Huygens sur Titan : les premières images...

Mission réussie pour Huygens ! Le 14 janvier 2005, sept ans après avoir quitté la Terre, la sonde européenne est arrivée sur Titan. La plus grande et la plus mystérieuse des lunes de Saturne va-t-elle enfin dévoiler ses mystères ?

Par Olivier Boulanger, le 19/01/2005

Une journée décisive

On le sait désormais, la mission Huygens est un succès… Pourtant, le matin du 14 janvier 2005, au centre technique de l'Agence spatiale européenne (ESA) à Darmstadt (Allemagne), la tension pouvait se lire sur tous les visages : sept ans après son lancement, la sonde Huygens allait-t-elle réussir à pénétrer dans l'atmosphère de Titan, nous révélant enfin ce que cache le plus gros satellite de Saturne derrière son épais manteau nuageux ?

Première bonne nouvelle : la sonde s'est réveillée sans problème. Depuis sa séparation du module Cassini, le 25 décembre dernier, Huygens avait en effet été mis en sommeil afin d'économiser ses batteries. En milieu de matinée, un signal émis par la sonde et capté par un radiotélescope de la Nasa, a confirmé que tout se déroulait comme prévu : « Le bébé est vivant », s'est alors réjoui David Southwood, directeur scientifique à l'Esa, depuis le centre de contrôle de Darmstadt.

Ce que l'on savait de Titan... avant l'arrivée de Huygens !

Titan, photographié par Voyager 2 en 1981

Avec un diamètre de 5150 km, Titan est le plus gros satellite de Saturne, et le second plus gros satellite de tout le système solaire après Ganymède (une lune de Jupiter). Sa taille dépasse même celle de Mercure ! Titan est également le seul corps du système solaire à disposer – avec la Terre – d'une atmosphère riche en azote.

L'ennui est que cette atmosphère opaque interdit toute observation de la surface du satellite. L'épais manteau nuageux reste malgré tout transparent à certaines longueurs d'onde. Plusieurs observations réalisées dans l'infrarouge depuis la Terre ou à partir du télescope spatial Hubble ont ainsi permis d'observer des « taches » à la surface du satellite. Correspondent-elles à des lacs ? Des montagnes ?

Mais si Titan intéresse autant les scientifiques, c'est surtout parce que le satellite présente des caractéristiques proches de celles de la Terre juste avant l'apparition de la vie. On sait en effet que Titan est riche en hydrocarbures (éthane, méthane...) et autres molécules carbonées complexes (en particulier de l'acide cyanhydrique).

La vie y semble cependant impossible : la température sur Titan oscille en effet autour de -180°C !

Plus de deux heures de descente

Lancée à 22 000 km/h, Huygens a donc amorcé sa descente vers 10h06 (heure de Paris) et s'est débarrassé de son bouclier thermique à 190 km d'altitude. 20 kilomètres plus bas, sa vitesse n'était déjà plus que de 1400 km/h. L'ouverture successive de trois parachutes l'a alors freiné progressivement à 5 m/s.

L'impact était prévu à 12h20 mais les scientifiques tenaient à rester prudents sur les horaires : le relief de Titan et la vitesse des vents sont encore mal connus. Comme beaucoup d'autres éléments, d'ailleurs : avant l'impact, nul ne savait si Huygens allait atterrir sur un terrain solide ou liquide…

Au cours de la descente – qui aura duré plus de deux heures - la petite sonde a procédé à diverses analyses de l'atmosphère grâce à six instruments (essentiellement des spectromètres). Elle a également réalisé des photographies du sol et a même enregistré le bruit du vent grâce à un micro placé judicieusement à l'intérieur de la sonde… Impossible cependant de recevoir immédiatement ces données : dans un premier temps, Huygens doit communiquer ses informations à Cassini (actuellement en orbite autour de Saturne) qui, lorsque son orientation le permet, les retransmet vers la Terre. Mais pour parcourir les 1,2 milliard de kilomètres qui séparent actuellement Saturne de la Terre, le signal doit voyager (à la vitesse de la lumière) durant une heure et sept minutes !

Mission réussie !

Mission réussie !

Il aura ainsi fallu attendre 17h30 pour en avoir la certitude : la mission est un succès ! « Nous sommes les premiers visiteurs de Titan », a lancé, euphorique, le directeur général de l'ESA, Jean-Jacques Dordain. « Les données scientifiques que nous rassemblons maintenant vont dévoiler les secrets de ce nouveau monde. C'est un fantastique succès pour l'Europe. »

Tous les instruments ont parfaitement fonctionné et Huygens a transmis près de trois heures de données scientifiques. Seule ombre au tableau : un canal d'émission défaillant à empêché la retransmission de 300 des 750 images réalisées par la sonde.

La mission reste malgré tout un succès, d'autant que Huygens a survécu à son atterrissage, étape ultime pour laquelle la sonde n'avait pas été conçue initialement. Plus inattendu encore, Huygens a continué à fonctionner pendant au moins cinq heures. « C'est beaucoup plus que nous ne l'avions rêvé », a souligné David Southwood. L'ensemble des données « excédentaires » n'a cependant pas pu être relayé par Cassini qui avait continué son chemin autour de Saturne. Ces données sont-elles perdues à jamais ? Peut-être pas : plusieurs radiotélescopes terrestres ont pointé leurs antennes vers Huygens afin de capter le très faible signal émis par la sonde. Affaire à suivre…

Premières images

Ce n'est qu'en début de soirée que le centre technique de Darmstadt révèle les trois premières images réalisées par Huygens…

À 16,2 kilomètres d'altitude...

À 16,2 kilomètres d'altitude...
Cette vue laisse apparaître un réseau de vallées à la surface de Titan. Nul ne sait, pour l'instant, si des hydrocarbures (méthane ou éthane) y coulent encore. Le site d'atterrissage se situe sur la droite de l'image.

À 8 kilomètres d'altitude...

À 8 kilomètres d'altitude...
Difficile, au premier abord, d'expliquer les différentes nuances visibles sur ce cliché.

Au sol !

Au sol !
Les blocs sont vraisemblablement constitués de glace (d'eau ou de méthane). La taille des plus gros n'excède pas 15 cm.

De nouvelles données...

Au fil des jours, l'Esa révèle de nouvelles données, à commencer par les images acquises lors de la descente. Le changement constant d'angle de vue s'explique par la rotation de la sonde lors de la descente. Assemblées, ces images permettent de reconstituer le paysage dans lequel a atterri Huygens.

Première image « en couleur »

Première image « en couleur »
Huygens n'embarque pas de caméra couleur. Cependant, l'un de ses spectromètres a permis de déterminer avec précision les longueurs d'onde du rayonnement solaire capables de traverser l'atmosphère de Titan. En définitive, une très faible proportion du spectre solaire arrive jusqu'au sol. Il en résulte que, quelle que soit la couleur réelle de la roche ou de la glace, le paysage doit apparaître orangé, comme sur cette image…

Le bruit du vent
Les scientifiques supposaient que lors de sa descente, Huygens pourrait être touché par la foudre. Afin de vérifier cette hypothèse, un microphone a été placé à l'intérieur de la sonde. Au final : pas d'orage, mais un vent soutenu...

Au son du radar...
Pour déterminer son altitude, Huygens disposait d'un radar. Voici l'enregistrement de cet instrument lors de la descente. Plus le son est aigu, plus le sol est proche…

Olivier Boulanger le 19/01/2005