Hubble : quelques années de vie en plus

Contre toute attente, le télescope spatial Hubble va être rénové afin de poursuivre sa mission jusqu'en 2013. Une décision qui va à l'encontre de celle prise en 2004 par l'ancien administrateur de la Nasa... pour la plus grande satisfaction des scientifiques.

Par Olivier Boulanger, le 02/11/2006

Hubble lors de la première mission de maintenance en 1993

« Hubble doit être réparé ! »... Ainsi en a décidé, le 31 octobre dernier, Michael Griffin, le patron de l'Agence spatiale américaine (Nasa). Le télescope spatial recevra « en mai 2008 au plus tôt » sa cinquième visite depuis sa mise en orbite en 1990 : des travaux de maintenance estimés à 900 millions de dollars (environ 700 millions d'euros) qui seront effectués dans le cadre d'un vol de la navette spatiale Discovery.

Au cours de cinq sorties dans l'espace, les astronautes effectueront un remplacement des batteries du télescope. Ils répareront également ses gyroscopes, indispensables pour assurer sa stabilité et son orientation. Ils l'équiperont enfin de deux nouveaux instruments : la Wide Field Camera 3 et le Cosmic Origins Spectrograph, d'une valeur de 200 millions de dollars. Autant d'interventions qui devraient permettre à Hubble de fonctionner « au moins jusqu'en 2013 ».

Changement de cap

Hubble évolue à 600 km d'altitude au-dessus de la Terre depuis le 25 avril 1990

Autant dire que Hubble revient de loin. En 2004, après l'explosion de Columbia (le 1er février 2003), Sean O'Keefe, le précédent administrateur de la Nasa, avait opté pour une annulation pure et simple des missions de maintenance du télescope spatial, jugées trop risquées tant pour la navette que pour son équipage. Une décision justifiée également par les retards pris dans la construction de la Station spatiale internationale (ISS), chantier qui devenait dès lors une priorité.

Les jours de Hubble étaient donc comptés. La Nasa estimait encore récemment que, en l'absence d'intervention, le télescope spatial ne pourrait fonctionner au-delà de 2009. Pas de quoi assurer la transition avec son successeur, le James Webb Space Telescope, qui ne sera pas opérationnel avant juin 2013.

Un instrument toujours exceptionnel

La galaxie M82 : une image réalisée pour les 16 ans de Hubble

En 2004, la décision a priori irrévocable de Sean O'Keefe avait suscité beaucoup de protestations de la part de la communauté scientifique. Aux États-Unis, la National Academy of Science et même le Sénat n'avaient pas manqué de rappeler l'importance tant historique que scientifique de cet instrument : à travers plus de 750 000 images, Hubble a littéralement révolutionné l'astronomie.

Seize ans encore après son lancement, le télescope spatial demeure un instrument unique. Certes, durant cette période, les télescopes au sol ont progressé, bénéficiant de techniques de pointe - comme l'optique adaptative - qui leur permettent de dépasser les performances de Hubble dans bien des domaines :  haute résolution, haute sensibilité… Mais à plus de 600 km d'altitude, le télescope spatial demeure irremplaçable dès qu'il s'agit de réaliser des observations sur de très longues durées ou dans des longueurs d'ondes habituellement filtrées par l'atmosphère.

« Une marge de sécurité aujourd’hui acceptable »

Retour de la navette Atlantis après une mission réussie sur l'ISS en septembre dernier

C'est donc avec un certain soulagement que les scientifiques saluent aujourd'hui les propos de Michael Griffin. « Il s'agit probablement d'une des décisions les plus importantes pour l'astronomie », s'est enthousiasmé l'astrophysicien Mario Livio, qui gère le fonctionnement du télescope spatial.

Au-delà des arguments scientifiques, le nouvel administrateur de la Nasa note que sa décision n'aurait pu être possible sans les nombreuses modifications et procédures mises en place depuis 2003 concernant la navette et qui permettent désormais d'effectuer un vol vers Hubble avec une marge de sécurité acceptable pour l'équipage : depuis l'accident de Columbia, la navette a volé trois fois et les deux derniers vols ont été un succès total.

Olivier Boulanger le 02/11/2006