Mal vus, les deux-roues ?

L'étude européenne MAIDS, rendue publique en 2004, est le premier travail de grande ampleur consacré à l'accidentologie des deux-roues à moteur. Parmi ses nombreuses conclusions, elle pointe comme principale cause d'accident la mauvaise perception des motards par les autres conducteurs.

le 11/01/2005

Ce n'est pas en soi une surprise qu'une erreur humaine soit la cause de près de 90% des accidents impliquant un deux-roues à moteur. 

MAIDS : principes de base d'une étude en profondeur

L'étude MAIDS (Motorcycle Accidents In-Depth Study) a été confiée par un groupement de constructeurs de deux-roues à moteur à cinq groupes de recherche localisés en France, Espagne, Italie, Allemagne et Pays-Bas.

Elle porte sur l'étude détaillée de 921 accidents selon des critères développés par l'OCDE (environ 2000 paramètres relevés par accident) et inclut 923 cas « de contrôle ». Il s'agit là de renseignements collectés auprès de conducteurs n'ayant pas eu d'accidents, de façon à repérer des facteurs de risque susceptibles d'apparaître plus souvent chez les usagers impliqués dans un accident que dans la population globale.

Il a, par exemple, été montré que les conducteurs qui ne ne disposent pas d'un permis de conduire valide pour leur catégorie de véhicule ont plus de risques d'être impliqués dans un accident. De même, les conducteurs de deux-roues situés dans la tranche d'âge 41-55 ans sont sous-représentés chez les accidentés par rapport à la population générale alors que les 18-25 ans sont sur-représentés.

Les résultats complets de l'étude sont disponibles sur le site de l'ACEM (Association of European Motorcycle Manufacturers).

L'étude MAIDS relève que cette erreur a été le fait du motocycliste dans 37% des cas et du conducteur de l'autre véhicule dans un peu plus de 50% des cas. La différence de vitesse entre le deux roues et les autres véhicules a été retenue comme facteur causal de l'accident dans 18% des cas alors que dans 74% des cas, cette vitesse a été considérée comme normale par rapport aux conditions de circulation.

André Chazeau, Monsieur moto national : Un fort risque pour les deux-roues en France

Dans plus de la moitié des cas, la vitesse d'approche du deux-roues avant l'évènement ayant causé l'accident était inférieure ou égale à 50 km/h. Elle n'était égale ou supérieure à 100 km/h que dans 6% des cas. La plus grande proportion d'accidents mortels a été relevée pour une vitesse de circulation du deux-roues de 80 km/h. La vitesse initiale de l'autre véhicule impliqué était inférieure à 50 km/h dans 82% des cas et égale ou supérieure à 100 km/h dans 2,3% des accidents.

Globalement, l'étude MAIDS recense peu d'accidents survenus à des vitesses excessivement élevées. Il faut toutefois remarquer que parmi les accidents qui impliquaient une moto sans autre véhicule, 21,7% se sont produits à une vitesse égale ou supérieure à 100 km/h. Dans 36,6% de tous les cas recensés, le principal facteur causal de l'accident a été l'incapacité du conducteur de l'autre véhicule à percevoir la présence du motocycliste. A l'inverse, la non perception de l'autre véhicule par le motard a été la cause de 12% des accidents.

Quelques autres enseignements de l'étude MAIDS

  • Dans 103 cas sur 921 (soit 11%), l'accident a été mortel pour le pilote de la moto ou son passager.
  • 28% des motards et 63% des automobilistes impliqués ont commis une erreur d'appréciation de la circulation qui a été à l'origine de l'accident.
  • Près de 18% des cyclomoteurs de 50 cm3 accidentés avaient subi des modifications de chassis ou de moteur dans le but d'améliorer leurs performances. Cette proportion est inférieure à celles constatées dans d'autres études. Elle n'est que de 12% dans l'échantillon “de contrôle“ composé de véhicules n'ayant pas été accidentés.
  • Lorsque les lieux de l'accident comportaient une signalisation, elle a été enfreinte par le motocycliste dans 30% des cas et par l'automobiliste dans 45% des cas.
  • Les automobilistes titulaires d'un permis moto ont commis moins d'erreurs de perception des deux roues que les autres (26,4% contre 50,9%).
  • Les proportions observées de conducteurs sous l'influence de l'alcool ou autre drogues ont été très faibles. Toutefois, il a été mesuré qu'un motard sous l'influence de l'alcool voyait son risque d'accident multiplié par 2,7.
  • Dans 90%, le facteur déclenchant de l'accident (autre véhicule ou autre élément d'environnement) se trouvait devant le motocycliste.
  • Des problèmes techniques sur le véhicule à deux roues ne sont signalés que dans moins de 1% des cas d'accidents.
  • 90% des motards portaient un casque au moment de l'accident, mais dans 9% des cas, ce casque a été éjecté de la tête du pilote au cours de l'accident.

Controverse sur l'allumage des feux de jour

André Chazeau, Monsieur Moto National : « Cette mesure est favorable aux motards »

Du 31 octobre 2004 au 27 mars 2005, le gouvernement conseille aux automobilistes français d'allumer leur feux de croisement, de jour, hors agglomération. Durant cette période, il ne s'agit encore que d'une incitation et non d'une obligation. L'objectif affiché est de faire baisser de 5 à 8% le nombre de tués et de 3 à 13% le nombre de blessés sur la route.

Les expériences des autres pays

Il est bien difficile de tirer des conclusions claires des expériences d'allumage des feux de jour dans les autres pays.

