Baisse des accidents de la route : explications et commentaire

Depuis plus de trente ans, Claude Got se consacre à la recherche scientifique en santé publique, notamment sur le thème de la sécurité routière. Nous l’avons rencontré pour recueillir son point de vue sur la baisse du nombre des victimes de la route.

le 06/06/2005

Nombre de morts par an sur les routes françaises

Avec 1 511 victimes de la route de moins qu'en 2002, le bilan 2003 amplifiait la tendance de 2002 qui affichait 478 vies épargnées par rapport à 2001.

Avec 529 tués en moins en 2004 par rapport à 2003, la décroissance des victimes de la route se poursuit au même rythme (-8,7%). Toutefois, le but fixé par le ministère de l'Equipement de descendre sous la barre des 5 000 morts en 2004 n'a pas été atteint : le bilan 2004 publié le 10 mai 2005 fait état de 5232 tués.

Depuis 1999, le nombre de tués sur la route avait commencé à descendre au-dessous de son niveau de 1960 (environ 8 000 morts par an).

En 2003, il était passé pour la première fois sous la barre des 6 000 victimes. Au vu de l'évolution constatée sur un peu plus de quarante ans, seule cette année 2003 a marqué un net décrochage vers le bas (5 731 morts sur la route en 2003 contre 7 242 en 2002).

Le précédent effondrement de la mortalité, observé en 1973, était lié à deux mesures prises cette année-là : obligation du port de la ceinture de sécurité et limitation des vitesses.

Quelques chiffres du bilan 2004

5 232 tués sur la route en 2004 contre 5 731 en 2003 et 7 242 en 2002. 

Le nombre de tués diminue pour la plupart des classes d'âge, sauf pour les 18-24 ans où il augmente de 0,7%, ce qui suggère que la mesure concernant le permis probatoire n'a pas encore produit d'effets positifs. L'amélioration la plus importante concerne les 15-17 ans (-16,3%). Elle est de -14,8% pour les moins de 15 ans et de -13,7% pour les plus de 65 ans. 

L'observation par catégorie d'usagers en 2004 montre que les meilleurs résultats concernent les conducteurs de poids lourds (-25,2%) et de véhicules utilitaires (-23%). L'amélioration est moins nette pour les cyclistes (-12,1%) et les piétons (-7,1%). On observe même une aggravation du nombre de tués pour les motards (+0,1%).

C'est sur les autoroutes que l'on observe l'amélioration la plus spectaculaire: -27,5% de tués sur l'ensemble du réseau autoroutier contre -9,2% sur les routes nationales et -7,2% sur les routes départementales.

Source : ministère de l’Équipement. Pour plus de détails, de nombreux documents sont consultables sur le site http://www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr/ rubrique «La route» puis « Les accidents ».

Consensus sur les radars automatiques ?

La carte des radars fixes d'Île de France fin 2004

Au 10 janvier 2005, 202 radars automatiques fixes sont installés sur les routes et autoroutes de France et leur déploiement continue. Ils devraient être environ un millier fin 2005. Leurs positions sont rendues publiques et chacun peut consulter la carte de leurs emplacements sur le site de la sécurité routière.

 Réputés avoir pacifié le paysage routier français, ces radars rencontrent peu de contestation organisée sur le plan politique. Seuls quelques élus de la majorité présidentielle ont fait état de leurs craintes que cette mesure gouvernementale ne déplaise à leur électorat. Mais selon un sondage Ifop d'octobre 2004, 72% des français approuvent la poursuite de l'installation des radars automatiques (contre 86% en octobre 2003).

Les seules actions contre le système de contrôle-sanction automatisé se jouent dans les prétoires, où certains avocats ont obtenu gain de cause en plaidant que les photos prises ne permettaient pas d'identifier à la fois le conducteur et la plaque d'immatriculation du véhicule.

L'exemple britannique

L'exemple britannique
En Grande-Bretagne, les radars automatiques sont utilisés depuis beaucoup plus longtemps qu’en France. Introduits dès 1991, leur nombre a graduellement augmenté et le nombre de contraventions qu’ils ont permis de constater a été presque multiplié par 5 entre 1995 et 2001, passant de 206 900 à 1 014 600.

En parallèle, on peut voir l’évolution de la courbe des décès sur la route au cours des mêmes années. On remarquera que le nombre moyen de morts par an (de l’ordre de 3 000) est beaucoup moins élevé en Grande-Bretagne qu’en France (moins de la moitié pour les années concernées) pour une population comparable.

Entretien avec Claude Got, membre du Conseil national de sécurité routière.

En mai 2003, nous avions rencontré Claude Got* pour recueillir son point de vue sur la récente baisse des accidents de la route.

