour portent encore la trace. Une éruption qui aurait débuté il y a 400 ans pour ne s'éteindre qu'au début du XXè siècle. 300 années durant lesquelles le trou noir aurait été un million de fois plus actif qu'il ne l'est aujourd'hui.

Pour Régis Terrier, l'un des co-auteurs des deux articles publiés fin mai dans The Astrophysical Journal, « on a eu de la chance d'avoir pu observer le début mais aussi la fin de l'éruption, dans des nuages de gaz situés respectivement à 200 et 500 années-lumière du trou noir. Les observations auraient été réalisées il y a dix ans, les nuages n'auraient peut-être pas reflété simultanément les deux événements ».

Comment débusquer un trou noir ?

S'il est une chose difficile à observer, c'est bien un trou noir. Son champ gravitationnel intense empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s'en échapper. Il est donc, par nature, invisible. C'est seulement en observant les corps qui l'environnent que l'on peut deviner sa présence.

Le mouvement des étoiles autour du trou noir est un premier indice. À la manière des planètes qui tournent et gravitent autour du Soleil, les étoiles du centre de la Voie lactée orbitent autour d'une zone qui semble pourtant vide. Or, selon les lois de la mécanique céleste, seule une force exercée par un objet d'une masse équivalente à 4 millions de fois celle de notre Soleil peut imprimer de tels mouvements à son environnement. Et un unique objet remplit ces conditions : un trou noir, catégorie "supermassif".

L'autre indicateur de la présence d'un trou noir est le rayonnement émis par la matière qu'il engloutit. Car, si les trous noirs sont invisibles, la matière qu'ils absorbent, entraînée dans un gigantesque tourbillon, s'échauffe et produit de la lumière : des rayonnements X et gamma que certains satellites lancés dans les années 2000 sont capables de détecter avec précision. Ce sont ces rayonnements qui ont été analysés par Régis Terrier et son équipe à partir des données récoltées par les satellites XMM Newton et Integral entre 2003 et 2009.

Notre trou noir reste une énigme

Le portrait robot du trou noir de notre galaxie n'est encore qu'une esquisse. Car ce trou noir, qui porte par extension le nom de la source de rayonnements qu'il émet, "Sagittarius A*", est extraordinairement discret. Alors qu'il est situé dans une région de la galaxie encore très riche en matière et nuages de gaz, il n'engloutit que très peu de matière et ne produit qu'un très faible rayonnement. Un comportement que les astrophysiciens ne s'expliquent pas : selon leurs calculs, Sagittarius A* pourrait être un milliard de fois plus brillant qu'il ne l'est réellement.

La grande famille des trous noirs

Dans la grande famille des trous noirs, on distingue les trous noirs stellaires qui naissent à la suite de l'effondrement d'une étoile massive et dont la masse reste faible (quelques unités de masse solaire). Ils fonctionnent généralement en binôme avec une étoile. Et les trous noirs supermassifs qui se trouvent au cœur des galaxies et dont la masse est comprise entre quelques millions et quelques milliards de masses solaires.

Galaxie et trou noir : un couple mystérieux

Cette confirmation de la présence d'un trou noir au centre de notre galaxie vient néanmoins renforcer une idée qui s'est imposée au fil des ans : toutes les galaxies hébergeraient en leur centre un trou noir supermassif. Les deux entités formeraient même un couple indissociable, sans que l'on comprenne encore aujourd'hui la nature de leurs relations et l'origine de cette union. Souvent décrit comme des ogres insatiables, les trous noirs pourraient a contrario jouer un rôle primordial dans la naissance des étoiles et des galaxies.

Enfin, il semblerait qu'à terme, le couple formé par le trou noir et sa galaxie s'assagisse (n'est-ce pas le destin de tous les vieux couples ?) et trouve un équilibre, le trou noir ayant avalé toute la matière alentour et la galaxie cessant de fabriquer de nouvelles étoiles. Sagittarius A* et la Voie lactée sont encore loin d'un tel statu quo...

Paloma Bertrand le 10/10/2010