Pêche amateur : pression sur le bar

Pour dresser le portrait-robot du pêcheur amateur et évaluer l’importance de ses captures en mer, l’Ifremer a suivi pendant deux ans un panel de 180 pêcheurs volontaires et interrogé 16.000 foyers français. Alors que cette pratique peut sembler négligeable, avec 5 % des prélèvements de la pêche professionnelle, elle exerce une forte pression sur certaines espèces, comme le bar.

Par Paloma Bertrand, le 07/11/2013

Avec 20.400 tonnes de poissons, crustacés et céphalopodes pêchés en 2012, la pêche récréative représente 5 % des prélèvements de la pêche française professionnelle dont la production, elle, est évaluée à 310.000 tonnes. Alors que la pêche professionnelle fait l’objet d’un suivi régulier, le million de Français qui s’adonne pour le plaisir à la pêche en mer (hors pêche à pied) est mal connu. Grâce à l’étude conduite entre 2011 et 2013, l’Ifremer dispose désormais d’un tableau plus précis de ces pêcheurs, de leurs pratiques et de leurs captures.

Portrait-robot du pêcheur de plaisance

1,3 million de Français pratique la pêche récréative en mer

L’amateur de pêche en mer est très souvent un homme (à 73 %), âgé de 40 à 64 ans. L’été est sa période de prédilection et il n’hésite pas à consacrer trois heures à chaque sortie de pêche. S’il est embarqué sur un bateau (25 % de propriétaires de bateaux), ses chances de ramener du poisson sont bien supérieures, puisqu’il capture en moyenne sept prises par sortie contre moins de trois pour ceux qui restent à terre. Au total, 20 % des captures sont remises à l’eau. Quant aux choix techniques, la ligne (ligne de traîne, ligne à main…) et la canne à pêche avec appât ou leurre sont les plus utilisées. Elles sont aussi les plus efficaces, avec 5 à 7 prises par sortie, quand le fusil harpon, le filet ou la palangre, n’en capturent pas plus de 3. Question finance, le pêcheur maritime amateur débourse 146 euros par an, auxquels s’ajoutent 1.000 euros supplémentaires s’il est propriétaire d’un bateau. Au niveau national, le poids économique de la pêche récréative en mer est estimé à 530 millions d’euros.

Une part non négligeable de la pêche française

20 400 tonnes pêchées dont 15 500 sont gardées

Avec près de 3.200 tonnes prélevées, le bar est l’espèce la plus capturée, suivie du maquereau (2.650 tonnes), du lieu jaune (2.274 tonnes), de la seiche (1.790 tonnes), du merlan (1.230 tonnes) et de la dorade (1.170 tonnes). Alors que la pêche professionnelle est soumise à la loi des quotas pour de nombreuses espèces – les quotas français pour le maquereau et le lieu jaune s’élèvent respectivement à 12.480 tonnes et 11.100 tonnes – la pêche de plaisance ne connaît pas de limite quantitative. Même lorsque les quotas de la pêche professionnelle sont atteints, le pêcheur amateur peut continuer à capturer l’espèce. Il doit cependant obéir à une réglementation nationale portant sur la taille des poissons et les engins utilisés.

Pour le maquereau et le lieu jaune, la pêche de plaisance représente 20 % des quotas accordés aux professionnels français. Quant au bar, pour lequel il n’y a pas de quota européen, avec 3.200 tonnes par an les plaisanciers prélèvent 58 % de ce que pêche la flotte professionnelle française (5.500 tonnes).

Le bar, un poisson très convoité

La taille minimale autorisée est passée de 36 à 42 cm pour la pêche de plaisance

Longtemps ignoré, le bar est un poisson très convoité depuis les années 2000. Du côté des pêcheurs amateurs, le bar sauvage fait figure de trophée. Quant à la pêche professionnelle française, elle s’en est fait une spécialité, avec des prises passant de 4.000 à 6.000 tonnes entre 2000 et 2006, soit 71 % de toute la pêche européenne de cette espèce. Près de la moitié des prélèvements français s’effectue dans le golfe de Gascogne. Or, depuis 2008, certains indices laissent penser que la pression de pêche est trop forte sur cette espèce, surtout dans la Manche et dans la mer Celtique… En écho à cette inquiétude, des initiatives locales voient le jour : en France, la taille minimale autorisée est passée, fin 2012, de 36 à 42 cm pour la pêche de plaisance. En Irlande, l’espèce est protégée : la pêche du bar est interdite aux professionnels depuis 1990 et limitée pour les plaisanciers depuis 2007 (deux poissons par 24 heures, pêche interdite pendant la période de reproduction).

La pression de la pêche récréative sur certaines espèces est donc loin d’être marginale. Pourtant, elle n’est toujours pas prise en compte dans les estimations utilisées pour déterminer les quotas de pêche. Pour y remédier, l’Union européenne impose désormais à ses États membres d’évaluer les captures réalisées par la pêche de plaisance. L’Ifremer conduit l’étude pour la France et tous les pays se sont attelés à la tâche avec plus ou moins de succès. Malgré ses défauts – le niveau de précision des chiffres annoncés reste limité au regard de la taille de l’échantillon et de possibles biais dans les déclarations – l’étude française est inédite. Elle dresse un premier état des lieux détaillé d’une pratique de loisir nomade, hétérogène, mal connue. Pour renforcer la collecte de données, le ministère de l’Écologie a par ailleurs lancé en 2012 un site de déclaration en ligne pour les pêcheurs amateurs volontaires. La prochaine étude devrait être conduite en 2015.

Paloma Bertrand le 07/11/2013