Objectifs, mais pas neutres !

Par Laurent Chicoineau, directeur du Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) de Grenoble.

Par Laurent Chicoineau, le 13/03/2006

L'actualité scientifique est d'abord un prétexte utilisé pour accrocher le public, lui donner envie de venir dans nos établissements culturels, de participer à nos activités de médiation, d'en comprendre un peu plus sur l'état scientifique du monde.

Ce que nous faisons dépasse la seule approche « d'actualité scientifique », car derrière ce qui peut constituer un appel du public, une résonance avec ce qu'il peut lire dans les journaux ou voir à la télévision, nous tentons de mettre en relation des connaissances, de montrer les interactions, de faire comprendre par le geste, l'expérience vécue, l'émotion esthétique… bref de (re)construire du sens. Ce faisant, nous sommes plus que de simples vulgarisateurs (ou de vulgaires simplificateurs) de la connaissance ; notre activité ne se réduit pas à transmettre des messages dans un langage accessible au plus grand nombre. Nous opérons des choix, des sélections, car nous avons des avis, des points de vue, nous réfléchissons. Nous sommes aussi soumis à des contraintes, à des pressions parfois inconscientes.

Ainsi nous ne sommes pas neutres. Mais comment peut-on prétendre être « neutre » alors que dans le même temps, nous visons des objectifs de sensibilisation du plus grand nombre aux sciences, que nous inscrivons nos activités délibérément dans la perspective de lutter contre l'actuelle désaffection des jeunes pour les études et carrières scientifiques et que nous essayons, en évitant toute tentation scientiste, de créer le débat entre science et société ? En réalité, nous ne cessons de prendre parti, de nous impliquer, de défendre des points de vue. Objectifs, cela doit être au cœur de nos pratiques ; neutres, cela signifierait l'échec de nos missions.

Autrement dit, nous n'envisageons pas nos missions comme des spécialistes de la communication au service des stratégies développées par les organismes de recherche ou les universités, ni comme des supplétifs à l'Education nationale ou aux collectivités locales lorsqu'elles peinent à mobiliser les jeunes sur les études et métiers scientifiques. Nous sommes bien évidemment leurs partenaires, non leurs prestataires. Seule cette position d'autonomie et d'indépendance d'esprit revendiquée peut nous rendre crédible auprès d'un public de plus en plus sceptique et méfiant envers les avancées scientifiques et technologiques. Si nous voulons ouvrir des espaces publics de délibération sur les sciences et leurs enjeux, nous devons être garants d'une parfaite indépendance vis-à-vis des pouvoirs scientifiques, économiques et politiques, et d'un pluralisme respecté et respectueux des règle démocratiques.

Laurent Chicoineau le 13/03/2006