L’actualité scientifique n’existe pas !

Par Gérard Azoulay, responsable de l'Observatoire de l'Espace du CNES

Par Gérard Azoulay, le 15/03/2006

Nous pourrions dire de manière un peu provocatrice qu'à l'exception des informations destinées à la communauté scientifique et qui sont essentielles au travail quotidien du chercheur, l'actualité scientifique n'existe pas. Il y a assurément une actualité du monde et indubitablement des éléments d'information scientifique qui viennent éclairer cette actualité, mais la notion d'« actualités scientifiques » ne répond à aucune nécessité du public. Souvent, la diffusion d'une actualité scientifique réduite à son strict périmètre informatif, n'est qu'un trompe-l'œil pour les publics afin de leur donner l'impression de participer à l'effervescence du monde. C'est tout au contraire la mise en relation des connaissances qui permet à chacun d'actualiser sa représentation du monde.

Pour préciser cette assertion initiale et la tempérer, il faut reconsidérer cette notion d'actualité scientifique sous l'angle de la temporalité. Si cette temporalité se réduit à l'immédiateté, elle épouse la marche événementielle du temps. En conséquence, au mieux, elle s'adresse à un public spécialisé et acquis favorablement à l'information que l'on souhaite lui transmettre, sinon elle demeure de l'ordre du symbolique, voire du divertissement. Considérée avec une certaine distance, elle devient une démarche susceptible de relier des connaissances entre elles. Elle offre alors la capacité de réintégrer la science au sein de la culture.

Sans méthode, sans critères, comment sélectionner les informations ? Nous serions vite submergés par les essais, les mesures, les protocoles expérimentaux qui chaque jour font le tissu de l'activité scientifique. Ce qui importe, c'est le contexte dans lequel s'insère l'information et qui oriente le regard. L'annonce d'un essai réussi du moteur Vulcain 2, qui est le moteur du lanceur européen Ariane 5, ne vaut que par l'information qu'il donne sur l'avancement du programme ; cette même annonce ne prenant sa valeur qu'au regard du contexte international, extrêmement concurrentiel et des enjeux de souveraineté associés. L'actualité vaudrait alors simplement comme introduction afin de servir d'exemple à la question traitée ? Cela nous semble fortement probable. Sinon, l'annonce de ce succès possède aussi une certaine efficacité, mais dans un autre contexte, celui de la communication institutionnelle, qui est régie par sa propre logique et qui a des attentes différentes, notamment celle de valoriser les entreprises ou la puissance publique à l'origine de l'événement.

Afin de réconcilier chacun avec les sciences, il est donc essentiel d'instaurer une distance temporelle, afin de montrer que le champ est plus vaste qu'il n'y paraît et que la science n'est que l'une des composantes, certes indispensable, de la compréhension du monde. Le danger d'accréditer la réalité d'« une actualité scientifique » autonome présente le risque de renforcer la thèse de la toute-puissance de la science pour expliquer le monde et aurait pour conséquence d'obligatoires désillusions.

Gérard Azoulay le 15/03/2006