L'art du saut chez les poissons

Lorsqu’on est poisson et qu’on se retrouve échoué sur la terre ferme, mieux vaut savoir sauter efficacement pour se sortir de ce mauvais pas. Certains y parviennent mieux que d’autres : une adaptation liée au passage à la vie terrestre ?

Par Olivier Boulanger, le 24/10/2011

En cas d’échouage, beaucoup de poissons n’ont d’autre issue que de tenter de rejoindre l’élément liquide en sautant. Autant dire qu’une majorité n’y arrive pas. Car même en y mettant beaucoup d’énergie, il ne suffit pas d’effectuer des mouvements de nage rapides pour bondir efficacement.


Amatitlania nigrofasciata, comme beaucoup de poissons exclusivement aquatiques, n'est pas capable de se déplacer par bonds dès lors qu'on le sort de l'eau.

Pour se sortir des coups durs, certains poissons habitués à séjourner partiellement hors de l’eau ont ainsi mis au point une technique très particulière. Comme le montre la biologiste américaine Alice Gibb, ces poissons amphibies rapprochent leur tête de leur queue, puis, en s’aidant de leur appui au sol, effectuent une détente rapide qui les projette loin vers l’avant.


Kryptolebias marmoratus, qui passe naturellement une partie de son existence hors de l'eau, est capable de se déplacer par bonds.

La capacité de sauter relèverait-elle donc d’une adaptation à la vie terrestre ? Pour répondre à cette question, Alice Gibb et son équipe ont filmé avec leur caméra ultrarapide plusieurs espèces exclusivement aquatiques. Et à leur grande surprise, ils ont pu constater que de nombre d'entre elles étaient non seulement capables de se déplacer par bonds, mais que la technique utilisée était également comparable à celle de leurs cousins amphibies.

La capacité de sauter semble donc antérieure au passage à la vie amphibie. Une faculté qui procure à l’animal un net avantage dès lors qu’il s’agit de se sortir, par exemple, d’un échouage.

Dernier détail. Pour arriver à cette conclusion, Alice Gibb assure que, malgré quelques atterrissages acrobatiques, aucun animal n’a été blessé durant cette expérience…

Ces travaux ont fait l'objet d'une publication dans la revue Journal of Experimental Zoology.

Olivier Boulanger le 24/10/2011