Comment un magazine scientifique rend-il compte de l’actualité à chaud ?

Par Mathieu Nowak, journaliste au magazine La Recherche

Par Mathieu Nowak, le 30/07/2003

Il se tramait quelque chose en Asie. Quelques cas de grippe. Une rumeur de pneumopathie qui se confirme. En réunion de rédaction, début mars, on se dit qu'il y a un sujet à faire. Et soudain, c'est l'alerte de l'OMS. La presse quotidienne, les télévisions, les radios (sans parler d'Internet où, fin avril, on trouvait un demi-million de pages dédiées à l'épidémie…) : la machine se met marche. D'un côté, il faut écrire quelque chose, les lecteurs attendent cela de nous. D'un autre, la couverture médiatique est telle qu'on ne cesse de se poser des questions : que vais-je pouvoir apporter de neuf ? Comment ne pas être redondant avec les journaux qui n'hésitent pas à y consacrer une pleine page par jour ? Et surtout : comment faire pour que, compte tenu des délais de fabrication d'un mensuel, le texte ne soit pas périmé lors de la parution ?

Dans ces situations-là, les quotidiens ont un avantage évident. Seul réflexe : revenir aux faits, toujours aux faits, rien qu'aux faits. Et c'est alors qu'on se rend toujours compte que les faits sont peu nombreux. Que les quotidiens n'ont pas que des avantages, ils ont aussi le handicap de devoir produire. Et dans ces situations-là, que retient le lecteur ?

Durant mon enquête, je ne peux m'empêcher chaque jour de faire la comparaison avec la guerre en Irak. Que sait-on au juste alors que les reportages se multiplient ? Pas grand chose… Par exemple, qui participe exactement à la coalition ? Personne ne se pose plus la question. Plus on est submergé d'informations, moins on se rend compte que celles-ci ne répondent pas à nos questions.

Les faits sur la pneumopathie atypique à la mi-avril ? Des cas sont régulièrement déclarés ; l'OMS a réagi et met en place un réseau de laboratoires ; quelques fausses pistes ont été écartées ; l'OMS a déclaré, un mois après l'alerte, que l'agent en cause est un coronavirus. Mais, hormis celle concernant l'agent responsable, aucune autre question n'a trouvé de réponse. Aucune. Et encore, ceux qui sont sceptiques quant à la nature de l'agent ne sont pas rares. Quelles réponses seront apportées d'ici la publication ? Toujours le même problème…

Pourtant – le plus tard possible – il faut s'arrêter et écrire. Choisir la carte à abattre. L'épidémie ne progresse pas aussi vite qu'on le craignait et j'entends de plus en plus dire autour de moi que toute cette couverture médiatique est exagérée. Sans doute. Mais en même temps, nous vivons en temps réel une épidémie qui aurait pu être bien pire avec un virus plus méchant. Et l'on voit que ça coince à plusieurs niveaux, que nous ne sommes pas prêts. On n'a jamais été aussi prêts pour affronter une épidémie et en même temps jamais aussi vulnérables. L'épidémie de pneumopathie n'est pas encore un sujet en soi ; cela viendra. Mais elle est déjà riche d'enseignements. Ne reste plus qu'à l'écrire.

Mathieu Nowak le 30/07/2003