8 juin 2004 : Vénus passe devant le Soleil

Le 8 juin 2004, Vénus est apparue, telle une ombre chinoise, devant le Soleil. Un événement exceptionnel dont beaucoup ont pu profiter, moyennant quelques précautions d'usage...

Par Olivier Boulanger, le 11/06/2004

8 juin 2004

122 ans ! Il aura fallu « attendre » 122 ans pour assister de nouveau à cet événement exceptionnel : Vénus passant devant le Soleil.

Dénommé transit, le phénomène n’est pas sans rappeler celui d’une éclipse de Soleil (lorsque la Lune passe devant le globe solaire). Seule différence, le diamètre apparent de Vénus – un trentième de celui du Soleil – n'est pas suffisant pour masquer notre étoile : tout juste a-t-elle été capable de réduire sa luminosité de 0,1% !

Ainsi, mardi 8 juin 2004, à 7h19 (heure française), la silhouette de Vénus a commencé à se dessiner sur le bord gauche du Soleil. Puis, durant un peu plus de 6 heures, elle s’est déplacée vers son bord droit pour finalement disparaître.

L’événement n’était pas réservé aux seuls professionnels, bien au contraire. En prenant quelques précautions d'usage, beaucoup ont pu observer le phénomène en toute sécurité. Certains, même, ont pu distinguer (durant les deuxième et troisième contacts) le curieux effet de la « goutte noire »…

L'effet « goutte noire »…

L'effet « goutte noire »…

Au moment où Vénus rentre en contact avec le bord intérieur du Soleil (À la fin du 2° contact et au début du 3° contact), l’image de la planète prend la forme d’une goutte.

C’est Jérome Lefrançois de Lalande qui, le premier en 1770, expliqua le phénomène avec exactitude : ce sont l’atmosphère terrestre et la diffraction de la lumière dans le télescope qui sont responsables de l’étalement de l’image en forme de goutte.

Un événement rare

Les passages de Vénus

Lors d’un transit, la Terre, Vénus et le Soleil sont parfaitement alignés. En tenant compte des périodes de révolution des deux planètes autour du Soleil et en effectuant quelques calculs simples, on pourrait penser qu’un tel alignement se reproduit tous les 584 jours.

Il n’en est rien. La Terre et Vénus évoluant sur des plans légèrement différents, les conditions requises pour qu’un tel alignement se produise sont beaucoup plus rares : elles apparaissent seulement deux fois en huit ans puis disparaissent pendant plus d’un siècle.

Il ne s’est ainsi produit que quatorze transits de Vénus depuis deux mille ans. Et à ce jour, seulement cinq ont pu être observés : avant l’invention de la lunette astronomique par Galilée, il n'était pas possible d'observer le phénomène.

Autant dire qu'il valait mieux ne pas rater le transit du 8 juin 2004 : le prochain, qui se déroulera en 2012, ne sera pas visible depuis l'Europe. Quant au suivant, il n'aura lieu qu'en... 2117 !

Vénus, soeur jumelle de la Terre ?

Vénus vue par Mariner 4 en 1962

Diamètre : 0,95 fois celui de la Terre
Masse : 0,815 fois celle de la Terre.
Distance moyenne au Soleil : 108,2 millions de km
Rotation : de l’est vers l’ouest (à l’inverse des autres planètes)
Température au sol : environ 470°C
Pression au sol : 92 bars (contre 1 bar sur Terre)
Nombre de satellite : 0 (contre 1 pour la Terre : la Lune)

Vénus, qu’on appelle parfois ''l’étoile du berger'', est l’astre le plus brillant de notre ciel après le Soleil et la Lune. On l’a souvent qualifiée de sœur jumelle de la Terre. Et pour cause, comme la Terre, Vénus est une planète tellurique (par opposition aux planètes gazeuses); sa taille et sa masse sont pratiquement identiques à celle de la Terre. Mais là s’arrête la comparaison. Vénus n’est pas une planète hospitalière : sa pression et sa température sont démesurées, et il y pleut de l’acide sulfurique…

Que peut-on apprendre de ce transit ?

Le transit de Vénus n’a aujourd’hui que peu d’intérêt scientifique. Mais il n’en a pas toujours été ainsi...

C’est en effet grâce au transit de Vénus que les premières évaluations de l’unité astronomique (UA) – c’est-à-dire la distance Terre-Soleil - ont pu être réalisées au cours des 18 et 19° siècles.

C’est Edmond Halley (l’homme « de la comète ») qui, en 1716, décrivit le premier comment un tel calcul pouvait être possible. Il suffit que plusieurs astronomes répartis aux quatre coins du monde chronomètrent avec précision les différentes étapes du transit. Les données recueillies sont alors suffisantes pour déduire – par une méthode de triangulation – la distance Terre-Soleil.

L'un des rares clichés du transit de 1882

À partir de 1761, les expéditions les plus folles se sont montées pour parvenir à réaliser ce calcul. De nombreux astronomes et aventuriers ont traversé les océans, parfois au péril de leur vie, afin de réaliser ces précieuses mesures.

La distance Terre-Soleil étant aujourd’hui parfaitement connue (1 unité astronomique = 149 600 000 km), l’intérêt scientifique de cet événement s’en trouve donc limité. Le transit offre néanmoins un intérêt pédagogique : à cette occasion, l’ESO, en partenariat avec l’observatoire de Paris et l’IMCCE, a proposé à chacun de participer à une nouvelle mesure de l’Unité Astronomique. Pour voir les résultats de cette expérience, consultez ce site.

Attention aux yeux !

Le Solarscope, un instrument permettant d'observer sans risque le Soleil.

Lors de toute observation du Soleil, il est impératif de se protéger : regarder notre étoile sans protection peut causer des dommages irréversibles de la rétine.

À l’œil nu…
Utilisez des lunettes de protection en polyamide noir ou en Astrosolar (le même type que celles destinées à observer les éclipses). Celles-ci sont disponibles chez la plupart des opticiens. Ne jamais regarder à travers des CD, des pellicules voilées, du verre fumé… Avec des lunettes comme celles spécifiées plus haut, ne jamais tenter de regarder le soleil avec des jumelles.

Aux jumelles…
Fixez à l’avant des jumelles des feuilles d’Astrosolar à l’aide de plusieurs élastiques. Ne jamais placer les feuilles côté oculaires !

Avec une lunette astronomique ou un télescope…
Même principe qu’avec des jumelles. Attachez à l’avant de l’instrument une feuille d’Astrosolar. Il est également possible, sans filtre, de projeter l’image du Soleil sur un écran (une feuille de papier par exemple). Avantage : plusieurs personnes pourront assister simultanément au spectacle). Ne jamais regarder dans l’instrument si vous utilisez la méthode de projection ; penser à protéger ou à démonter le chercheur de l'instrument.

Au Solarscope…
Le Solarscope reprend le principe de projection. C’est un dispositif simple, efficace, peu coûteux et qui permet à plusieurs personnes d’observer le phénomène simultanément.

Olivier Boulanger le 11/06/2004