Le sens de l’orientation ? Lequel ?

Le cerveau ne dispose pas d’un seul, mais d’au moins quatre sens de l’orientation différents, voire d’une dizaine. C’est ce que révèle une étude menée durant quatre ans sur une population de rats, à l’institut Kavli de l’université norvégienne de science et technologie. Parmi les autres surprises de cette recherche : la mise au jour d’un nouveau type de réseau neuronal et l’existence probable d’un « chiffre magique ».

le 07/12/2012

Plutôt qu’un sens de l’orientation unique, le cerveau dispose de plusieurs « modules » qui se consacrent à cette fonction – mais de manière indépendante les uns des autres – et sont chacun pourvus d’un système interne de cartographie, à la manière d’un GPS. À chaque module correspond un sens différent de l’orientation, avec sa propre échelle de représentation de l’environnement extérieur, de la plus fine à la plus grossière ; et ses réactions propres aux modifications de ce même environnement.

Cette recherche norvégienne a été conduite, durant quatre ans, par une équipe de six personnes, sur une population de rats. Elle a consisté en une collecte très abondante de mesures électrophysiologiques dans la zone cérébrale en charge de l’orientation – ce qui correspond au volume d’une taille de pépin de raisin chez les rats.

Edvard Moser, le directeur de l’institut Kavli, basé à Trondheim, en Norvège, précise toutefois qu’il faudra procéder à de nouvelles mesures avant de préciser le nombre de sens de l’orientation dont dispose le cerveau : sans doute cinq, peut-être dix. Ce qui complique, pour l’heure, la suite de l’étude, c’est que le sens de l’orientation basé dans le cortex entorhinal, un important centre de la mémoire, a une résolution si large qu’il est virtuellement impossible à mesurer. « La distance entre deux points de coordonnées peut atteindre jusqu’à dix mètres », explique Moser, « il nous faudrait donc un laboratoire bien plus grand et beaucoup plus de temps pour étudier l’ensemble des sens de l’orientation ». Un peu comme s’il fallait étudier les déplacements d’un rat sur un terrain de football ; c’est dire la difficulté de la tâche.

Un réseau inédit et un chiffre magique

Au-delà de cette découverte relative aux représentations cérébrales de l’espace, c’est aussi l’organisation physique des fonctions abstraites dans le cerveau qui apparaît sous un jour nouveau. En effet, les modules du sens de l’orientation se composent de cellules situées dans des zones géographiques très différentes, et non pas les unes à côté des autres : « Nous avons ainsi révélé une nouvelle méthode de distribution de réseau neuronal fonctionnel », résume Moser. Autre surprise à la clé : pour passer d’un sens de l’orientation au sens supérieur, il faut multiplier par 1,42, soit approximativement la racine carrée du chiffre 2. Pour ce chercheur, une telle régularité pourrait être le signe que les grilles des divers plans sont construites génétiquement, et non pas le fruit de l’expérience et des interactions avec l’environnement.

Enfin, en réponse à un changement même minime dans l’environnement, les cellules « à grille » (grid cells), spécialisées dans l’orientation, envoient depuis leurs modules respectifs des signaux aux cellules « sœurs » situées dans l’hippocampe, autre siège essentiel de la mémoire. C’est ainsi que se créent les souvenirs. Les rapports entre espace et construction de la mémoire constituent ainsi une autre piste d’investigation ouverte par cette étude norvégienne.

 

le 07/12/2012