Sécheresse : la désertification est-elle une fatalité ?

Le Sahel fait face à une sécheresse sans précédent qui se traduit par une désertification des terres. En Afrique ainsi que dans d’autres régions du monde, les sols s’assèchent, sous l’effet du climat mais aussi et surtout de la pression humaine.

Par Marc Bertola, le 09/10/2003

Sécheresse persistante au Sahel

Paysage de sable où la végétation se fait rare. Sud mauritanien.

Depuis une trentaine d’années, la région du Sahel, en Afrique de l’ouest, subit une sécheresse sans précédent. C’est la conclusion d’une étude récente menée par des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) à partir de mesures pluviométriques collectées pendant plus d’un siècle (de 1896 à 2000)*. Cette sécheresse persistante s’est traduite par une désertification accrue de la région : dégradation des sols, diminution de la surface et de la profondeur du Lac Tchad, modification du débit de certains cours d’eau et du niveau des nappes phréatiques. Cette désertification a des conséquences dramatiques pour les 44 millions d’habitants du Sahel : diminution des ressources en eau potable, baisse des rendements agricoles, pertes de cheptel et famines (notamment pendant les périodes 1968-1973 et 1980-1984).

*Hydrological Sciences Journal, juin 2003

Point de repère : que disent les mesures pluviométriques ?

Ces données montrent que la zone de faibles précipitations (300 à 750 mm de pluie par an) s’est étendue vers le sud. A partir des années 70, les années sèches se sont succédées (surtout entre 1976 et 1993). On a bien constaté deux années humides dans la dernière décennie (1994 et 1999), mais selon les auteurs de l’étude, elles ne permettent pas de conclure à une fin de la sécheresse. D’autant que les dernières années mesurées (2001 et 2002) affichent une pluviométrie inférieure à la moyenne du XXe siècle.

Un milliard de personnes menacées par la désertification

La désertification est en fait une dégradation des terres dans les zones arides (aussi appelées « zones sèches ») de la planète. Ces zones, où vivent plus d’un milliard de personnes, représentent environ 40 % de la surface émergée de la Terre (5,2 milliards d’hectares). Or, aujourd’hui, 70 % de ces terres arides se dégradent. Les ressources en eau, déjà limitées, se tarissent. Les sols s’appauvrissent, les surfaces boisées reculent. Affaiblie, la terre végétale peut être emportée par l’eau et le vent, mettant ensuite des siècles à se reconstituer. La désertification touche principalement l’Afrique, qui est constituée aux deux-tiers de zones arides et de déserts. Selon la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CCD), une soixantaine de millions de personnes devraient « abandonner les zones désertifiées de l’Afrique subsaharienne pour l’Afrique du nord et l’Europe » entre 1997 et 2020. La désertification menace aussi d’autres régions. D’après la CCD, plus de 30 % des sols sont concernés aux Etats-Unis, et « un cinquième du territoire espagnol risque de se transformer en désert ».

Point de repère : qu’est-ce qu’une zone aride ?

Les zones arides, ou sèches, sont celles dont le bilan en termes d’humidité est négatif : elles perdent davantage d’eau par évaporation (ou « évapotranspiration ») qu’elles n’en reçoivent grâce aux pluies.

Ces terres ont un indice d’aridité (quotient précipitations/évapotranspiration) compris entre 0,05 et 0,65, selon la classification des Nations Unies. En dessous de l’indice 0,05 on trouve les déserts, ou terres « hyperarides ».

Des causes climatiques… et surtout humaines

Les périodes sèches, comme celle qui sévit au Sahel depuis 30 ans, accentuent la désertification des terres. Selon certains climatologues, le réchauffement de la planète risque de se traduire par des sécheresses plus fréquentes dans les décennies à venir, aggravant la dégradation des sols. Néanmoins, la cause principale de la désertification actuelle est humaine. Pour répondre à la pression démographique, les terres sèches sont surexploitées par les agriculteurs. Les forêts sont victimes du pâturage, des cultures sur brûlis et des besoins en bois de chauffage. Les zones déboisées sont victimes de l’érosion par le vent et l’eau. Autre problème : la salinisation des terres. Les systèmes d’irrigation défectueux peuvent provoquer une accumulation d’eau dans les sols mal drainés. Quand cette eau s’évapore sous l’effet de la chaleur, elle laisse à la surface des sels qui s’accumulent et rendent la terre impropre aux cultures. Près d’un quart des sols cultivés dans le monde seraient concernées par ce problème.

Comment lutter ?

Une zone désertique reboisée en Mauritanie

Il existe des solutions pour reconquérir les terres asséchées. Dans certains pays comme la Mauritanie, des programmes de lutte contre l’ensablement soutenus par les Nations Unies ont permis de stabiliser la progression des dunes, notamment en plantant des arbres autour des villages pour endiguer la progression du sable. Le reboisement permet de lutter contre l’érosion des sols, en ralentissant le ruissellement des eaux de pluie et faisant barrière contre le vent.

La lutte contre la désertification passe aussi par une pratique moins intensive du pâturage, et par des systèmes d’irrigation plus économes.

Autre option : utiliser des pratiques agricoles comme le semis direct, qui consiste à semer directement dans le sol des graines de plantes vivaces supportant la sécheresse. Selon les Nations Unies, il faudrait investir 2,4 milliards de dollars par an pour prévenir la dégradation des terres, alors que le coût annuel de la désertification est estimé à 42 milliards de dollars.

Marc Bertola le 09/10/2003