Traitement et prévention du sida : quelles nouvelles pistes ?

A l'occasion de la quatrième conférence francophone sur le VIH/sida qui s'est tenue fin mars à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris, un tour de piste des nouvelles approches thérapeutiques et de prévention développées actuellement pour lutter contre le sida.

Par Olivier Fregaville-Arcas, le 29/03/2007

De nouvelles solutions en cas d’échec thérapeutique

Le VIH (virus d'immunodéficience humaine) s'adapte et devient résistant. Ainsi, quelque 8% des malades actuellement traités en France ne répondent plus à l'arsenal thérapeutique existant.

Pour ces derniers, l'espoir réside dans la mise au point de nouvelles classes de médicaments, comme les anti-intégrases. Des résultats prometteurs ont été présentés lors de la Conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes qui s'est tenue à Los Angeles fin février.

Les anti-intégrases

Ces molécules bloquent l'intégration du virus au niveau cellulaire et empêchent ainsi sa multiplication.

Quand le VIH pénètre dans la cellule…

Pour le MK-0518 (Raltegravir®), les résultats des essais de phase III (essais randomisés avec 118 patients sous placebo et 232 sous anti-intégrase, en plus de leur traitement habituel) d'une étude internationale semblent de bon augure, malgré un recul limité (16 semaines) : 60 % des patients ayant reçu le MK-0518 voient leur charge virale devenir indétectable, contre seulement 30% pour ceux qui ont pris le placebo. De plus, la tolérance à court terme est satisfaisante.

Les meilleurs résultats ont été observés chez les patients qui prenaient du Raltegravir® avec du T-20 (Fuzeon®, inhibiteur de fusion par injection sous-cutanée) et le plus récent inhibiteur de protéase, le darunavir (Prezista®). Développé par le laboratoire pharmaceutique MSD, le Raltegravir® bénéficie d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU), qui permet déjà à certains patients dans un état critique d'y avoir accès. Une autre anti-intégrase est en cours de développement chez Giléad mais elle en est à un stade plus précoce de développement.

Un inhibiteur des récepteurs CCR5

Mis au point par le laboratoire Pfizer, le Maraviroc® est un inhibiteur des récepteurs CCR5 situés dans la membrane de la cellule humaine. En empêchant le VIH de se fixer à la membrane, cet inhibiteur bloque l'entrée du virus dans la cellule.

Testé contre placebo et à deux dosages différents dans le cadre d'essais cliniques de phase III, le Maraviroc® est capable, au bout de 24 semaines, de rendre indétectable la charge virale de 40 à 50 % (en fonction de la dose) des patients traités. De plus, d'après ces premiers résultats, le Maraviroc® semble avoir une bonne tolérance sans toxicité hépatique. Cet effet secondaire a été la raison d'arrêt d'autres médicaments de la même famille.

Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS

Un problème toutefois : il n'est efficace que pour certains patients. Ceux dont le virus utilise uniquement les récepteurs CCR5 comme porte d'entrée dans la cellule, soit la moitié des patients en échec thérapeutique.

Gros frein : un seul laboratoire – la firme américaine Monogram – est actuellement en possession du test capable de définir si oui ou non le VIH pénètre dans les cellules via les récepteurs CCR5 et ainsi de sélectionner les patients susceptibles de répondre favorablement au traitement. En outre, qu'il s'agisse de cet inhibiteur ou des anti-intégrases, ces nouveaux traitements doivent être pris en association avec d'autres molécules. De plus, ils n'ont été testés que sur le sous-type B (européen) du VIH. On ne connaît pas encore l'efficacité de ces médicaments sur les autres souches du virus, notamment celles qui sévissent en Afrique. Enfin, on est encore loin de savoir comment utiliser au mieux ces traitements, comment ils se comportent entre eux et quelles sont les combinaisons les plus adaptées.

