Espèces protégées : quelles mesures nouvelles ?

Lors de la 12e conférence Cites* qui s’est tenue à Santiago, au Chili, cent nouvelles espèces animales ou végétales ont été ajoutées à la liste des espèces déjà protégées, et ce en dépit de fortes pressions politiques. La prochaine session de cette conférence aura lieu à Bangkok, en Thaïlande, en octobre 2004.
* La Cites, ou convention de Washington, régit le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction.

Par Vincent Colas, le 20/01/2003

L’acajou enfin protégé

Acajou d'Amérique

Malgré l’opposition du Brésil (premier exportateur du monde) et du Nicaragua, l’acajou d’Amérique, Swietenia macrophylla, qui joue un rôle essentiel dans l’écosystème des forêts tropicales, vient d’être ajouté à la liste des espèces encourant un sérieux risque d’extinction et dont le commerce doit être contrôlé (Annexe II de la réglementation commerciale internationale).

Il aura fallu attendre 1992 pour que la Cites (Convention on International Trade of Endangered Species of World Fauna and Flora) commence à examiner la situation des bois menacés par une exploitation intensive. Plusieurs pays, en général les gros producteurs de bois, ont toujours été farouchement opposés à l’exploitation « durable » de certaines espèces. Ainsi, en 1994, la Malaisie, soutenue par l’Indonésie, avait-elle rejeté une proposition néerlandaise de protection du ramin, Gonystylus bancanus, un bois exotique. Ces deux pays s’étaient en effet déjà engagés dans la coupe intensive du ramin pour récupérer des terres cultivables.

En savoir plus sur la Cites...

Cites

Le commerce illicite d’animaux et de plantes sauvages fait partie du deuxième groupe de fraude mondiale – avec les contrefaçons, la fausse monnaie et les cigarettes, juste après la drogue et les armes. Il est réglementé par la Cites (Convention on International Trade of Endangered Species of World Fauna and Flora) ou Convention de Washington, qui réunit tous les deux ou trois ans ses pays membres (au nombre de 163 depuis le 27 juin 2003, le plus récent adhérent étant l’Albanie) pour examiner de nouvelles propositions destinées à gérer un marché lucratif, allant des baleines aux orchidées en passant par les pandas, les éléphants, les hippocampes , les reptiles ou encore l’acajou. Une régulation impérative puisque selon les experts de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), « le taux d'extinction des espèces est 1 000 à 10 000 fois supérieur à ce qu'il serait naturellement ».

Réglementation commerciale


La Cites ou convention de Washington signée en 1973 est un outil de réglementation commerciale qui classe les différents animaux ou végétaux en fonction du danger que leur vente ferait peser sur leur survie. L’annexe I concerne les espèces menacées d’extinction. Leur commerce est interdit, sauf en cas de dérogation pour la recherche scientifique, par exemple. Il s’agit notamment des grands singes, des pandas géants, des rhinocéros, des grandes baleines, des grands félins, de nombreux rapaces, des grues, des faisans, des perroquets, des tortues marines, certaines espèces de crocodiles, des tortues, des lézards, des salamandres géantes, des cœlacanthes, des coquillages, des cactus, des orchidées… soit 890 espèces dont 511 espèces animales. L’annexe II concerne les espèces encourant un sérieux risque d’extinction. Leur commerce est contrôlé : un permis est établi pour la vente de chaque spécimen. Il s’agit de tous les primates, félins, cétacés, loutres, rapaces, tortues, crocodiles ne figurant pas à l’annexe I et cigognes noires, ours bruns, flamants, certaines espèces de papillons, coraux, bénitiers… soit 29 111 espèces dont 25 000 espèces végétales. L'annexe III est la liste des espèces inscrites à la demande d'une Partie qui en réglemente déjà le commerce et qui a besoin de la coopération des autres Parties pour en empêcher l'exploitation illégale ou non durable. Le commerce international des spécimens des espèces inscrites à cette annexe (241 espèces dont 224 espèces animales) n'est autorisé que sur présentation des permis ou certificats appropriés.

Ludovic Frère, chargé de la campagne Forêts à Greenpeace France...



Peut-on crier victoire maintenant que
l'acajou d'Amérique est protégé ?

