Réchauffement climatique : Moscou dit ''oui'' au protocole de Kyoto

Le 5 novembre 2004, la Russie a raifié le protocole de Kyoto. Ce texte, dont l'application permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre, peut désormais entrer en vigueur.

Par Marc Bertola, le 14/10/2004

Le protocole de Kyoto devient enfin réel

Rupture d’une immense plate-forme de glace de l’Arctique.

Après avoir créé la déception, lors de la Conférence internationale sur les changements climatiques qui s'était déroulée à Moscou à l'automne 2003, la Russie s'apprête à signer le protocole de Kyoto. Ce texte, élaboré en 1997, prévoit que les pays industriels devront réduire de 5 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2010, par rapport aux niveaux de 1990. Ces gaz sont considérés comme responsable du réchauffement de la planète. Problème : pour entrer en vigueur, le protocole de Kyoto doit être accepté par au moins 55 pays, totalisant 55 % des émissions de CO2 (le principal gaz à effet de serre). Pour l’instant, 119 pays ont donné leur feu vert, mais ils ne représentent que 44,2 % des émissions. Les États-Unis ayant refusé de signer, tous les espoirs reposaient sur la Russie, qui représente 17,4 % des émissions. Mais le président russe, Vladimir Poutine, préfère attendre, expliquant que son pays décidera « en fonction de ses intérêts nationaux »…

Point de repère : les gaz à effet de serre

Des gaz indispensables…

La Terre chauffée par les rayons du Soleil renvoie vers l'espace une partie de l'énergie reçue. Celle-ci peut être absorbée par la troposphère, qui s'élève à environ seize kilomètres, ce qui limite les pertes thermiques.
Cette faculté de réchauffement, la troposphère la doit à la présence naturelle de gaz absorbeurs de rayonnement infrarouge, dits « gaz à effet de serre ». Il s'agit, en particulier, de vapeur d’eau, de dioxyde de carbone (CO2) – rejeté notamment par les êtres vivants lorsqu'ils respirent et qui représente plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre – ou encore de méthane (CH4). Sans ces gaz, qui retiennent une partie de la chaleur émise par la surface de la Terre sous l'effet des rayons du Soleil, la température moyenne de la Terre avoisinerait les -18°C au lieu de + 15 °C ! L'effet de serre participe ainsi à l’équilibre thermique de la planète.

Mais ce phénomène naturel peut aussi conduire à un réchauffement de la planète si le mécanisme d'absorption est trop efficace et confine le système terrestre, comme cela se passe pour des plantes à l'abri des vitrages d'une serre.

… dans certaines limites !

Depuis quelques décennies, il ne fait plus aucun doute que les activités humaines viennent perturber un équilibre qui s’est maintenu durant des millions d’années. Elles entraînent, en effet, une augmentation de la concentration des gaz à effet de serre qui atteint aujourd’hui un seuil critique.

Mesuré de manière systématique depuis 1958, le taux de dioxyde de carbone est ainsi passé de 315 à 353 cm3 par m3 d’air en trente ans. L’analyse de l’air piégé dans les glaces polaires montre que cette augmentation remonte en réalité au début de l’ère industrielle.

Le CO2 est l’un des principaux gaz produit par l’utilisation des combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole) dans l’industrie et les transports. Pour satisfaire leurs besoins en énergie, les pays industrialisés rejettent jusqu’à vingt fois plus de CO2 que les pays en développement. La destruction systématique des forêts tropicales participe aussi à son élévation, et à plusieurs titres : par le dégagement de CO2 dans l'atmosphère lors des incendies, mais aussi parce que les végétaux détruits ne jouent plus leur rôle majeur d’absorption du carbone par photosynthèse.

Le méthane connaît lui aussi une augmentation : sa concentration a doublé depuis 200 ans et continue de s'élever au rythme de 1 % par an. Principale cause : l'augmentation des activités agricoles, avec l'accroissement du cheptel de ruminants et la multiplication des rizières. Une conséquence de la poussée démographique, la population mondiale étant passée, en un siècle, de 1,6 milliard d'habitants à plus 6 milliards aujourd'hui.

Un réchauffement alarmant

La température monte...

La Terre se réchauffe dangereusement. La température moyenne à la surface de la planète a augmenté d’environ 0,6°C pendant les 100 dernières années, selon le Groupement intergouvernemental pour l’évolution du climat (GIEC), un organisme qui réunit près de 4 000 chercheurs dans le monde. La décennie 90 est la plus chaude jamais mesurée (1998 détenant le record). En mai 2003, la température moyenne à la surface du globe a été la deuxième plus forte enregistrée depuis 1880. Selon le GIEC, la situation ne devrait pas s’améliorer dans les prochaines décennies : l’augmentation des températures entre 1990 et 2100 serait comprise entre 1,4 et 5,8 °C.

Point de repère : comment observe-t-on le climat ?

Pour observer le climat de la Terre, deux types de mesures sont effectuées en permanence.

- D'une part, des mesures locales qui consistent à évaluer – à partir d'appareils adaptés (baromètre, thermomètre...) et en des points précis de l'atmosphère –, des grandeurs physiques comme la température ou l'humidité ; il existe depuis plus d'un siècle, un réseau mondial de stations de mesures.

- D'autre part, des mesures plus globales qui visent à suivre et à comprendre les mouvements des masses d'air et des courants sur toute la planète ; elles sont possibles depuis vingt ans, grâce à des satellites géostationnaires (à 36 000 km d'altitude) spécialisés dans l'observation du temps.

