Pollution pétrolière : situation préoccupante au Nigéria

Alors que le Nigeria est le premier producteur de pétrole du continent africain, le sud-est du pays connaît un niveau de pollution jamais atteint depuis plus de cinquante ans.

Par Romain Lejeune, le 09/08/2011

Une exploitation incontrôlée ?

Ogoniland, Nigeria

Entre 25 et 30 ans… Selon un rapport publié le 4 août par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), c’est le temps qu’il faudrait pour dépolluer les eaux du pays Ogoni, dans le delta du Niger. En cause, l’exploitation pétrolière de cette zone par la compagnie Shell qui, depuis le milieu des années 1950, dégraderait progressivement l’environnement. Au point que, selon l’équipe du PNUE, dépolluer les eaux locales pourrait être « l’exercice le plus étendu et le plus long jamais entrepris ». Aujourd’hui, 1000 km² sont exposés à cette pollution. « Dans l’une des communautés, à Nisisioken Ogale, dans l’ouest du pays Ogoni, des familles boivent de l’eau provenant de puits contaminés par du benzène à un niveau 900 fois supérieur à ce que préconise l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) », s’alarment les rapporteurs. La qualité de l’air est également affectée : les actions menées par l’industrie pétrolière nuiraient à près d’un million de personnes, affirme le PNUE. Sur le plan végétal, « l’impact sur les mangroves a été désastreux. Dans de nombreuses criques, les racines sont recouvertes d’une couche de substance bituminée d’une épaisseur parfois supérieure à un centimètre ».
 

Un pays riche en pétrole

Carte d'Ogoniland

En 2010, le Nigeria a produit 115 millions de tonnes de pétrole. Loin devant l’Angola (91 millions de tonnes) et l’Algérie (78 millions de tonnes). Une production essentiellement concentrée dans le sud-est du pays. Afin de dresser le bilan des effets de cette production sur l’environnement et la population locale, c’est dans cette zone que les chercheurs ont analysé 4000 échantillons d’eau et de terre provenant de 142 puits de surveillance des nappes phréatiques et de 780 puits de forage. Les auteurs de l’étude ont également analysé le dossier médical de plusieurs milliers d’habitants. « L'industrie pétrolière est un secteur clé de l'économie nigériane depuis plus de 50 ans, note Achim Steiner, secrétaire général adjoint des Nations Unies et directeur exécutif du PNUE. Cependant, de nombreux Nigérians en ont payé le prix fort, comme le souligne cette évaluation. » Si les rapporteurs admettent que le lien entre l’exposition aux hydrocarbures et le mauvais état de santé de certains habitants ne soit pas évident, « il se pourrait que la santé humaine ait été affectée par ces expositions, notamment dans les zones ou des niveaux élevés de benzène ont pu être détectés dans l'eau potable ».
 
Pour sortir de cette situation, le rapport suggère la création d’une autorité de restauration environnementale du pays Ogoni financée par un fonds semi-public ; d’un centre de gestion intégrée des sols contaminés ; et d’un centre d'excellence en restauration environnementale qui viserait à transmettre le savoir acquis aux autres populations confrontées à ce type de pollution. De son côté, la compagnie pétrolière se défend et qualifie le rapport d’« inexact », affirmant que dans « la grande majorité des cas, les déversements sont causés par des activités illégales telles que le sabotage ou le vol de pétrole ». Selon l’équipe du PNUE, les zones contaminées en pays Ogoni pourraient être nettoyées en cinq ans, tandis que la restauration des mangroves et des marécages prendrait fin d’ici 2040.

Romain Lejeune le 09/08/2011