Pollution : marée noire dans le golfe du Mexique

Le 20 avril, la plateforme pétrolière Deepwater Horizon explose au large de la Louisiane. Depuis, les États-Unis sont confrontés à l'une des plus graves marées noires de tous les temps.

Par Romain Lejeune, le 07/06/2010

Quand tout a explosé

Jean Guesnon, Institut français du pétrole.

On la connaissait pour un record, celui d'avoir foré, le 2 septembre 2009, à plus de 10 kilomètres de profondeur. Mais depuis le 20 avril, c'est pour une raison beaucoup plus grave que la plateforme pétrolière Deepwater Horizon fait la une des journaux. En explosant au large du golfe du Mexique, la plateforme déverse chaque jour l'équivalent de 5000 barils de pétrole (800 000 litres) et menace les côtes de quatre États : la Louisiane, le Mississippi, l'Alabama et la Floride. « Normalement, dans un forage, le puits est sous contrôle, explique Jean Guesnon, directeur expert pour les technologies offshore à l'Institut français du pétrole. Mais suite à un dysfonctionnement, les fluides n'ont pas pu être contenus. Résultat : ils ont envahi le puits et se sont répandus à l'extérieur. »

Empêcher la propagation du pétrole

Fin avril, trois fuites ont été localisées. Seule la plus petite a pu être colmatée le 5 mai. Pour contenir le pétrole qui continue à se répandre à proximité des côtes américaines, diverses méthodes ont été à ce jour appliquées. Les ingénieurs ont, par exemple, tenté de brûler le pétrole à même la mer, une méthode abandonnée car générant des hydrocarbures pouvant provoquer une pollution atmosphérique.

Comment contenir le pétrole? Jean Guesnon

Le 7 mai, les ingénieurs ont tenté d'installer un dôme de confinement censé contenir près de 85% du pétrole s'échappant du puits : l'or noir devait alors être transvasé dans un pétrolier en surface, après la mise en place d'un conduit reliant la zone de fuite au bateau. La méthode s'est soldée par un échec et les ingénieurs de BP ont dû retirer le dôme en raison de la formation de cristaux similaires à de la glace.

Ces cristaux qui ont repoussé l’échéance

La marée noire s'est étendue le long des côtes américaines

À pratiquement deux kilomètres sous la mer, confronté à des conditions de forte pression et de basse température, le gaz qui s'échappe en même temps que le pétrole forme au contact de l'eau des hydrates de méthane, sous forme de cristaux de glace. Ces cristaux hautement inflammables ont aussi pour effet de boucher les conduits et d'empêcher le pompage du pétrole. Pour le moment, près de huit millions de litres d'un mélange constitué de 10% de pétrole et le reste d'eau ont été pompés, quelque 258 km de barrages flottants antipollution ont été déployés, tandis qu'un million de litres de produits chimiques ont été largués sur les nappes pour disperser le pétrole à la surface de l'eau.

Aujourd'hui, les efforts se poursuivent et les experts cherchent de nouvelles solutions. L'une d'entre elles serait d'injecter de la boue, du ciment et d'autres matériaux dans la valve de sécurité du puits de pétrole. Cette opération pourrait cependant prendre de deux à trois semaines.

Les plus grandes marées noires de l'histoire

16 mars 1978 - France. Le naufrage du supertanker libérien Amoco Cadiz provoque la fuite de 230.000 tonnes de brut sur environ 400 km de côtes françaises au large du Finistère. Les dégâts sur le littoral et la faune sont immenses.

3 juin 1979 - Golfe du Mexique. Après l'explosion du puits de pétrole mexicain Ixtoc One, un million de tonnes de pétrole se déversent dans le golfe du Mexique, provoquant l'une des plus grandes marées noires de l'histoire. Plus de neuf mois de travail sont nécessaires pour juguler la fuite.

24 mars 1989 - Etats-Unis. Le pétrolier américain Exxon Valdez heurte un récif dans la baie du Prince William, en Alaska, et répand 38.800 tonnes de pétrole. C'est la pire marée noire de l'histoire des États-Unis. Environ 1.300 kilomètres de côtes sont pollués. Selon une étude de l'université de l'Alaska, seul un quart de la faune sous-marine a survécu.

Janvier 1991 - Arabie Saoudite. Un million de tonnes de pétrole brut échappé des réservoirs des tankers en rade, de terminaux et de puits off-shore sabotés, se répandent dans le Golfe à la suite du déclenchement de la guerre contre l'occupation du Koweït par l'Irak. Plus de 500 kilomètres de côtes sont pollués.

Août-Octobre 1994 - Russie. Entre 14.000 et 60.000 tonnes de pétrole, selon Moscou, s'échappent d'un oléoduc et se répandent dans la toundra et les rivières, polluant plusieurs dizaines de kilomètres carrés dans la province de Komi, à hauteur du cercle polaire arctique. L'organisation écologiste Greenpeace avance le chiffre de 280.000 tonnes de pétrole.

16 février 1996 - Royaume-Uni. Le pétrolier libérien Sea Empress fait naufrage au large des côtes sud du Pays de Galles. Environ 147.000 tonnes de brut s'échappent de ses réservoirs.

12 décembre 1999 - France. Le pétrolier maltais Erika se brise en deux avant de couler au large des côtes bretonnes. Quelque 20.000 tonnes de fioul se déversent, polluant 400 kilomètres de littoral et mazoutant plus de 150.000 oiseaux.

19 novembre 2002 - Espagne. Le pétrolier libérien Prestige coule au large de la Galice. Plus de 50.000 tonnes d'hydrocarbures s'échappent et polluent les côtes atlantiques espagnoles sur des milliers de kilomètres. Les côtes françaises et portugaises seront touchées dans une moindre mesure.

Source : AFP

Romain Lejeune le 07/06/2010