Ces diverses mesures intéressent les organismes de prévision météorologique mais aussi les scientifiques qui, à partir des données recueillies sur le climat présent, tentent de comprendre le passé et de prévoir l'avenir des climats.

Pour les mesures locales, le réseau mondial de stations de mesures qui existe depuis plus d'un siècle dispose de 9 000 stations météorologiques et de 5 000 navires marchands qui récoltent toutes les six heures les données à la surface de la planète.

De nombreuses observations en altitude sont également effectuées au moyen de sondes emportées par des ballons. Ceux-ci, en raison de leur maniabilité et de leur faible coût sont très utilisés dans les campagnes de mesures locales des programmes scientifiques. En 1979, une grande campagne de mesures par ballons-sondes avait ainsi permis de comprendre les processus déclencheurs de la mousson localisés dans les mille premiers mètres de l'atmosphère.

Pour les phénomènes plus élevés dans l'atmosphère, il existe des satellites géostationnaires spécialisés dans l'observation du temps. Les satellites Météosat permettent, par exemple, d'observer la couverture nuageuse ou d'estimer la force et la nature des vents. Lancé en 1992, le satellite franco-américain Topex-Poseïdon mesure la hauteur du niveau de la mer (à quelques centimètres près) en 500 000 points du globe tous les dix jours. Il a été très utile pour la détection et la compréhension d'El Niño, un phénomène naturel de réchauffement des eaux du Pacifique qui se produit tous les trois ou quatre ans, et duquel résulte une succession d'anomalies climatiques (inondations ou sécheresses) dans les régions tropicales. En décembre 2001 a été lancé le « petit frère » de Topex-Poséïdon, Jason-1, qui permet d’obtenir des données en temps réel sur l’état de la mer.

Vers une multiplication des catastrophes naturelles ?

Quels évènements météorologiques extrêmes ont réellement augmenté durant le 20° siècle ?

Dans un communiqué alarmiste publié en juillet 2003, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) estime que le réchauffement climatique risque de s’accompagner d’une multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes : canicules, sécheresses, tempêtes…

De son côté, le GIEC juge que les précipitations extrêmes et les [qactu:284]inondations[/qactu] seront probablement plus nombreuses dans les années à venir, de même que les sécheresses estivales et les incendies. « Le nombre de ces phénomènes n’a cessé de s’accroître ces dernières années », souligne l’OMM, en citant, pour le premier semestre 2003, la canicule en France, les 562 tornades qui ont touché les États-Unis en mai (un record) et une vague de chaleur sans précédent en Inde (entre 45 et 49 °C).

Néanmoins, soulignent les scientifiques, il n’est pas possible pour l’instant de démontrer un lien entre les catastrophes récentes et le réchauffement climatique, car ces événements sont encore trop peu nombreux pour établir des statistiques fiables.

Evènements extrêmes : ce que l'on constate, ce que l'on attend...

La mer monte

Autre source d’inquiétude : l’élévation du niveau de la mer. Chaque année depuis 100 ans, celui-ci monte en moyenne de 1 à 2 mm à cause de la dilatation de l’eau sous l’effet de la chaleur et de la fonte de la glace terrestre. Selon le GIEC, le niveau de la mer pourrait gagner entre 5 et 30 cm d’ici 2050. Si cette tendance se poursuit, de grandes métropoles côtières seraient menacées d’inondations massives d’ici la fin du siècle et certaines îles du Pacifique pourraient disparaître sous les eaux.

L’homme en accusation

Pour la majorité des chercheurs, il ne fait pratiquement plus aucun doute que l’homme joue un rôle essentiel dans le changement climatique. En effet, parallèlement au réchauffement observé au XXe siècle, le taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère s’est élevé d’environ 30 %.

Or, l’analyse des carottes glaciaires montre clairement que les gaz incriminés sont liés à des activités humaines. L’exploitation à outrance des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) et la destruction massive des forêts tropicales sont les principales sources d’émissions de CO2 dans l’atmosphère. Par ailleurs, l’accroissement du cheptel de ruminants et la multiplication des rizières conduisent à des rejets importants de méthane…

En toute logique, cette augmentation des gaz à effet de serre doit se traduire par un réchauffement planétaire. Les climatologues estiment ainsi que la température moyenne de l’air pourrait s’accroître de 1,2 °C d’ici trente ans. Une élévation qui peut paraître négligeable et qui pourtant pourrait perturber toute la machinerie climatique.

Point de repère : le cas particulier des CFC

Les composés chlorofluorocarbonés (CFC), utilisés durant des années par l’industrie dans les systèmes de refroidissement, les mousses et les solvants de nettoyage, se retrouvent aussi dans la troposphère. Or, ce sont d’autres types de gaz à effet de serre. Leur concentration est, certes, 46 000 fois inférieure à celle du CO2, mais leur contribution dans l’effet de serre se révèle autrement plus efficace. Ils absorbent en effet 10 000 fois plus le rayonnement infrarouge que le CO2.

L’interdiction d’utiliser les CFC est effective depuis 1996 dans les pays industrialisés (et le sera en 2010 dans les pays en développement) car ils ont été rendus responsables de la destruction de la couche d'ozone stratosphérique. Un phénomène qui n'a rien à voir avec l'effet de serre.

Les CFC ne sont pas les seuls nouveaux venus : engrais et carburants fossiles enrichissent la troposphère en oxyde d’azote à raison de 0,2 à 0,3 % par an, tandis que la pollution fournit généreusement l’atmosphère en ozone.

Marc Bertola le 14/10/2004