Des fleurs menacées d’extinction en Ile-de-France

Après deux ans de collectes de données et d’observations sur le terrain, le Conservatoire botanique du Bassin parisien vient de dresser l’inventaire des espèces végétales menacées en Île-de-France et publie la première liste rouge régionale.

Par Paloma Bertrand, le 17/01/2012

Du mondial au local

A l’échelle mondiale, la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) constitue l’inventaire le plus complet de la biodiversité végétale et animale de la planète. Obéissant à une méthodologie rigoureuse et surtout unique, cette liste rouge permet à la fois de réunir les données et de comparer les situations d’un pays à l’autre. Construite pour dresser un inventaire à grande échelle, la liste rouge a été adaptée en septembre 2011 pour devenir également un outil pertinent à l’échelle régionale. La liste rouge d’Île-de-France est la première à être publiée sur le territoire. D’autres sont en cours d’élaboration comme en Champagne-Ardenne, en Bourgogne, dans les Pays de la Loire et dans le Nord.

1537 espèces végétales « indigènes »

Pour établir cette liste rouge, le Conservatoire botanique national du Bassin parisien s’est appuyé sur une base de données qui recense depuis 1995 toutes les espèces connues en France. Puis, une trentaine de botanistes sont allés sur le terrain vérifier la présence ou la disparition de certaines plantes particulièrement menacées. Un travail de fourmi car la flore d’Île-de-France, contrairement à ce que l’on pourrait penser, est riche : 1 537 espèces différentes de fougères et de plantes à fleurs y ont été répertoriées, toutes qualifiées d’« indigènes ».

Qu’est ce qu’une plante indigène ?

Au sens strict, une plante est considérée comme indigène quand sa présence en France est avérée avant 1492, c’est-à-dire avant la découverte de l’Amérique. Le commerce outre-Atlantique a en effet été un facteur important d’implantation de nouvelles espèces dont les plus connues sont la pomme de terre, le maïs, la tomate, les fraises…
Au sens large, une plante est dite indigène lorsqu’elle est présente de longue date (plusieurs centaines d’années) sur un territoire.

Cette diversité végétale s’explique par la grande variété du territoire. Sur les 12 000 km2 de la région, on trouve des roches calcaires, des sables, des argiles, des marnes. L’acidité des sols, la granulométrie, les conditions d’humidité et d’acidité sont multiples, le relief est plutôt vallonné et le climat favorable à la végétation avec ses hivers cléments, la douceur de ses températures estivales, peu de vent et de situation climatique extrême.

Le saviez-vous ?

Perçu à tort comme essentiellement urbain, le territoire d’Île-de-France est constitué à 50% de terres agricoles, à 23% de bois et forêts ; « seulement » 21% de sa superficie est urbaine.
(source : Conservatoire botanique du Bassin parisien)

Plus d’une plante sur quatre menacée de disparition

La pression de l’activité humaine et l’évolution des pratiques agricoles se font néanmoins sentir, et la liste rouge montre que 85 espèces végétales semblent avoir disparu du territoire et que 400 autres sont aujourd’hui menacées de disparition, dont 128 présentent un risque majeur d’extinction.
Un bon nombre d’entre elles sont des plantes de pelouses et de prairies dont les effectifs ont diminué avec la disparition des parcelles destinées à l’élevage. Quant aux plantes traditionnellement associées aux cultures (coquelicots, bleuets…), elles sont menacées par l’utilisation massive d’herbicides et les techniques de labour plus profond.
Les plantes les plus fragiles sont également celles qui dépendent d’un environnement écologique très spécifique comme les marais, les prairies inondables, les pelouses et les landes. Des espaces généralement peu « productifs », incompatibles avec l’activité humaine, et qui ont tendance eux aussi à disparaître.

Il faut reverdir les espaces urbains. Interview de Frédéric Hendoux.

S’il existe un certain nombre de plans nationaux d’action pour protéger les espèces végétales dans notre pays, il reste encore beaucoup à faire sur le terrain. Pour Frédéric Hendoux, directeur du Conservatoire botanique du Bassin parisien, « la France dispose d’un arsenal juridique assez complet pour protéger les espèces. Des mesures peuvent être prises mais, pour être effectives, elles doivent être acceptées localement par les citoyens, les élus, les propriétaires terriens et les exploitants. Or, si l’on assiste à une forte prise de conscience des enjeux de la biodiversité depuis cinq ou dix ans, elle est encore très peu suivie d’effets ».

Paloma Bertrand le 17/01/2012