Ouragan Gustav : un air de déjà vu ?

Lundi 1er septembre, vers 14 heures, Gustav, vu au moment de sa formation comme le premier ouragan majeur depuis Katrina, a touché La Nouvelle-Orléans. Il a fait au moins 66 morts dans les Caraïbes.

Par Viviane Thivent, le 01/09/2008

Une ville avertie devient une cité fantôme

Une photo satellitaire de Gustav prise le 31 août 2008

« Si vous choisissez de rester, assurez-vous d'avoir une hache, parce que vous devrez vous ouvrir un chemin jusqu'à votre toit », a déclaré dimanche 31 août le maire de La Nouvelle-Orléans, Ray Nagin. Pour lui, les choses sont claires : le seul moyen d'éviter le désastre est d'évacuer la totalité de la population. Une mise en garde prise très au sérieux par la population. D'après les différents reportages effectués sur place, la Nouvelle-Orléans est déserte, exception faite de quelques habitants barricadés ici et là dans le quartier français pour limiter les risques de pillage.

Un monstre aux pieds d’argile

Le trajet et la force de Gustav

Il y a quelques jours, Gustav avait tout pour devenir « l'ouragan du siècle », comme l'ont affirmé fin août les prévisionnistes du National Hurricane Center. Né au sud de l'île de Saint-Domingue, Gustav s'était intensifié de façon anormale, tant et si bien qu'on a cru qu'il se changerait en ouragan de catégorie 5, le degré maximal de l'échelle de Saffir-Simpson. Mais non. En passant au-dessus de Cuba, il a soudain perdu de sa force pour être rétrogradé au rang, plus commun, de tempête tropicale.

D'après Frank Roux du laboratoire d'aérologie de Toulouse, spécialiste des cyclones, « cette baisse de régime s'explique au moins par deux facteurs. D'abord, dans le Golfe du Mexique, Gustav a longé une région où se rencontrent des masses d'eaux « froides » (25°C) et chaudes (30°C). De fait, il s'est moins intensifié que prévu. » A titre de comparaison, en traversant ce même golfe en 2005, Katrina n'avait survolé que des eaux à 30°C. Or, plus une eau est chaude, plus elle alimente la perturbation. Katrina était passée alors en catégorie 5 avant de redescendre en catégorie 4 avant de toucher la Nouvelle-Orléans. « Ensuite, il semble que la présence d'une perturbation d'altitude (des vents de cisaillement à 10-12 kilomètres d'altitude, au-dessus du Mexique) ait gêné la formation de Gustav ». L'un dans l'autre, Gustav n'est pas devenu le monstre annoncé. Deux fois plus petit en diamètre que Katrina (qui faisait 1 000 kilomètres de large), il s'apprête maintenant à toucher la Louisiane sous la forme d'un ouragan de catégorie 3 (vents à 180 km/h, rafales à 220 km/h).

Fallait-il évacuer la Nouvelle-Orléans ?

Alors, a-t-on crié au loup un peu vite ? Fallait-il vraiment évacuer la ville ? « Sans l'ombre d'un doute, insiste avec force Frank Roux. D'abord, parce que Gustav peut encore repasser en catégorie 4. Ensuite, parce que même si les travaux d'élévation des digues ont été dûment effectués, des scénarios catastrophes ne peuvent être exclus. » On se souvient ainsi que l'une des raisons qui avait conduit au désastre de 2005 était que les vents de Katrina avaient littéralement poussé les eaux du lac Ponchartrain dans la ville.

« De plus, cette évacuation correspond à une procédure d'urgence standard en cas d'ouragan, reprend Frank Roux. Elle a été particulièrement suivie cette fois-ci parce que Gustav est le premier ouragan important depuis Katrina. » Mais qu'en sera-t-il pour les prochains ? D'après les prévisionnistes de l'université du Colorado, l'année 2008 pourrait avoir une activité cyclonique supérieure à la normale : environ 15 ouragans sont attendus dans le Golfe du Mexique, contre 12 en moyenne. A mi-parcours (fin de la saison cyclonique vers le 15 octobre), 8 se sont d'ores et déjà formés. « Pour cette année, il ne devrait pas y avoir de problèmes, conclut Frank Roux. Le souvenir d'événements aussi destructeurs que Katrina perdure, en général, au moins dix ans dans les mémoires. Ce n'est qu'ensuite, lorsque les populations oublient et cessent de suivre les procédures d'évacuation, que le risque véritable réapparaît. »

Viviane Thivent le 01/09/2008