Marée noire dans le golfe du Mexique : un sauvetage inabouti

Le groupe pétrolier britannique British Petroleum (BP) tente, avec beaucoup de difficultés, de maîtriser la marée noire exceptionnelle qui a touché les côtes du sud des États-Unis.

Par Romain Lejeune, le 09/08/2010

Stopper la fuite de Deepwater Horizon

Le 7 mai, première tentative de colmatage de la fuite du puits

Depuis le premier échec, le 7 mai dernier, de l'installation d'un dôme de confinement censé contenir la quasi-totalité du pétrole écoulé depuis l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon, BP tente par différents moyens de maîtriser la plus grave marée noire de l'histoire des Etats Unis. D'entonnoir en couvercle, de cloche en pompe, toutes les tentatives ont jusqu'ici échoué.

La nuit du 15 au 16 mai est pourtant marquée par l'annonce d'un premier succès : grâce à un tube inséré dans le puits, BP explique que du pétrole a été pour la première fois aspiré et stocké à bord d'un navire se trouvant à 1 500 mètres au-dessus du plancher océanique. Le 24 mai, le groupe britannique déclare avoir pompé entre 1.360 et 3.000 barils par jour, soit entre 216.000 et 477.000 litres. Un pompage toutefois insuffisant face à l'ampleur des fuites : quotidiennement, l'équivalent de 70.000 barils s'écoule dans le golfe du Mexique.

De «Top kill» à «Top hat»

Le 26 mai, les ingénieurs du groupe décident de cimenter le puits de pétrole à l'origine de la marée noire. Baptisée «Top kill», cette opération consiste à injecter depuis un bateau une solution faite d'eau, de matières solides et d'un minerai (le barite), dans deux conduits qui mènent à la valve d'où s'échappent le pétrole et le gaz, puis de sceller le puits avec du ciment. La boue ne semblant pas suffire, BP décide d'y ajouter des morceaux de pneus, des balles de golf, et différents matériaux : nom de l'opération, «Junk shot».

La marée noire s'est étendue le long des côtes américaines

Mais le 29 mai, BP annonce l'échec de cette démarche de colmatage : la boue ainsi que les différents objets injectés dans l'excavation ne peuvent rivaliser avec la pression du gaz qui s'échappe du puits. Le 3 juin, un «entonnoir» comportant 4 soupapes – qui doivent éviter la formation de cristaux à l'intérieur du dispositif, formés par le gaz qui s'échappe en même temps que le pétrole – est installé à 1.500 mètres sous la surface de l'eau pour capter la majeure partie du pétrole qui s'échappe du puits, avant de le rediriger vers un bateau de récupération à la surface.

L'entonnoir permet de pomper environ 25.000 barils de pétrole toutes les 24 heures. Mais une vingtaine de jours plus tard une fuite de gaz condamne le groupe à retirer cet entonnoir pendant quelques heures. Le 12 juillet, BP décide de remplacer l'entonnoir par un dôme de confinement plus performant (opération «Top hat»). Le 15 juillet, BP annonce que le puits qui fuyait depuis l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, le 20 avril, est temporairement colmaté.

Opération «Static Kill» à la rescousse

Douze semaines de marée noire

Cependant, le 19 juillet, les ingénieurs détectent une nouvelle fuite de pétrole souterraine à 3 kilomètres du puits endommagé. Des fuites qui font craindre que la pression induite par ce «capuchon géant» n'ait causé des brèches dans le sol marin, laissant s'écouler encore plus de pétrole. Mais cette hypothèse est finalement écartée. BP réalise alors des tests visant à repérer l'éventuelle présence d'autres fuites qui compromettraient la sécurité du dispositif. Le groupe britannique souhaite par ailleurs que ce dôme de confinement reste en service jusqu'à l'achèvement, en août, de deux puits secondaires de dérivation, seul dispositif capable, selon les ingénieurs, d'enrayer définitivement la marée noire.

Or, ce dôme de confinement n'était prévu à l'origine que pour un test de 48 heures, prolongeable par tranches de 24 heures suivant les relevés de pression. Le 21 juillet, alors que le dôme de confinement est prolongé jour après jour, un nouveau projet est discuté au sein de BP. Intitulé Static kill, cette nouvelle approche consiste à injecter une solution faite d'eau et de matières solides, puis à sceller définitivement le puits avec du ciment, à la manière de l'opération Top kill, qui avait échoué fin mai. Le groupe britannique estime que les chances de réussite sont, cette fois, plus élevées que lors de l'essai précédent, car le pétrole a cessé de s'écouler. Dès lors, la solution injectée n'aura pas à lutter contre la pression exercée par un mélange de pétrole et de gaz.

Des centaines de kilomètres de côtes touchées

Mi-juillet, l'Agence internationale de l'énergie annonce qu'entre 2,3 et 4,5 millions de barils de pétrole ont été déversés dans les eaux du golfe du Mexique, soit l'équivalent de 365 à 715 millions de litres. Pour les zones principalement touchées (la Louisiane, le Mississippi, l'Alabama, la Floride, et depuis début juillet le Texas), dont les habitants vivent en grande partie de la pêche et du tourisme, cette marée noire pourrait causer des dommages irréversibles : en tout, 700 km de côtes sont concernées.

Il est encore trop tôt pour évaluer précisément les dommages causés sur la faune environnante. Toutefois, plusieurs dizaines de kilomètres de mangrove devraient disparaître, mais aussi des milliers de crustacés et de poissons, principales sources de nourriture pour les oiseaux migrateurs de la région.

Afin de limiter les dégâts, plusieurs dizaines de kilomètres de barrages flottants sont déployés sur les côtes touchées, et de nombreux produits chimiques dispersants sont disséminés dans les eaux souillées. Par ailleurs, le Service américain de la pêche et de la vie sauvage (US Fish and wildlife service-USFWS) a coordonné un plan de sauvetage animalier début juillet, afin de récupérer 70.000 oeufs de tortues marines, localisés dans environ 800 nids enterrés dans le sable, de l'ouest de la Floride aux côtes de l'Alabama. Environ 50.000 éclosions étaient attendues d'ici la fin du mois de juillet.
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Jeudi 5 août, BP a annoncé avoir terminé la cimentation du puits de pétrole à l'origine de la marée noire. Cette opération, dans le cadre de la procédure Static kill, a duré cinq heures. Après avoir repoussé le pétrole au fond du puits grâce à l'injection de boue de forage, du ciment a été injecté. Selon BP, la fuite du pétrole est désormais stoppée. Cependant, pour vérifier le succès de cette cimentation, une autre opération est prévue mi-août. Intitulée Bottom kill, elle consistera à mettre en place deux puits de dérivation aux abords du puits cimenté.

Romain Lejeune le 09/08/2010