Égyptologie : quand l’ADN de Toutankhamon refait l’histoire...

Après avoir analysé l'ADN du pharaon le plus célèbre du monde, des chercheurs égyptiens viennent de revoir son arbre généalogique. Des résultats à prendre néanmoins avec prudence.

Par Romain Lejeune, le 18/02/2010

La mère était la sœur

Le nouvel arbre généalogique de Toutankhamon

3300 ans après sa mort, l'enfant roi livre de nouveaux secrets. De septembre 2007 à octobre 2009, seize momies royales, qui ont vécu de -1550 à -1324, ont été soumises à des tests ADN et à des analyses radiographiques. À partir de cette étude, l'équipe dirigée par Zahi Hawass, secrétaire général des antiquités égyptiennes au Caire, vient de redéfinir la filiation la plus controversée de l'histoire égyptienne.

« On ne s'attendait pas aux résultats publiés dans le Journal of the American Medical Association. » Pour Marc Gabolde, égyptologue et maître de conférence à l'université Montpellier III, la surprise est de taille : si Akhenaton est bien le père de Toutankhamon, comme le pensaient de nombreux spécialistes, la révélation vient du côté de sa mère, qui n'est pas Néfertiti.

Marc Gabolde : la nouvelle filiation de Toutankhamon

« Moi-même je croyais que Toutankhamon était le fils de Néfertiti, explique Marc Gabolde, mais on sait désormais qu'il est né d'une union entre Akhenaton et l'une de ses quatre sœurs. » Zahi Hawass a expliqué, lors d'une conférence de presse au Musée égyptien du Caire, qu'il se pouvait qu'un roi épouse sa sœur ou sa fille, « une coutume qui s'appliquait seulement aux rois et aux reines », a-t-il précisé.

Les chercheurs vont désormais se concentrer sur la momie KV35, communément appelée « Young Lady » (Jeune Dame), et qui vient d'être identifiée comme la mère de Toutankhamon.

Autre révélation : l'étude a permis de déterminer les causes du décès du jeune Toutankhamon à l'âge de 19 ans. Des gènes spécifiques du parasite du paludisme (Plasmodium falciparum) ont été retrouvés dans l'ADN de sa momie, tout comme une anomalie osseuse (maladie de Köhler). Ces résultats font penser aux chercheurs que cette maladie des os associée à l'infection paludéenne est la cause la plus vraisemblable de la mort prématurée du jeune pharaon.

L’ADN ancien, une valeur sûre ?

Catherine Hänni : l'étude délicate de l'ADN ancien

Lorsqu'un chercheur analyse un ADN ancien, il étudie des gènes qui ont subi les agressions du temps et de l'environnement. Dans le cas présent, les momies étudiées ont peuvent avoir été contaminées par des contacts extérieurs. 

La contamination exogène de l'ADN est l'un des obstacles principaux dans ce type d'analyse. Pour pallier ce risque, le chercheur doit travailler dans des laboratoires confinés, stériles, et équipés d'un système de surpression.

« Il reste encore des expériences à faire avant d'être sûr de la fiabilité de ces résultats... »

En ce qui concerne l'analyse de l'ADN de Toutankhamon, Catherine Hänni, directrice du laboratoire « paléogénétique et évolution moléculaire » de l'ENS de Lyon, précise qu'il faut lire l'article publié dans la revue américaine le 17 février 2010, avec prudence. « Tout le monde sait que ces momies ont été manipulées par beaucoup de monde, explique-t-elle, pour cette raison, et sans remettre en doute le sérieux de ces travaux, j'aurais aimé trouver dans la publication des arguments supplémentaires permettant de réellement valider les méthodes employées lors des analyses génétiques. »

Romain Lejeune le 18/02/2010