Une planète extra-solaire qui s'évapore dans l'espace ?!

Pour la première fois, une énorme atmosphère d'hydrogène dense et chaude vient d'être découverte autour d'une planète extra-solaire. Celle-ci se tient si près de son étoile que son atmosphère, probablement soumise à une température de quelques milliers de degrés, s'évapore…

Par Frédéric Guérin, le 17/03/2003

La planète HD209458b passe devant son étoile. Vue d'artiste.

« Notre avancée ne bouscule pas complètement les “a priori" mais elle place dans une nouvelle perspective la quête des autres mondes, extérieurs à notre Système solaire.» Astronome à l'institut d'astrophysique de Paris, Alain Lecavelier des Etangs commente ainsi la découverte qu'il vient de publier avec Alfred Vidal-Madjar et cinq collaborateurs dans la revue internationale Nature (édition du 13 mars 2003).

Au centre de toutes les attentions : l'étoile HD 209458, sosie de notre Soleil, et la planète de 0,7 fois la masse de Jupiter – HD 209458b – qui l'accompagne. « L'analyse des mesures disponibles a révélé que l'atmosphère d'hydrogène qui enrobe HD 209458b s'étend jusqu'à 200 000 kilomètres d'altitude, si haut que l'astre concerné semble trois fois plus gros que prévu! », s'enthousiasme Alfred Vidal-Madjar, vieux routier de la chasse aux exoplanètes.

Parmi les 105 planètes extra-solaires (ou exoplanètes) découvertes à ce jour, c'est la première fois qu'une atmosphère de gaz d'une telle étendue est observée. « C'est un résultat remarquable et stimulant » , estime Michel Mayor, directeur de l'observatoire de Genève et pionnier de la traque des planètes extra-solaires.

Question à Michel Mayor : quelles ambitions pour la suite de l'exploration ?

« Il nous faut comprendre le problème des ''Jupiters chauds''. Environ 15 % de la centaine de planètes recensées tournent très près de leur étoile. Comme si Jupiter dans notre Système solaire se tenait dix fois plus près du Soleil que Mercure. C'est inattendu. Et cet effet de migration interne n'a pas reçu d'explication satisfaisante. Nous aimerions cerner pourquoi les planètes extra-solaires se meuvent sur des orbites excentriques et pourquoi leurs étoiles sont riches en éléments lourds et en métaux.

Enfin, on ne passera pas à côté de la question des planètes similaires à celle qui nous héberge : la Terre. Pour le moment, les géantes gazeuses identifiées dans le cosmos ne leur ressemblent pas. Mais à l'avenir nul doute que l'attention va se focaliser sur des mondes plus accueillants susceptibles d'accueillir de l'eau ou la vie...
»

Comment les astronomes l’ont-ils vue ?

Simulation numérique de l'évaporation de la planète extra-solaire HD209458b

La planète HD 209458b, située très proche de son étoile (à moins de 7 millions de kilomètres alors que la Terre se trouve à 150 millions de kilomètres du Soleil), circule sur une orbite qui lui fait boucler une révolution en 3,5 jours. En outre, sa trajectoire est orientée de telle façon que, vue de la Terre, la planète coupe à chaque fois la ligne de visée.

C'est cette caractéristique très rare que les chercheurs français et leurs collègues de l'université d'Arizona et de l'observatoire de Genève ont exploitée. Les scientifiques se sont attachés à étudier la signature lumineuse du phénomène de mini-éclipses.

Régulièrement, pendant trois heures environ, la planète passe devant le disque brillant de HD 209458. Il s'ensuit une légère diminution de la quantité de rayonnement capté. Laquelle atténuation a été enregistrée à trois reprises – les 7-8 septembre, 14-15 septembre et 20 octobre 2001 – à l'aide du spectrographe ultraviolet STIS du télescope spatial Hubble. Résultat, l'ombre de la planète défilant devant son étoile est proprement gigantesque, preuve d'une énorme atmosphère d'hydrogène.

Questions à Jean Schneider, planétologue à l'observatoire de Paris...

Quelle est la portée de la découverte d'une grosse atmosphère autour de HD 209458b dans la constellation de Pégase ?