* Depuis plus de trente ans, Claude Got se consacre à la recherche scientifique en santé publique, notamment sur le thème de la sécurité routière. Chef de service d'anatomie pathologique à l'hôpital Raymond Poincaré de Garches pendant 15 ans puis à l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne pendant les douze années suivantes, il a été confronté quotidiennement dans ces fonctions aux victimes de la route. Aujourd'hui retraité, il continue à déployer une grande activité et est notamment membre du comité d'experts auprès du Conseil national de sécurité routière. Il anime aussi un site internet qu'il a créé sur le thème de la sécurité routière : http://www.securite-routiere.org

Comment expliquer cette baisse spectaculaire ?

Peut-on réellement associer cette diminution des accidents mortels à certains changements de comportements ?

Contacté à nouveau en janvier 2005, il considère que les réponses qu'il avait données à l'époque restent toujours d'actualité. Il a simplement souhaité ajouter quelques remarques qui sont présentées ci-dessous sous forme sonore.

Quelques comparaisons à l'échelle européenne

L’observation des courbes d’accidentologie dans différents pays d’Europe peut se faire selon différentes approches.

Si l’on compare le nombre de tués par rapport au nombre d’habitants*, on voit clairement apparaître une évolution géographique à travers les résultats, les routes des pays d’influence « latine » étant beaucoup plus meurtrières.

Une autre façon d’observer consiste à rapporter le nombre de morts de chaque pays à la longueur de son réseau routier. Cette approche permet de tenir compte des différences de densité démographique qui peuvent être grandes d’une région à l’autre.
Les pays se répartissent alors par rapport à une droite qui représente une moyenne : ceux qui sont situés au-dessus ont les routes plus meurtrières que la moyenne. Dans ceux qui sont au-dessous, les routes sont plus sûres.

Face à ces résultats contrastés, on peut aussi noter quelques différences dans les réglementations qui sont appliquées selon les pays, bien que la tendance soit à des règles de plus en plus homogènes.

* Les chiffres prennent en compte les décès survenus dans les trente jours suivants un accident.

Garder le cap

Que pensez-vous des campagnes de communication en matière de sécurité routière ?

Comment maintenir ces bons résultats ?

Des mesures... à leur acceptation sociale

Historique de quelques mesures

Depuis le conseil interministériel de sécurité routière de juillet 2003, le défaut d’utilisation des ceintures de sécurité et le non-port du casque sont punis d’une contravention de 4e classe et du retrait de trois points de permis. En revanche, l’utilisation d’un téléphone portable au volant n’est sanctionnée que par une contravention de 2e classe et le retrait de deux points.

L’étude d’un certificat d’aptitude médicale à la conduite a été soumise à la réflexion d’un groupe de travail qui a rendu ses premières conclusions en juin 2003. L’ophtalmologie étant une des quatre spécialités concernées par cet examen, les mesures prises iront peut-être dans le sens de celles recommandées par l’ASNAV. Mais depuis cette date, aucune avancée ni mise en pratique n'a été observée dans ce domaine.

L’immatriculation des cyclomoteurs, prévue depuis 1997 et inscrite dans la loi depuis le 15 novembre 2001, démarre progressivement depuis janvier 2004.

Pensez-vous que l’aspect répressif des mesures annoncées est facilement acceptable par les usagers ?

Un cas exemplaire d’acceptation sociale d’une contrainte réglementaire : le port de la ceinture de sécurité...

Alcool et ceinture de sécurité en 2004

Le port de la ceinture de la sécurité en agglomération a augmenté de 3% en 2004 par rapport à 2003. Globalement, sur l'ensemble du territoire, le taux de port de la ceinture a été mesuré à 96,4% (contre 95% en 2003).

Sur les huit premiers de l'année 2004, on évalue à 274 le nombre de décés imputables au non-port de la ceinture de sécurité. Ce chiffre s'élevait à 376 pour la même période de l'année précédente.

Toujours pour les huit premiers mois de l'année, les décès imputables à l'alcool au volant ont baissé de 152 entre 2003 et 2004 (972 contre 1124). Ce serait donc un peu plus du tiers de la baisse du nombre de tués qui s'expliquerait par une moindre alcoolémie au volant.

On peut aussi noter que selon un sondage Ifop d'octobre 2004, 56% des français approuveraient que le seuil d'alcoolémie autorisée soit fixé à 0%.

Pour aller plus loin : agir sur les véhicules

Les constructeurs automobiles doivent-ils revoir leur copie ?

 L’industrie doit-elle donc forcément évoluer vers une nouvelle génération de véhicules ?

 

Philippe Dorison

le 06/06/2005