Les premiers sapiens européens étaient-ils basques ?

Les Basques pourraient être les descendants d’un des premiers groupes d’Homo sapiens à s’être installés en Europe. Cette hypothèse contestée vient de trouver une nouvelle confirmation dans une étude publiée dans l’American Journal of Human Genetics.

Par Paloma Bertrand, le 16/03/2012

La diffusion des langues indo-européenne

Trois milliards d’individus sur la planète parlent une langue « indo-européenne », dérivée d’une langue parlée durant la préhistoire : l’indo-européen. Une langue dont on ne possède aucun témoignage direct mais dont les linguistes affirment trouver la trace dans environ un millier de langues ayant actuellement cours sur la planète.

Or, parmi toutes les langues européennes, il en est une, la langue basque, qui ne descend ni de cette langue mère ni d’aucune autre famille de langue. Un « isolat linguistique » qui a permis d’échafauder l’idée que le peuple basque pouvait avoir une origine différente de celles des autres peuples européens. Voire même, qu’il serait le descendant d’une des premières peuplades Homo sapiens à s’être enracinée en Europe au paléolithique, il y a environ 35 000 ans. Avant que d’autres sapiens parlant l’indo-européen n’envahissent le continent à la faveur d’un réchauffement climatique qui marque la fin de la période glaciaire du pléistocène. L’abondance de vestiges archéologiques dans la région franco-cantabrienne qui englobe le sud de la France et le nord de l’Espagne laisse également penser que cette région était la plus peuplée d’Europe à la préhistoire.

Faire parler l’ADN

Si les Basques descendent en droite ligne de ce premier peuplement, ils doivent en porter la trace dans leurs gènes. Ainsi les études génétiques se multiplient depuis deux décennies avec des résultats contradictoires. La dernière en date, publiée le 9 mars dans l’American Journal of Human Genetics, plaide en faveur de cette filiation préhistorique. 

Répartition des participants à l’étude

Pour arriver à cette conclusion, l’équipe internationale pilotée par l’unité Génétique évolutive humaine de l’Institut Pasteur, s’est intéressée à l’ADN mitochondrial de 420 personnes dont le nom de famille et le lieu de naissance sur trois générations attestaient un ancrage ancien dans la région et qui tous, portaient dans leur génome mitochondrial, une « signature » spécifique aux humains d’Europe de l’Ouest : l’haplogroupe H. En comparant les haplogroupes H de leur échantillon avec celui de 7000 autres européens, ils ont réussi à identifier six séquences génétiques présentes dans 36% de leur échantillon et totalement inexistantes chez les autres Européens. Six séquences « autochtones » à la région basque et à ses alentours qui pourraient être la marque de fabrique d’un ancêtre commun.

Pour dresser la carte d’identité de cet ancêtre, les chercheurs disposent avec l’ADN mitochondrial d’un outil d’analyse exceptionnel. Car contrairement à l’ADN du noyau, l’ADNmt se transmet uniquement de la mère à l’enfant et reste identique d’une génération à l’autre, hormis quelques mutations dont la variabilité est connue dans le temps. En comparant les mutations entre deux ADNmt il est ainsi possible d’estimer l’époque à laquelle a vécu leur ancêtre commun. En procédant ainsi les chercheurs ont ainsi montré que la mère de tous les Basques porteurs d’une séquence autochtone avait vécu il y a entre 3000 et 5000 ans, et que la mère commune aux Basques et aux autres Européens avait, elle, vécue il y a entre 5800 ans et 10000 ans. Des fourchettes de temps qui d’après les auteurs de l’étude, collent dans les grandes lignes avec le scénario d’une implantation basque ancienne, qui aurait précédé celle des peuples indo-européens.

Paloma Bertrand le 16/03/2012