Traitement précoce, une solution contre le VIH ?

Plus de sept ans après l’arrêt de leur traitement, 14 patients contrôlent toujours le VIH. Seuls certains présentent des prédispositions génétiques comparables à celles des « contrôleurs » naturels, mais tous ont bénéficié d’une thérapie antirétrovirale précoce.

Par Ronan Rousseau, le 18/03/2013

Photo du virus du Sida

Début mars, le cas extraordinaire d’un bébé capable de résister au virus du sida sans médicaments après une trithérapie très précoce était décrit. Une étude française publiée le 14 mars dans PloS Pathogens confirme sur un plus grand nombre de patients l’efficacité d’une prise en charge thérapeutique précoce pour induire un contrôle de l’infection VIH. Coordonnée par le professeur Christine Rouzioux, chef du service Virologie à l'hôpital Necker (et membre de l’équipe ayant identifié le virus en 1983), cette étude décrit le cas de 14 patients qui maintiennent leur charge virale sous le seuil de détection depuis maintenant plus de sept ans.

Ces patients sont désignés sous le nom de « cohorte de Visconti » (pour Viro-Immunologic Sustained COntrol after Treatment Interruption). Ils avaient été traités très tôt, dans les dix semaines suivant leur contamination, alors qu’ils étaient encore au stade de primo-infection. Le traitement s’est prolongé sur une période médiane de trois ans avant son interruption. En concertation avec leur médecin, ces personnes avaient choisi en conscience d’arrêter la thérapie. En effet, « à l’époque, les traitements antirétroviraux étaient beaucoup plus lourds, avec des effets secondaires marqués », explique Christine Rouzioux, ce qui pouvait motiver un tel choix. C’est en tout cas grâce à l’arrêt de ce traitement que leur faculté de maintenir le virus sous contrôle a pu être découverte.

Une rémission sans prédisposition génétique

Le plus souvent, assez rapidement après l’infection, le VIH se terre à l’abri des cellules immunitaires. Incognito, il peut persister dans ces réservoirs, y compris durant de longues années de traitement, et attendre le moment propice pour resurgir. C’est ce qui explique que le virus reprenne l’ascendant à l’interruption des antirétroviraux chez la majorité des séropositifs. En revanche, chez les « patients Visconti », les réservoirs viraux sont très faibles. Mieux encore, ils sont similaires à ceux des très rares personnes capables de résister naturellement au VIH sans jamais avoir été traitées. Par contre, « la plupart des patients de la cohorte Visconti ne présentent ni les caractéristiques génétiques favorables, ni le même type de réponses immunitaires qui sont habituellement observées chez les contrôleurs naturels du VIH », constate Asier Sáez-Cirión, médecin à l’unité de régulation des infections rétrovirales de l’Institut Pasteur.

Cette découverte d’une « rémission fonctionnelle » chez des personnes qui ne sont pas naturellement résistantes est encourageante. En effet, elle montre que la faculté à résister au VIH ne repose pas entièrement sur un fond génétique avantageux. Elle plaide ainsi en faveur d’une initiation précoce du traitement antirétroviral. Désormais, « les travaux de recherche visent à comprendre pourquoi une fraction seulement des patients traités en primo-infection réagissent favorablement après arrêt des médicaments et quels sont les mécanismes en jeu », explique le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS (Agence nationale de la recherche sur le sida et les hépatites virales). Des études débuteront dans les prochains mois grâce à la constitution d’une cohorte européenne de patients « contrôleurs après traitement ».

Ronan Rousseau le 18/03/2013