HIV, un vaccin thérapeutique à l'essai

À Marseille, les premières doses d'un vaccin thérapeutique contre le VIH ont été injectées à des patients dans le cadre d'un essai clinique qui doit se poursuivre jusqu'en juin 2015. Il faudrait attendre plusieurs années pour qu'un tel vaccin puisse être commercialisé, mais cette solution thérapeutique paraît désormais accessible.

Par Pedro Lima, le 18/04/2013

Le 8 avril dernier, au centre d'investigation clinique de l’hôpital de la Conception à Marseille, deux patients infectés par le virus VIH ont reçu la première dose d’un vaccin thérapeutique, dans le cadre d’un essai clinique destiné à valider son efficacité. Les injections vont se poursuivre au rythme de trois nouveaux patients par semaine, pour atteindre un total de 48 volontaires, répartis en quatre groupes : trois groupes recevront trois injections du vaccin à des doses différentes (11, 33 et 99 microgrammes de principe actif), le quatrième recevra un placebo. Objectif de l’essai, autorisé le 24 janvier dernier par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) : vérifier que, trois mois après la fin du traitement, le virus aura été contrôlé dans l’organisme et ne resurgira pas de plus belle, sous la forme d’un rebond viral. Pour valider cet effet bénéfique, les patients devront cesser leur traitement antirétroviral, ou trithérapie, pendant deux mois à l’issue des injections.

La cible : la protéine Tat

Erwann Loret, père du vaccin

La spécificité de cet essai clinique de vaccin thérapeutique anti-VIH, le seul en phase 2 actuellement en France (trois autres sont en cours à travers le monde) : il cible une protéine, appelée Tat (pour transactivating), qui protège l’accès, chez les personnes séropositives, des cellules infectées par le VIH et empêche ainsi leur système immunitaire de les attaquer. Pour contrecarrer cet effet néfaste de la protéine Tat, le vaccin mis au point depuis une quinzaine d’années par le docteur Erwann Loret, biologiste au CNRS, contient une protéine synthétique, dite Tat Oyi, qui correspond à un variant de la protéine ciblée. L’objectif est d’activer, grâce à Tat Oyi, le système immunitaire contre Tat, et de lui permettre ainsi de neutraliser Tat grâce à des anticorps. L’intérêt serait de pouvoir diminuer alors le recours aux trithérapies, dont les effets secondaires sont nombreux. Voire, en cas de succès, de pouvoir y renoncer.

« Nous n’en sommes pas encore là, car cette première phase a seulement pour but, après le constat qu'aucun effet indésirable n'aura été observé, d'évaluer la dose optimale du vaccin », tempère Erwann Loret, soulignant que « pour l’instant, tout se passe bien avec les patients ayant reçu le vaccin ». En cas de succès de cette première étape, une deuxième phase visera, à l’horizon 2014, à démontrer l'efficacité du vaccin sur un groupe de patients statistiquement significatif, soit 80 patients répartis en deux groupes. Le premier serait alors vacciné avec la dose optimale de Tat Oyi, le second servant de placebo. Pour l’instant, trente patients seulement sur les 2000 qui se sont portés volontaires ont été retenus, car répondant aux critères drastiques du protocole placé sous la conduite du docteur Isabelle Ravaux. Des patients séropositifs qui doivent en particulier accepter de manière éclairée d’interrompre pendant deux mois leur trithérapie à l’issue des trois vaccinations, pour mesurer efficacement l’effet de cette dernière. « Nous sommes encore à la recherche de volontaires », confie Erwann Loret. 

Les atouts de Tat Oyi

Portrait de Tat Oyi

Si les chercheurs et les médecins restent très prudents, le vaccin, dont la fabrication a été confiée à l’entreprise Biosantech, présente plusieurs atouts. Les études menées sur le macaque ont ainsi montré sa capacité à contrôler l’infection, et semblent par ailleurs indiquer qu’il pourrait également avoir un effet préventif. Autre atout : pendant toute la phase de recherche fondamentale, le variant Tat Oyi a montré une étonnante capacité à reconnaître toutes les formes, très variées, de la protéine Tat. Autant d’espoirs qui seront confirmés, ou pas, par l’essai qui débute à Marseille. Premiers résultats attendus, dans une revue spécialisée, au mieux à la fin de l’année 2013.

Aux candidats à l'essai

Un répondeur téléphonique est à la disposition des patients séropositifs qui souhaitent proposer leur candidature : 04 91 38 35 25.

Pedro Lima le 18/04/2013