Paléontologie : Sur les traces des dinosaures

Deux promeneurs ont découvert à Plagne, près de Lyon, les plus grandes empreintes de dinosaures connues au monde. Une trouvaille qui ne doit rien au hasard.

Par Paloma Bertrand, le 13/10/2009

Bingo !

La découverte. Interview de Patrice Landry.

Patrice Landry et Marie-Hélène Marcaud, membres de la société des naturalistes d'Oyonnax, parcourent la campagne depuis plus d'une dizaine d'années à la recherche de traces de dinosaures. Et le 5 avril dernier, Marie-Hélène Marcaud distingue, parmi les gravillons d'un chemin, un renflement qui l'intrigue. Pelles et pioches en main, ils mettent à nu 20 minutes plus tard, ce que deux professeurs du CNRS, Jean-Michel Mazin et Pierre Hantzpergue, ont authentifié début octobre comme les plus grandes empreintes de dinosaures découvertes à ce jour. Derrière la première trace qui mesure 2 mètres sur 1,60 mètre, d'autres suivent. Pied droit, pied gauche, la piste ou plutôt les pistes se dessinent. En quelques mois, une centaine d'empreintes refont surface.

D’une promenade à l’autre

Paysage du jurassique avec un sauropode au premier plan. Interview de Jean-Michel Mazin.

Ces empreintes appartiennent à des sauropodes, les plus imposants des dinosaures, qui foulèrent cette terre du massif du Jura il y a 150 millions d'années. A cette époque, les montagnes ne s'étaient pas encore dressées, le climat était tropical, la mer affleurait, l'atmosphère était chaude et sèche. Et un petit groupe de sauropodes déambulait sur un sol assez boueux pour que les mastodontes y déposent leurs traces sans s'y enliser.

Un extraordinaire concours de circonstances fut nécessaire pour que ces traces parviennent intactes jusqu'aux deux promeneurs. Ce que confirme Pierre Hantzpergue sur le site quebecois Ledevoir.com : « Il a fallu que cette vase sèche rapidement avant que les empreintes ne soient déformées. Qu'elles soient ensuite immergées, que des couches de sédiments viennent les protéger. Il s'en accumulera plusieurs centaines de mètres. » La formation des Alpes et du Jura modifièrent ensuite le relief – le chemin emprunté par nos marcheurs est pentu –, puis l'érosion commença son œuvre, grattant la couche de sédiments ni trop ni trop peu, pour que Patrice Landry et Marie-Hélène Marcaud les remarquent un dimanche enneigé d'avril 2009. « L'érosion s'est arrêtée à 20 cm. Une sorte de miracle » selon Pierre Hantzpergue.

Une idée fixe, presque une obsession

Les traces sur le chemin.

Cette découverte par la société des naturalistes d'Oyonnax n'est pas un hasard. C'est à l'occasion d'un chantier routier de contournement de la ville d'Oyonnax en 1997 que leur attention est attirée par des traces qui leur semblent être celles de dinosaures mais les spécialistes, eux, restent sceptiques. Aucune empreinte n'a encore jamais été trouvée dans la région. En 2003, Patrice Landry et son ami Christian Gourrat partent en Bolivie, sur le site de Cal Orko, observer d'authentiques pistes de dinosaures. Leur regard s'est aiguisé, leur obstination n'est en rien émoussée, et quelques mois plus tard, leur curiosité est récompensée : en avril 2004, Christian Gourrat entrevoit dans un talus des reliefs et met au jour le premier grand site français de traces de sauropodes. D'autres découvertes s'enchaînent. Et l'équipe du Laboratoire de paléoenvironnements et paléobiosphères de Lyon (CNRS - université de Lyon 1) est à plusieurs reprises mise à contribution.

Quand les scientifiques prennent la main...

Un hectare à défricher. Interview de J.-M. Mazin.

Il appartient désormais aux scientifiques d'investiguer le site de Plagne. L'entreprise est de taille. Seuls 1000 m² des dix hectares susceptibles de porter des empreintes ont été défrichés. « Lors des sondages qui ont été faits pendant l'été, on arrive à défricher de 1 à 2 m² par jour et par personne et il y a 10 000 m² de terre et d'arbustes à ôter sur ce site », s'inquiète Jean-Michel Mazin. Autant dire que cela va prendre du temps et nécessiter des moyens. « L'heure est à la négociation pour réunir les forces matérielles et financières. Si tout va bien, poursuit-il, les fouilles pourraient débuter en juillet 2010 » sur ce qui est pressenti comme le plus grand site de traces de sauropodes au monde.

Pour avoir scruté avec attention les traces déjà dévoilées qu'il juge exceptionnelles, Jean-Michel Mazin estime qu'elles devraient éclairer d'un jour nouveau certains comportements des sauropodes. Mais les premières conclusions n'arriveront pas avant quelques mois. Une paille comparée aux 150 millions d'années qui nous séparent de ces herbivores quadrupèdes de 30 à 40 tonnes qui furent les plus gros animaux à avoir foulé le sol de la planète.


Afficher La piste des dinosaures. sur une carte plus grande

Paloma Bertrand le 13/10/2009