 

Pression japonaise sur la baleine

Baleine de Minke

Lors de cette 12e conférence Cites, le Japon a vu refuser sa demande de commercialisation de produits à base de rorqual de Bryde et de rorqual Minke de l’hémisphère Nord, espèces protégées ; ce qui ne l’empêche pas, par ailleurs, de faire pression pour lever le moratoire sur la chasse commerciale de la baleine, voire, selon certains, de pratiquer une chasse déguisée (voir le site de Greenpeace).

Si le Japon continue de chasser la baleine, ce serait pour des raisons scientifiques... C’est en tout cas la justification qu’il donne depuis l’entrée en vigueur du moratoire en 1986. Ainsi, cinq baleiniers ont quitté le 9 novembre 2002 le port de Shimonoseki pour six mois de recherche scientifique dans l’Antarctique. Leur mission : capturer quatre cents petits rorquals pour étudier leur taux de mortalité naturelle, leur impact dans l’écosystème marin, les conséquences de la pollution sur leurs organes internes… Pour financer ces recherches, l’Institut japonais de recherche sur les cétacés revend la viande de baleine. Un procédé efficace pour contourner la législation et commercialiser ce mets traditionnel...

Depuis la réunion de la Cites, la pression sur les baleines s’est encore accrue. Outre la Norvège, qui n’a jamais cessé de chasser ce cétacé, un nouveau pays prédateur s’est déclaré : l’Islande a repris la chasse mi-août 2003, après un moratoire de 14 ans durant lequel s’étaient développées des activités touristiques rentables autour de l’observation des baleines dans leur milieu naturel. .

Vincent Ridoux, représentant scientifique français à la Commission baleinière internationale



Le Japon fait-il de la chasse à la baleine
sous couvert de recherche scientifique ?

Reprise partielle du commerce de l’ivoire

Confiscation de défenses d'éléphants et de cornes de rhinocéros à l'aéroport d'Amsterdam

La Cites 2002 a autorisé l’Afrique du Sud, le Botswana et la Namibie à écouler leurs stocks d’ivoire. Soit respectivement 30, 20 et 10 tonnes provenant d’éléphants morts de cause naturelle, amassées depuis l’interdiction du commerce de l’ivoire en 1989. Le Zimbabwe (10 tonnes) et la Zambie (17 tonnes) ont vu leur demande rejetée à cause de leur incapacité à respecter les conditions de la Cites et à contrôler leur marché intérieur.

Les ventes ne s’effectueront pas avant mai 2004, le temps pour la Cites de vérifier et d’enregistrer les stocks. Si jamais le braconnage augmente dans d’autres pays d’Afrique ou si les pays bénéficiaires ne respectent pas leurs engagements, les ventes seront suspendues. Une seule autorisation de déstockage a été accordée après l’interdiction totale du commerce de l’ivoire : c’était en 1997, le Botswana , la Namibie et le Zimbabwe avaient été autorisés à vendre leurs stocks au Japon.

Stéphane Ringuet, chargé de mission sur Traffic* au WWF France



La possibilité d’une reprise partielle
du commerce de l’ivoire risque-t-elle
d’entraîner une recrudescence du braconnage ?

* Traffic est un programme commun du WWF (World Wide Fund) et de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) qui veille à ce que le commerce des espèces sauvages ne menace pas leur état de conservation.

Les autres décisions

Les requins pèlerins, les requins baleines (recherchés notamment pour leur huile de foie), les grands félins d’Asie (chassés essentiellement pour leur fourrure), 26 espèces de tortues ou encore 32 espèces d’hippocampes sont désormais classés parmi les espèces dont le commerce doit être contrôlé. Le pin du Chili, quant à lui, ne peut plus être commercialisé.

Parmi les décisions prises lors de la Cites 2002, on peut également noter l’adoption d’une résolution pour inciter les États qui hébergent des léopards, des léopards des neiges et des panthères nébuleuses à conclure des accords régionaux afin d’améliorer la conservation et la gestion de ces trois espèces.

François Rivasseau, porte parole du quai d'Orsay



Quel bilan faites vous de la conférence Cites
qui s’est tenue à Santiago du Chili ?

Vincent Colas le 20/01/2003