A 25 000 années-lumière : une autre « Terre » ?

Dix ans après l'ouverture de la chasse aux exoplanètes, une équipe internationale vient d'annoncer la découverte d'une planète extrasolaire non gazeuse : la première à ressembler un tant soit peu à notre Terre. Mais en beaucoup plus froide...

Par Olivier Boulanger, le 03/02/2006

« Terre » droit devant !

Depuis la découverte en 1995 d'une première planète située hors de notre système solaire, près de 170 autres exoplanètes ont pu être identifiées. Mais parmi elles, aucune « Terre » ! Toutes ne sont que des Jupiter chaudes, des géantes gazeuses bien différentes de notre bonne vieille planète…

Une planète de roches et de glace qui tient plus d'une Pluton géante que d'une Terre
(vue d'artiste).

Le 25 janvier dernier, une équipe internationale aurait enfin trouvé la perle rare. Dans un article publié dans la revue Nature*, les chercheurs annoncent avoir identifié dans la constellation du Sagittaire une nouvelle exoplanète, la plus petite jamais découverte : seulement 5,5 fois la masse de la Terre.

Baptisée OGLE-2005-BLG-390Lb, cette planète semble malgré tout peu hospitalière. Sa température de surface n'excède pas les -220°C. Elle se trouve en effet à 2,6 UA** de son étoile, une « naine rouge » qui, par définition, est bien moins chaude que notre Soleil. Il n'empêche que cette planète, composée probablement de roches et de glace, est solide : il s'agit donc bien de la première exoplanète tellurique découverte à ce jour.

* Nature, vol. 439, p. 437 (26 janvier 2005) ; ** 1 Unité Astronomique (UA) équivaut à la distance moyenne Terre-Soleil

À 25 000 années-lumière

Depuis la Terre, seule l'étoile autour de laquelle gravite la planète est visible.

Si cette exoplanète est la plus petite jamais trouvée, c'est également – et paradoxalement – la plus éloignée de toutes celles identifiées à ce jour : 25 000 années-lumière. Comment les chercheurs, qui ont déjà bien du mal à détecter des planètes bien plus grosses et bien plus proches, ont-ils pu réaliser un tel exploit ?

À quelques exceptions près, les planètes extrasolaires ne peuvent pas être observées directement au télescope : elles sont trop éloignées, trop petites et trop proches de leur étoile pour être visibles. Et c'est grâce à des méthodes indirectes, celle des vitesses radiales et dans une moindre mesure celle des transits, que les exoplanètes connues à ce jour ont pu être identifiées.

« Micro-lentille gravitationnelle »

Le principe de la micro-lentille gravitationnelle

Dans le cas présent, les chercheurs ont fait appel une autre méthode – tout aussi indirecte – s'appuyant sur une « micro-lentille gravitationnelle », c'est-à-dire sur la capacité d'une étoile massive à dévier les rayons lumineux.

Lorsqu'une telle « étoile-lentille » passe devant une étoile brillante, les rayons lumineux de cette dernière sont déviés et concentrés : vue de la Terre, elle parait momentanément plus lumineuse. Mais la présence d'une planète autour de l'étoile-lentille modifie le processus et provoque une altération rapide de luminosité très caractéristique.

La variation de lumière observée

Le 11 juillet dernier, l'équipe américano-polonaise de l'OGLE (Optical Gravitational Lensing Experiment) détecte l'une de ces étoiles-lentilles dans la constellation du Sagittaire.

Avec leurs cinq télescopes répartis tout autour du monde, les astronomes du Probing Lensing Anomalies NETwork (Planet) surveillent alors le phénomène qui va durer près d'un mois. La courbe de luminosité augmente, puis redescend sans aucune trace de planète.

Pourrait-on découvrir une « Terre » à l'aide de cette technique ?
Pascal Fouqué, co-découvreur de OGLE-2005-BLG-390Lb

Mais le 10 août, depuis l'un des télescopes de la Silla au Chili, Pascal Fouqué, astronome à l'observatoire Midi-Pyrénées et membre du réseau Planet, note en fin de nuit le début d'une anomalie. « J'ai procédé à quelques vérifications pour être sûr qu'il ne s'agissait pas d'un effet parasite, puis j'ai prévenu mes collègues australiens pour qu'ils poursuivent l'observation : il s'agissait bien d'une planète. »

Autant dire que la méthode semble prometteuse. À deux reprises, elle avait déjà permis d'identifier des exoplanètes gazeuses. En mettant au jour la première planète tellurique, il n'est pas déraisonnable d'espérer découvrir bientôt de nouvelles planètes toujours plus petites…

Olivier Boulanger le 03/02/2006