Observation : une supernova naît en direct

Pour la première fois, des astronomes ont observé le tout début d'une explosion d'étoile massive, ou supernova. Une observation importante qui soulève aussi de nouvelles questions. Explications avec Eric Gourgoulhon, astrophysicien à l'Observatoire de Meudon.

Par Viviane Thivent, le 27/05/2008

Quand le hasard s’en mêle

Le 9 janvier 2008, une étoile explose sous l'œil du télescope spatial Swift.

C'est l'histoire d'un coup de bol. D'un télescope pointé au bon endroit, au bon moment. Une équipe internationale s'était mise en tête d'examiner les restes d'une explosion d'étoile massive. Une supernova nommée SN 2007uy et perdue dans la galaxie NGC 2770, à quelque 90 millions d'années-lumière de la Terre. Et pour répondre à cette demande, les astronomes ont orienté le télescope spatial Swift en direction de la constellation du Lynx. Un exercice de routine qui, le 9 janvier dernier, a tourné en première mondiale.

Car, ce jour-là, à 13h34 précises (Temps universel), un jet de rayons X, aussi colossal que furtif, est apparu dans la fenêtre d'observation de Swift. À l'arrière de SN 2007uy, une étoile massive venait d'exploser. Sans le vouloir, les astronomes venaient d'observer la naissance d'une supernova.

A. Soderberg et al., Nature du 22 mai 2008

Pourquoi certaines étoiles explosent et d’autres non ?

À cause de leur masse... Seules les étoiles dix fois plus massives que le Soleil finissent leur vie en beauté, par une explosion cataclysmique ou supernova. Cette animation vous permettra de comprendre pourquoi.

Une onde de choc en guise d’accouchement

« Ce sursaut X était prévu par les modèles, explique Eric Gourgoulhon, astrophysicien à l'Observatoire de Meudon. Mais nul n'était parvenu à l'observer. » Et pour cause : il ne dure que quelques minutes – 400 secondes dans le cas de cette supernova baptisée SN 2008D. D'où vient-il ? D'une onde de choc.

En effet, d'après la théorie, à la fin de sa vie, une étoile massive – c'est-à-dire environ dix fois plus grosse que le Soleil – ne libère plus assez d'énergie pour lutter contre la force gravitationnelle. Résultat : son noyau, essentiellement composé de fer, s'effondre d'un coup sur lui-même, ce qui crée une onde de choc violente, qui se propage dans toute l'étoile : c'est l'explosion, la supernova. « Le sursaut X observé par le télescope Swift est l'onde de choc produite par l'explosion du noyau », reprend Eric Gourgoulhon.

Au-delà du faire-part

« Cette observation donne accès à de nouvelles données, comme par exemple la vitesse de rotation du noyau de l'étoile au moment de l'explosion, continue Eric Gourgoulhon. Mais elle pose aussi de nouvelles questions ». Et non des moindres. En effet, toujours d'après les modèles, juste après le rayonnement X, les supernovae sont censées produire un sursaut gamma. « Les rayons X résultent de l'onde de choc. Les rayons gamma, quant à eux, sont produits par la matière qui est expulsée par la supernova, à une vitesse proche de celle de la lumière. »

Or, si des rayonnements gamma ont déjà été observés dans le passé sur d'autres supernovae, aucun jet de ce type n'a été repéré pour le cas de SN 2008D. Un curieux paradoxe. « Il est possible qu'il existe non pas une, mais deux classes de supernovae, commente le chercheur. Les unes n'émettraient qu'en X et les autres, en X et en gamma. » D'autres observations seront nécessaires pour conclure.

Viviane Thivent le 27/05/2008