Les différents sous-types de VIH

On distingue deux types de virus d'immunodéficience humaine (VIH-1 et VIH-2), qui se déclinent eux-mêmes en plusieurs sous-types : 9 pour le VIH-1 (A, B, C, D, E, F, G, H, O, ce dernier étant très différent des huit autres) et 2 (A et B) pour le VIH-2. Ces différents sous-types peuvent être associés à des zones géographiques. Ainsi, le sous-type B du VIH-1 correspond essentiellement au virus que l'on trouve en Amérique du Nord et en Europe. Certains individus peuvent être infectés par plusieurs sous-types différents de VIH-1. Le VIH-2, quant à lui, a été isolé en 1986 chez des patients originaires d'Afrique de l'Ouest.

Cette grande variabilité du virus du sida s'explique par un taux d'erreur important de l'enzyme chargée de le répliquer (1 erreur sur 10 000 voire 1/1 000), ainsi que par un taux de renouvellement du virus très élevé (quelques milliards de particules virales produites chaque jour).

Du nouveau dans la diminution de la contamination

La circoncision

Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS

Plusieurs études font état des avantages de la circoncision pour limiter la transmission du virus. La dernière en date : une étude menée au Kenya sur 2 784 hommes de 18 à 24 ans. Divisés en deux groupes après tirage au sort, les hommes ont soit été médicalement circoncis, soit ne l'ont pas été, tous bénéficiant de conseils et de préservatifs pour éviter d'être contaminés. Après 2 ans d'observation, les résultats montrent une réduction de 53 % des cas de contamination chez les patients circoncis (publiés dans la revue médicale The Lancet du 24 février 2007). En 2005, un essai  mené en Afrique du sud sous l'égide de l'ANRS révélait déjà une diminution de 60% de la contamination. Des résultats suffisamment convaincants pour l'OMS qui recommande, depuis le 28 mars, la circoncision comme méthode additionnelle de lutte contre l'infection à VIH, en particulier en Afrique subsaharienne. Toutefois, si cette pratique semble limiter la contamination, le port du préservatif reste obligatoire.

Herpès et VIH

Jean-François delfraissy, directeur de l'ANRS

Une étude menée au Burkina Faso* sous l'égide de l'ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida), a montré que la prise du valacyclovir – molécule qui cible habituellement le virus de l'herpès – par les femmes séropositives également atteintes par le virus de l'herpès génital (HSV-2), permettait de faire baisser la charge de VIH dans le sang. Une réduction de la charge est également observée dans les sécrétions vaginales, ce qui pourrait aussi diminuer les risques de transmission du VIH.

* Résultats publiés dans la revue médicale New England Journal of Medicine du 22 février 2007.

Mère porteuse du VIH, bébé sain

Pour éviter à une mère porteuse du VIH de transmettre ce dernier à son enfant lors de l'accouchement, la prise combinée d'AZT, de néviparine et de 3TC présenterait de nombreux avantages par rapport à la prise d'AZT couplée à de la néviparine. Une étude française (ANRS) montre en effet que non seulement cette nouvelle combinaison thérapeutique réduit de 6,5 % à 4,5 % la transmission du virus mais elle permet aussi de diminuer l'apparition de résistance sur six mois de 38 % à 4,7 % chez l'enfant.

Si les essais cliniques se poursuivent, si les traitements évoluent, notamment par le bais des combinaisons et des stratégies thérapeutiques innovantes, le sida est toujours là : en 2006, 39,5 millions de personnes vivaient avec le sida et près de 3 millions sont mortes des conséquences de cette maladie.

En traitant les malades, on diminue leur charge virale et on réduit donc le taux de contamination. Mais malgré ces avancées, il faut continuer à lutter et à se protéger. Le préservatif reste le seul moyen totalement efficace de faire barrage au virus.

Toutefois, le médecin Rony Brauman (MSF) nous met en garde : « On ne viendra pas à bout de l'épidémie de sida en faisant sur un mode incantatoire l'apologie du préservatif. » L'accès aux traitements est aujourd'hui la priorité.

Quid d'un vaccin contre le sida ?

Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS

Jusqu'à maintenant, les vaccins n'ont pas marché mais il y a plusieurs candidats possibles en cours d'essais cliniques de phase III.

Olivier Fregaville-Arcas le 29/03/2007