Des typhons d'un genre nouveau ?

La force inédite de Haiyan relance la discussion sur la création d'une nouvelle catégorie de typhons, d'une force supérieure aux catégories déjà répertoriées. La responsabilité du réchauffement climatique dans ce type d'événements demeure quant à elle difficile à établir. 

Par Barbara Vignaux, le 14/11/2013

Image composite mêlant les données de deux satellites géostationnaires et de la Nasa. Crédit: JMA/Eumetsat
Vue du typhon Haiyan depuis l'ISS

Plusieurs milliers de morts, de blessés et de disparus, près de 700.000 déplacés, plus de 11 millions de personnes touchées, tel est le bilan provisoire et toujours approximatif du passage du typhon Haiyan (Yolanda en français) sur le sol philippin. Un bilan très lourd, et pour cause : classé en catégorie 5, la plus élevée sur l’échelle de référence, dite de Saffir-Simpson, Haiyan est l’un des plus puissants typhons à avoir touché terre, avec des vents supérieurs à 300 km/h et des vagues de plus de 5 mètres de haut.

La force exceptionnelle de ce phénomène « conduit certains chercheurs à s’interroger sur l’opportunité de créer une catégorie 6 qui s’ajouterait aux autres », explique Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRS/Météo France). En effet, la catégorie 5 englobe les typhons pour lesquels les vents mesurés sont d'au moins 252 km/h. Or, avec Hayian, ils ont atteint 320 km/h, un record encore jamais enregistré pour un typhon ayant touché terre. L’idée d'une sixième catégorie avait également été soulevée après les ravages causés, fin octobre 2012, par l’ouragan Sandy – surnommé, à l’époque, Monsterstorm – dans le New Jersey et à New York.

Un phénomène assez mal connu

Les cyclones constituent un phénomène naturel assez mal connu et ce, pour deux raisons au moins. En effet, « le recul historique est plutôt faible : les données sur les cyclones ne sont récoltées que depuis 130 ans et homogènes depuis une quarantaine d’années seulement, grâce à des moyens d’observation plus sophistiqués », explique Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRS/Météo France), « et en outre, la résolution spatiale des simulations climatiques du GIEC est trop grossière pour représenter de manière explicite les cyclones tropicaux, car ce sont des phénomènes de petite échelle ». La maille élémentaire utilisée dans les simulations du GIEC mesure 100 km, mais elle devrait être beaucoup plus fine – 10 à 20 km – pour pouvoir représenter les typhons. Une analogie peut être dressée avec la résolution d’un appareil photographique : 10 millions de pixels versus 1 MPixels. Ils sont en tout cas plus fréquents que la couverture médiatique, naturellement sensible aux victimes et dégâts matériels, ne le laisse penser, comme le montre la liste des seuls typhons dans le Pacifique occidental en 2013. 

Le réchauffement en cause ?

Îles philippines aperçues à travers l'œil de Haiyan

C’est le « contenu thermique » de l’océan qui constitue la pompe à énergie d’un typhon, c’est-à-dire la température de ses 50 premiers mètres de profondeur. La violence de Hayian s’explique ainsi par la chaleur inhabituelle des eaux du Pacifique sur sa trajectoire. Est-ce à dire que le réchauffement climatique est responsable d’une telle catastrophe ?

« L’état actuel de nos connaissances sur la relation entre les cyclones et le changement climatique oblige à beaucoup de prudence », répond Fabrice Chauvin, « au vu des simulations les plus fines dont nous disposons, une tendance se dégage : la baisse du nombre de typhons tropicaux, mais la hausse de leur intensité – mesurée par la vitesse du vent – associée à des précipitations plus abondantes ». En revanche, pour les autres typhons, c'est-à-dire les dépressions de moyenne latitude, la tendance est moins claire.

Images du typhon Haiyan enregistrées par les astronautes à bord de la Station spatiale internationale (ISS)

Barbara Vignaux le 14/11/2013