Mission Rosetta : rencontre avec une comète...

Dans dix ans, si tout se passe bien, la sonde européenne Rosetta se placera en orbite autour de la comète Churyumov-Gerasimenko et y fera atterrir un petit module, Philae, afin d'en étudier le sol. Une mission ambitieuse qui, jusqu'à présent, n'avait jamais été tentée.

Par Olivier Boulanger, le 03/03/2004

Le 2 mars 2004 à 7h17 TU, Rosetta, à bord d'une Ariane-5, quitte la base spatiale européenne de Kourou.

La troisième tentative a donc été la bonne. Après un premier vol annulé le 26 février pour cause de vents violents, puis un second le lendemain en raison d'un incident technique mineur (la chute d'un morceau d'isolant), la fusée Ariane-5 a enfin pu quitter, le 2 mars, la base spatiale européenne de Kourou, en Guyane. Un envol sans encombre mais plus long qu'à l'accoutumée. La mise en orbite d'un satellite nécessite habituellement trente minutes, tout au plus. Mais cette fois-ci, Ariane s'est élevée durant près de deux heures trente : il n'en fallait pas moins pour propulser dans l'espace Rosetta, la sonde spatiale européenne dont la mission n'est autre que de partir à la rencontre d'une comète !

Larguée à quelque 1364,3 kilomètres d'altitude, la sonde européenne entame désormais un long voyage. Dix années seront nécessaires à Rosetta pour rejoindre la comète 27P/Churyumov-Gerasimenko. Un voyage qui lui fera parcourir quelque cinq milliards de kilomètres ! À son arrivée, en 2014, à 500 millions de kilomètres de la Terre, et à une vitesse dépassant les 135 000 km/h, Rosetta se placera en orbite autour de la comète et larguera Philae, un petit module qui tentera d'atterrir sur la surface glacée de Churyumov-Gerasimenko.

Mission Rosetta : une première ?

La sonde Stardust passe à moins de 240 km de la comète Wild 2...

Non, Rosetta n'est pas la première sonde spatiale ayant pour objectif une comète. De nombreuses missions ont ainsi été lancées depuis près de vingt ans, avec plus ou mois de succès. Rosetta demeure malgré tout une mission hors du commun : la mise en orbite autour d'une comète et l'atterrissage d'un module n'ont jusqu'à présent jamais été tentés. Vingt années d'épopée cométaire :

 

  • ICE (NASA / 1985-1986) : Approche de la comète Giacobini-Zinner et de la comète de Halley.
  • Vega 1 et 2 (URSS / 1984-1986) : Rencontre avec la comète de Halley (après avoir visité Vénus).
  • Giotto (ESA / 1986) : Images de la comète de Halley.
  • Deep Space 1 (NASA / 1998-2001) : Rencontre avec la comète Borrely.
  • Stardust (NASA / 1999-2006) : Images de la comète Wild-2 et collecte d'échantillons.
  • Contour (NASA / 2002) : Echec au lancement.
  • Rosetta (ESA / 2004-2014) : Mise en orbite autour de Churyumov-Gerasimenko et atterrissage.

Un défi technologique

Philae se détache de Rosetta et amorce son atterrissage.

Autant dire qu'une telle mission, dont le coût avoisine un milliard d'euros, représente un véritable défi technologique. Comment couvrir une distance aussi grande, équivalente à la moitié du système solaire ? Et comment se poser sur un astre aussi petit ? Concernant le mode de propulsion, Rosetta exploite avant tout sa vitesse initiale et les champs gravitationnels de la Terre et de Mars. La sonde survolera ainsi trois fois la Terre, puis une fois la planète rouge avant de rejoindre son objectif final. Pour les corrections de trajectoire, c'est la solution électrique qui a été retenue à la place des habituels générateurs thermiques. Rosetta dispose à cet effet de deux panneaux solaires géants de 32 m d'envergure, couvrant une surface totale de 64 m². De quoi évoluer jusqu'à 800 millions de km du soleil, là où le niveau de la lumière solaire n'excède pas 4% de ce qu'il est sur Terre.

Philae

L'atterrissage de Philae constitue certainement l'étape la plus étonnante de la mission mais aussi la plus délicate. Premier problème : la gravité régnant sur cette petite comète de seulement cinq kilomètres de diamètre ne suffira pas à maintenir l'atterrisseur au sol. Second problème : on ne connaît pas exactement la nature de ce sol…

Pour cette raison, Philae dispose de plusieurs systèmes de pieds adaptés à tous les types de terrains. Et dès qu'il touchera le sol gelé de la comète, il s'y arrimera à l'aide de harpons et de vis !

Churyumov-Gerasimenko : une comète de ''rechange''

La comète Wirtanen

Rosetta n'avait pas pour objectif initial Churyumov-Gerasimenko mais la comète Wirtanen. Cependant, en raison de problèmes rencontrés par le tout nouveau lanceur Ariane-5 «10 tonnes», le lancement de la sonde n'a pu être assuré durant la fenêtre de tir initialement prévue début 2003. C'est ainsi qu'un nouvel objectif a dû être trouvé et que la comète 67P/ Churyumov-Gerasimenko a été substituée à la comète Wirtanen. À noter que la sonde a finalement été lancée par une Ariane-5 G+, c'est-à-dire par une Ariane générique améliorée, et non par le fameux lanceur «10 tonnes».

Une mission avant tout scientifique

Reconstitution en trois dimensions du noyau cométaire de 67P/Churyumov-Gerasimenko.

Ces considérations techniques feraient presque oublier que l'objectif de la mission Rosetta est avant tout scientifique. L'orbiteur embarque ainsi près de 165 kg de charge scientifique, de quoi réaliser 21 expériences pour le compte de chercheurs européens et américains.

En outre, après sa mise en orbite, Rosetta réalisera la première cartographie complète d'une comète et pourra étudier son comportement à l'approche du soleil, lorsque sa surface se réchauffe et libère les gaz formant la «chevelure» de la comète.

L'atterrisseur Philae, quant à lui, aura pour tâche d'étudier la structure du noyau cométaire et les éléments entrant dans sa composition. La solidité, la densité, la texture, les propriétés thermiques de sa surface intriguent les scientifiques qui veulent conduire des investigations au microscope de «grains» cométaires.

Des comètes pour mieux comprendre le système solaire

La comète de Halley vue par Giotto

Mais que peuvent nous apprendre les comètes ? Vraisemblablement beaucoup.

Les comètes sont issues de la matière primitive à l'origine du soleil et des planètes. Leur observation doit permettre de réaliser une « étude archéologique » de notre système solaire en remontant de 4,5 milliards d'années dans le passé. Une étude d'autant plus intéressante que les comètes ont peut-être influé sur l'évolution de notre planète en y apportant de l'eau et des matières organiques…

Olivier Boulanger le 03/03/2004