Biodiversité : la forêt française panse ses plaies

Déjà éprouvée par la tempête de 1999, la forêt française doit à présent se remettre de la canicule et des incendies record de l'été 2003.

Par Marc Bertola, le 06/10/2003

Sécheresse et canicule

Un mélèze qui va mourir des suites de la sécheresse.

Pendant les deux premières semaines d’août 2003, la France a subi à la fois une sécheresse sans précédent et une vague de chaleur record : 37 °C en moyenne. La forêt française avait déjà connu des canicules (notamment celle d’août 1998) et de grandes sécheresses (comme celle de 1976), mais elle n’avait jamais souffert de ces deux maux en même temps sur une aussi longue période. Les arbres les plus jeunes, moins bien enracinés et plus fragiles, ont particulièrement souffert du manque d’eau et nombre d’entre eux risquent de périr. C’est le cas notamment de ceux plantés après la tempête de 1999.

Par ailleurs, selon l’Office National des Forêts, « certains vieux arbres risquent de mourir dans les mois qui viennent », victimes de dépérissement. Les essences les plus affectées sont celles pour lesquelles l’enracinement est le moins profond, comme certains résineux (sapins, épicéas) ou feuillus (bouleaux, peupliers) plantés sur des sols superficiels et secs (par exemple des plateaux calcaires).

Comment la sécheresse agit-elle sur les arbres ?

En réaction au manque d’eau, certains arbres stoppent leur croissance. Ils cessent d’accumuler les réserves d’amidon qui leur servent à se renforcer et à résister au froid hivernal. Quand la sécheresse est particulièrement forte, elle perturbe la circulation de la sève dans les vaisseaux du bois, provoquant un dessèchement et une chute de feuilles. La chaleur aggrave ce dessèchement, allant jusqu’à « griller » les feuilles sur l’arbre.

La canicule n’a pas eu que des mauvais côtés. La sécheresse de l’air et la chaleur ont freiné le développement de la rouille du peuplier, un champignon qui provoque la chute des feuilles. On a également noté une forte mortalité chez la processionnaire du pin, une chenille urticante dont la pullulation augmentait depuis quelques années.

Premier bilan au printemps

Des feuilles de hêtre victimes d'excès de rayonnement et de forte température.

Le premier bilan chiffré des dégâts de la canicule ne pourra être fait qu’au printemps 2004, lors de l’arrivée des bourgeons. D’ici-là, les arbres devront résister aux assauts des insectes, des maladies et du froid. Affaiblis, ils sont en effet moins résistants face à des ravageurs tels que les scolytes (des insectes qui s’attaquent aux résineux) et aux champignons porteurs de maladies.

Autre épreuve : l’hiver. Si les températures descendent trop bas, les arbres manquant de vigueur ne pourront pas résister au gel. Pour un bilan approfondi de l’état des arbres, il faudra attendre plusieurs années.

Nathalie Bréda (INRA/Nancy)




« Il n'y a pas de raison d'être catastrophiste :
les arbres ont une grande capacité de résistance. »

Des incendies record

Incendies : un été catastrophique

Les incendies de forêt ont atteint une ampleur sans précédent en 2003. Selon un bilan provisoire établi fin septembre par la Sécurité Civile, plus de 72 000 hectares ont été touchés en France depuis le début de l’année, contre 21 000 hectares en 2002.

Pourtant, ces dix dernières années, selon l’Office National des Forêts, les superficies brûlées avaient diminué, couvrant en moyenne 18 000 hectares. En 2003, la zone méditerranéenne a été la plus touchée (60 000 hectares), en particulier le Massif des Maures (Var) et le nord de la Haute-Corse. La chaleur et le manque d’eau ont favorisé les départs de feu et la propagation des flammes, la végétation étant très sèche dès le mois de juin.

Quand la forêt renaît de ses cendres

Les incendies de l’été auront des conséquences variables selon les massifs.

Certaines espèces repoussent rapidement grâce à leurs racines développées et profondes, comme le chêne kermès et le lentisque (des espèces répandues en région méditerranéenne), les bruyères et les arbustes à baies. D’autres sont protégées par leur écorce épaisse, comme le chêne liège et le pin des Canaries. Enfin, certains arbres comme le pin d’Alep réagissent au feu en « lâchant » leurs graines pour essaimer. Les graines enfouies dans le sol, ainsi que d’autres apportées par le vent, germent au printemps suivant.

La renaissance d’un massif se fait en plusieurs étapes : pourrissement des bois brûlés, puis installation de landes et recolonisation forestière progressive (les pins sont parmi les premières espèces à réoccuper le terrain). Si la forêt peut retrouver son aspect « vert » quelques années après un incendie, il faut en revanche plusieurs décennies pour que toutes les espèces retrouvent leur place.

Soigner les forêts incendiées

Après un incendie, l’Office National des Forêts commence par protéger contre l’érosion les sols privés de leur couverture végétale. Pour cela, on conserve les souches des arbres brûlés en y ajoutant des branchages afin d’éviter le ruissellement de l’eau. Le long des pentes, on installe des gabions (ouvrages de pierre) pour freiner les écoulements. Ensuite, les zones dangereuses sont déblayées, le bois qui peut être vendu est récupéré. La reconstitution naturelle de la forêt est privilégiée. Les souches ayant survécu repartent en général rapidement.

Marc Bertola le 06/10/2003