La première obligation dans ce domaine a été introduite pendant l'hiver 1972 en Finlande, période pendant laquelle les jours sont particulièrement courts, sous ces latitudes. En première analyse, il a été observé une baisse des accidents mettant en cause plusieurs “intervenants“ pendant les deux hivers suivants. Mais il a ensuite été montré que cette baisse s'expliquait par un nombre beaucoup plus faible d'accidents avec des animaux (cerfs et élans, nombreux en Finlande) alors que les sinistres entre véhicules automobiles ou impliquant des piétons n'avaient pas varié. Il n'a pas pu être prouvé que les cervidés réagissaient différemment en présence d'une voiture aux feux allumés ou éteints (de jour).

En 1977, la Suède a aussi imposé l'allumage des feux de croisement de jour, suivie par la Norvège en 1985, le Canada en 1989, le Danemark en 1990 et la Hongrie en 1994.

La première étude menée en Suède en 1979 avait conclu que la mesure n'avait apporté aucun bénéfice mais de nouveaux calculs statistiques faits en 1981 selon d'autres modèles ont abouti à un verdict favorable. Si les mesures faites au Canada et en Hongrie ont aussi fait apparaître des effets positifs, cela n'a pas été le cas en Norvège où des effets indésirables ont même été mis en évidence (résumés sous la formule : “ce qui attire l'attention contribue à la distraire“).

Les données hongroises, finlandaises, suédoises et canadiennes furent ensuite reprises par d'autres analystes qui en tirèrent des bilans contradictoires. Et en 1995, des scientifiques hollandais ont ré-examiné les données sué doises pour conclure que la loi n'avait apporté aucune différence.

Le seul effet qui semble avoir été mesuré de façon significative et récurrente est l'augmentation de la consommation de carburant.

Suite à ces expériences, le conseil économique et social des Nations unies a interrogé en 2000 ses pays membres pour connaître leur avis sur un projet de règlementation internationale sur l'allumage des feux de jour. Sur 33 réponses (environ un tiers des pays), onze pays souhaitent un allumage obligatoire toute l'année, trois penchent pour une obligation saisonnière et quatre sont favorables à un allumage automatique dès que le conducteur met le contact.

En revanche, le Japon reste fermement opposé à toute mesure en ce sens et les Etats-Unis n'y sont pas favorables, malgré les incitations répétées des constructeurs automobiles. Un rapport d'étude préléminaire publié par le département américain des transports conclut que cette mesure n'aurait pas d'effets statistiquement mesurables.

 
Monique Giroud, présidente de la FUBicy : « Les conducteurs se sentiront plus sûrs d'eux, comme avec l'ABS, qui n'a pas fait diminuer le nombre d'accidents. »

Les associations de motards et notamment la FFMC se sont élevées contre ce projet et ont appelé à plusieurs manifestations, tout en réunissant une pétition de plus de 100 000 signatures. Elles ont été rejointes dans ce mouvement par des associations de cyclistes et l'UFC-Que Choisir-Landes.

Les principales objections à cette mesure sont ses risques d'effets pervers sur la visibilité des usagers vulnérables (deux-roues avec ou sans moteur), une augmentation de la consommation de carburant à l'échelle du pays et un possible détournement de la mobilisation des conducteurs sur les véritables causes d'accidents.  

1,3 million de tonnes de gaz carbonique en plus

C'est le calcul qui a été réalisé par l'ADEME, agence nationale pour la maîtrise de l'énergie.

Considérant qu'une véhicule roule en général 20% du temps avec ses phares allumés et que cette proportion passerait à 100% en cas de généralisation de l'allumage des feux de jour, l'ADEME évalue à 415 000 tonnes d'équivalent-pétrole la surconsommation d'essence et de gas-oil directement induite par cette mesure. 

À l'échelle individuelle, l'augmentation de consommation serait de l'ordre de 0,15 litres aux 100 km par véhicule et, à l'échelle du pays, les émissions de gaz à effet de serre progresseraient de 1,3 million de tonnes (soit une augmentation de 1,56% de toutes les émissions causées par les véhicules, qui s'élevaient à 82 millions de tonnes de gaz carbonique en 2000).

La visibilité des cyclistes la nuit

Monique Giroud : « Les éclairages des vélos sont rarement de bonne qualité »

Si les cyclistes craignent d'être moins bien vus de jour au cas où tous les automobilistes allumeraient les feux, ils peuvent aussi craindre avec raison d'être mal vus de nuit. Le nombre d'accidents graves impliquant des cyclistes est nettement supérieur après le coucher du soleil, bien que le nombre de vélos en circulation soit beaucoup plus faible que le jour.

Monique Giroud : « On ne veut surtout pas que le gilet réfléchissant devienne une obligation... »

Pour améliorer cette situation, différentes possibilités sont envisageables, comme d'améliorer la qualité des éclairages ou de conseiller le port de gilets réfléchissants.

Mais pour Monique Giroud, présidente de la FUBicy (Fédération française des usagers de la bicyclette), il est aussi nécessaire que les automobilistes soient plus vigilants envers les cyclistes, de jour comme de nuit.

Quelle sécurité pour les motards ?

Au cours des dernières années, le nombre de tués sur la route a baissé plus lentement chez les deux-roues à moteur que chez d'autres catégories d'usagers, ce qui contribue à aggraver le risque relatif des motards par rapport aux automobilistes.

Face à ce constat quelles sont les possibilités d'améliorer la situation ? Dans le domaine de la formation, on peut notamment envisager le développement de stages de perfectionnement post-permis comme ceux qui sont organisées par l'AFDM (Association pour la formation des motards).

Si de telles initiatives existent, elles ne sont encore suivies que par peu de motards, malgré certains efforts des pouvoirs publcs. Ainsi, certaines préfectures cherchent à inciter financièrement les conducteurs les plus jeunes à suivre cette formation.

le 11/01/2005