Qui sont les journalistes scientifiques ?

Par Françoise Tristani-Potteaux, responsable de la communication du département des Sciences de la vie du CNRS et enseignante à l'Institut français de presse, Université Paris II.

Par Françoise Tristani-Potteaux, le 01/06/2003

Suite à une étude menée sur les journalistes scientifiques, j'ai pu me rendre compte que certains sont scientifiques, d'autres pas ; les uns se sont formés sur le tas, d'autres ont suivi des filières spécialisées. Ils travaillent en agence, à la télévision, dans un quotidien ou une revue spécialisée. En dépit de la diversité des parcours, des situations et des personnalités, ils présentent tous une caractéristique commune : la passion de la science.

Qu'ils soient tombés dedans tout-petits, par hasard, par vocation précoce ou par mimétisme familial, ou qu'ils aient contracté le virus plus tardivement, ils sont extrêmement attachés à leur objet de recherche au point que certains, s'il fallait choisir, préfèreraient abandonner le journalisme plutôt que la science.

Une passion qui les aide à surmonter un certain nombre de handicaps : Les journalistes scientifiques ne sont pas assez nombreux (dix fois moins nombreux que les journalistes sportifs), pas assez écoutés, quasiment absents dans la presse régionale, rarement aux postes de commande – sauf dans les revues spécialisées –, pas assez considérés : ils rapportent rarement des scoops, ce n'est pas la spécialité de la science… Pour comble d'infortune, quand ils tiennent un sujet explosif, ils se le font souvent " voler " par le service économique ou politique !

Cela mis à part, ce sont pourtant des journalistes comme les autres. Ils connaissent, sous une forme parfois amplifiée, les grandes évolutions du métier : un niveau de diplômes de plus en plus élevé, une féminisation croissante mais qui n'est pas encore l'égalité, un rajeunissement (mais qui se tasse par rapport à la décennie précédente), une précarisation plus forte que dans la moyenne de la profession : les rubriques scientifiques utilisent beaucoup de pigistes.

Même si leur terrain est un peu particulier, ils travaillent comme tous les journalistes, c'est-à-dire qu'ils pratiquent l'analyse et l'investigation, qu'ils croisent leurs sources, font pression sur leur rédacteur en chef pour faire passer leurs articles, pour éviter un titre racoleur, voire pour défendre leur rubrique, fréquemment menacée. Comme tous les journalistes, mais peut-être davantage parce que leur sujet est parfois aride, ils doivent faire preuve de talent et d'imagination pour capter et retenir l'attention des lecteurs, pour simplifier sans trahir, pour trouver la métaphore qui fera comprendre l'incompréhensible…

Une nouvelle tendance se dessine dans la population des journalistes en général, des scientifiques en particulier : on assiste, d'une part, à la montée de journalistes de plus en plus spécialisés, très diplômés, véritables experts , d'autre part, à une montée de journalistes polyvalents. Cette tension structurelle entre un pôle spécialisé et un pôle généraliste traverse l'ensemble du monde journalistique mais aussi les milieux spécialisés**. Un phénomène important qui devrait inciter les institutions et les chercheurs à formater leur discours pour le rendre accessible à des interlocuteurs aussi hétérogènes.

Françoise Tristani-Potteaux le 01/06/2003