Radiofréquences : pas de risques avérés, prudence quand même

L'Anses vient de livrer son rapport sur l’exposition aux ondes électromagnétiques. Pour l'agence sanitaire, les radiofréquences n'ont pas d'effet avéré sur la santé. Elle recommande néanmoins la prudence concernant les enfants et les utilisateurs intensifs de téléphones mobiles.

Par Véronique Marsollier, le 18/10/2013

Expositions aux radiofréquences au domicile
Expositions aux radiofréquences au domicile

L’évolution des technologies de communication sans fil (mobile, wifi…), de leurs usages, mais aussi le nombre croissant d'utilisateurs, conduisent à une exposition de plus en plus importante aux radiofréquences. Dans ce contexte, l’Anses – l'Agence nationale de sécurité sanitaire – a publié le 15 octobre un nouveau rapport sur les risques liés à l'exposition aux radiofréquences.

Aboutissement d’un travail de deux ans, l’étude (qui fait suite à un premier rapport publié en 2009) s’appuie sur une revue de la littérature scientifique internationale. Sur le millier d’études identifiées, 308 articles scientifiques originaux publiés entre avril 2009 et décembre 2012, portant spécifiquement sur les effets des radiofréquences, ont été analysés. Deux tiers de ces études, jugées de qualité suffisante pour contribuer à l’évaluation, ont été retenus. Comme dans le précédent rapport, le groupe de travail a choisi de s’intéresser aux technologies des radiofréquences comprises entre 8,3 kHz et 6 GHz (communications mobiles, TV, radio, etc.).

Parmi les systèmes utilisant les radiofréquences, on peut citer :

  • les réseaux de diffusion de contenu (radiodiffusion, télédiffusion) pour lesquels un émetteur émet pour couvrir une zone plus ou moins étendue et dans laquelle se trouvent des récepteurs (radio, télévision etc.) ;
  • les réseaux cellulaires (réseaux mobiles professionnels, TETRA, téléphonie mobile GSM 900 et 1 800, téléphonie mobile UMTS etc.) pour lesquels des stations de base fixes (antennes-relais) sont réparties sur un territoire afin d’assurer une continuité de service pour les équipements terminaux mobiles ;
  • les systèmes sans fil de moyenne et courte portées, de puissance variable selon les technologies : Wi-Fi (liaison Internet entre la borne d’accès et les ordinateurs), Bluetooth (liaison sans fil entre différents périphériques informatiques notamment), téléphones sans fil domestiques DECT, systèmes sans fil pour la domotique (gestion d’énergie) et la sécurité (alarme) etc. 

Les émetteurs associés à l’ensemble de ces applications utilisant les radiofréquences contribuent au champ électromagnétique présent dans l’environnement.

Sources : Anses

Pas de risques avérés, mais des effets biologiques

« Les conclusions de l’évaluation des risques ne mettent pas en évidence d’effets sanitaires avérés », déclare l’Anses dans son rapport. C’est, à peu près, la même conclusion que l'Agence avait tirée en 2009. Néanmoins, certaines publications évoquent une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale sur le long terme pour les utilisateurs intensifs de téléphone portable, c’est-à-dire 30 à 40 minutes par jour sur 10 ans, le téléphone collé à l’oreille. En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) avait déjà classé les radiofréquences comme « possiblement cancérogènes pour l’homme ».

L'Anses note par ailleurs des effets biologiques chez l’homme ou chez l’animal. Ces effets sont « réversibles » et ne provoquent donc pas de pathologies. Déjà rapportés en 2009, ils concernent le sommeil, la fertilité masculine ou encore les performances cognitives.

Compte tenu des résultats de l’évaluation, l’Agence considère donc sans fondement la proposition de nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population.

Des recommandations à destination des plus vulnérables

Néanmoins, l’Anses émet plusieurs recommandations, notamment à destination des populations les plus vulnérables.

Modélisation du DAS: exposition de la tête d’un enfant à un téléphone mobile.

Concernant l’utilisation des téléphones portables, les préconisations restent les mêmes qu’il y a quatre ans. Les utilisateurs intensifs doivent recourir au kit mains libres et privilégier l’acquisition de téléphones affichant des DAS (Débit d’absorption spécifique) faibles. Cet indice, qui mesure la quantité d’énergie absorbée par les tissus organiques sous l’effet des ondes électromagnétiques émises par un appareil, ne doit pas dépasser les 2 watts/kilogramme. Ces données sont inscrites sur tous les téléphones. En revanche, elles ne sont pas du tout indiquées sur tous les autres appareils de la vie courante comme les téléphones sans fil (DECT), le Wi-Fi, les baby-phones, les tablettes ou encore les consoles. Le mobile, lui, reste déconseillé aux enfants, leur boîte crânienne étant moins épaisse donc plus sensible aux ondes.

Par ailleurs, l’Anses déplore le manque de données concernant certains effets sanitaires, ou bien sur l’impact des protocoles de communication (3G, 4G…), ainsi que sur l’usage massif des radiofréquences dans tous les environnements. Elle préconise donc le développement d’études préalables lors de l’installation de nouvelles infrastructures de réseaux téléphoniques, et la mise en œuvre de campagnes de mesure afin de réduire les niveaux d’exposition, résultant par exemple des antennes relais.

Concernant les personnes électro-sensibles, l’agence, considérant quelques études récentes et celles en cours, souhaite mettre en œuvre une étude spécifique, examinant les données disponibles sur ce sujet tant en France qu’à l’international, dès 2014.

« Un rapport politique et non scientifique » ?

Les associations militantes ont rapidement réagi aux conclusions de l’Anses. Ainsi, le porte-parole de Robin des Toits, Étienne Cendrier, estime qu'il s’agit d’un « rapport politique et non scientifique ». Il réclame « la promulgation de la loi du 12 juillet 2010 qui interdit l’utilisation et la vente des portables et tout objet électronique aux moins de 6 ans » et la reconnaissance de l'électro-sensibilité. À propos de la 4G, s'indigne-t-il, « l’Agence n’a rien fait pour mieux connaître l’incidence sur la santé de cette technologie, alors que l’on sait que la 4G va augmenter de 50 % en moyenne l’exposition du public aux ondes ».

Véronique Marsollier le 18/10/2013