''La présence d'une importante atmosphère d'hydrogène autour de cet objet n'est pas une surprise. On s'en doutait. C'était une évidence. Prenons notre système solaire. Les quatre grosses planètes qui y résident – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – possèdent une structure analogue. Ce sont des planètes géantes qui supportent une enveloppe de gaz plus ou moins primordiale.''

Donc, si l'on vous suit, toutes les planètes extra-solaires détectées jusqu'ici doivent aussi présenter un profil similaire. Mais alors où est la nouveauté ?

''Ce n'est pas la même chose de prévoir un fait de par la pensée – le calcul, le raisonnement, la déduction – et de l'observer. Ici, Alfred Vidal-Madjar et son équipe ont détecté pour la première fois la signature d'une atmosphère de gaz étendue qui enrobe un monde lié à une autre étoile que celle qui nous réchauffe. Dès 1997, l'idée était dans l'air, j'avais moi-même prévu que des objets de ce type placés sur des orbites serrées autour de leur étoile devaient forcément subir un effet de gonflement. Une dilatation, voire une évaporation.''

Pourquoi ne pas avoir vérifié vous-même cette prédiction ?

''Avec Athéna Coustenis de l'observatoire de Meudon, Didier Queloz et Michel Mayor de l'observatoire de Genève, nous avons recherché l'atmosphère en évaporation de HD 209458b à l'aide du Very Large Telescope européen du Chili. Hélas, nous opérions depuis le sol. Nous nous focalisions sur un constituant secondaire – le méthane - qui est plus lourd. La bonne manière de procéder était avec le télescope spatial Hubble et de chercher l'hydrogène majoritaire.''

Quel enseignement pour l'avenir et quels débouchés ?

''La physique des atmosphères de planètes est confortée. A présent, il faut vérifier qu'elles possèdent une "structure en couches" similaire à celle de Jupiter ou de Saturne. Des mesures ultérieures permettront de mesurer le profil de température de la matière en fonction de son altitude. Les abondances des gaz chimiques minoritaires seront déterminées.''

L'atmosphère de la planète s'évapore

Vue d'artiste du gaz qui s'évapore sous la forme d'une queue de comète.

La planète HD 209458b flotte littéralement au-dessus des flammes de l'astre qui lui a donné naissance. Du coup, les effets de la proximité de l'étoile-mère se font sentir... Elle chauffe et irradie. La température à basse altitude atteint 1 300 °C. Plus haut, « le gaz s'échappe bien au-delà de la zone d'influence gravitationnelle. Les atomes d'hydrogène fuient à plus de 360 000 kilomètres/heure, poussés vers le vide spatial par le rayonnement de l'étoile. L'atmosphère de la planète s'évapore », conclut Alfred Vidal-Madjar.

Alain Lecavelier des Etangs estime que « l'atmosphère étendue se trouve lentement soufflée par le flot de chaudes radiations stellaires. Un modèle numérique simple montre que le gaz adopte alors une configuration en queue de comète et se disperse dans l'espace au rythme minimum de 10 000 tonnes par seconde. La planète perd doucement de la matière ». La question se pose de savoir si elle survivra à son astre du jour ou bien si sa masse se vaporise trop vite...

Auquel cas, HD 209458b achèverait son existence en objet dénaturé, supposé plus compact et chaud, d'un poids comparable à celui de Neptune. La formation puis l'évolution des planètes, à partir d'un disque de gaz et de poussière au voisinage d'une jeune étoile serait alors plus dynamique que ce que l'on croyait jusque-là.

Retombée secondaire de cette découverte : le « désert », c'est-à-dire le faible nombre d'objets détectés, à une distance inférieure à celle de HD 209458b ou OGLE 56b s'explique. De tels astres n'existent pas. Ou « fondent comme neige au Soleil » et se volatilisent dans les feux de l'enfer.

À lire également...

Sur le web :

Plus de cent planètes extra-solaires, et toujours pas de Terre en vue ?


Ouvrages :

“Sommes-nous seuls dans l'Univers“, A. Vidal Madjar / Hubert Reeves et coll. , Fayard, 2000

“Il pleut des planètes“, A. Vidal Madjar, Hachette Litterature, 1999

Frédéric Guérin le 17/03/2003